Épisode 1

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Il était une fois... « deux folles furieuses » qui s'ennuyaient et pour cause : on était vendredi soir et c'était férié.

— Ouais, c'est tout ce que t'as trouvé pour me remonter le moral ? rouspète Frannie, ma meilleure amie.

— Je t'aurais bien dit de sortir mais tout est fermé. Tu devras te contenter de glace à la vanille, j'ai même pas de chocolat !

Elle lève les yeux au ciel et souffle d'un air désespéré.

— Pas de chocolat, c'était le pire qui puisse arriver. Rends-toi compte : coincées dans un appart, un vendredi soir, en période de ville morte ; sans mec à l'horizon... Tu veux ma mort, Gayle ? Tu nous as fait emménager dans un no man's land, euh...... no woman's land.

— D'abord, on n'est pas coincées, j'ai Netflix et Lucifer, de la glace, de la bière et ma meilleure amie, ça aurait pu être pire !

— Ouais... pas faux, concède-t-elle dans un sourire désabusé.

— Tu vois ? J'ai toujours raison.

— Tais-toi et balance Lucifer.

— Où ça ? Par la fenêtre ?

— Je sais pas comment je fais pour être amie avec toi ! marmonne Frannie, en lâchant un soupir exaspéré.

Je lui lance un sourire éclatant et hausse nonchalamment des épaules.

Je ne peux pas en vouloir à Frannie d'être de mauvaise humeur. Après tout, il y a encore un mois nous vivions à New-York, dans le quartier de Flushing, fiancées toutes deux. Eh oui ! Nous pensions avoir trouvé le grand amour, chaussure à notre pied, le prince charmant sauf que les princes en question sont partis main dans la main, sans qu'on n'ait rien vu venir. Vous parlez d'une douche froide – enfin là, on pourrait comparer ça au Challenge Ice Bucket – et bref, après quelques jours de flottement à nous regarder les yeux rougis et hébétés, le nez rouge et coulant, nous avons décidé que déménager à la campagne, dans un trou paumé, loin des hommes perfides et sans cœur – mais avec le réseau wifi – était la solution à nos problèmes. Question travail, ça n'en pose aucun puisque nous dirigeons toutes les deux une agence de pub qui marche plutôt bien et même plutôt très bien. Notre dernière campagne connue ? « Les croquettes wouf-wouf, celles pour lesquelles votre chien devient ouf ! » qui nous a valu un AAA – American Advertising Award – ou si vous préférez, une récompense comme au cinéma mais pour la pub, sans oublier le gros chèque qui va avec.

Une fois atténué le choc de la trahison de nos ex-fiancés, nous avons décidé de changer d'air radicalement en nous installant à Winnemucca, une charmante bourgade du comté de Humboldt, Nevada.

Winnemucca, huit mille habitants.

Autant dire, pour des citadines comme nous : le désert.

Oubliés, les escarpins Jimmy Choo et autres fantaisies. Depuis que nous sommes là, j'ai l'impression d'être un bucheron. Mon uniforme ? Jean, chemise à carreaux et grosse veste, Stetson et rangers aux pieds pour mieux me fondre parmi les autochtones... Quoique... je n'aie encore vu personne s'habiller de cette manière.

C'est peut-être la raison pour laquelle les gens nous regardent d'un drôle d'air quand nous allons en ville ?

— Gayle, à quoi tu penses ?

Je sursaute et me tourne face à mon amie qui m'observe les sourcils froncés.

— Moi ? À rien. Pourquoi tu dis ça ?

— Parce que je suis sûre que tu es incapable de me dire ce qui vient de se passer dans la série alors que Tom Ellis a une plastique de rêve.

— Et que vient faire son corps là-dedans ?

Désabusée, Frannie se frappe le front d'une main et se laisse lourdement retomber sur le canapé.

— Sérieusement, qu'est-ce qui ne va pas chez toi ? me demande-t-elle d'une voix pleine d'inquiétude.

— Je crois que ton humeur a déteint sur moi.

— Sympa de tout me balancer dessus !

Elle se lève, va dans la cuisine, en revient avec deux bières et m'en tend une en guise de calumet de la paix.

— Merci, soufflé-je du bout des lèvres, agacée par mes propres sautes d'humeur.

— Bon, tu vas enfin me dire ce qui t'arrive ?

— Ce qui m'arrive ? C'est que New-York me manque mais on ne peut décemment pas y retourner maintenant. Tu imagines la tête de tous ceux qui ont dit qu'on allait se planter ? Et en plus, on vit dans un trou paumé et il n'y a même pas un bar ouvert ce soir où on n'aurait pu se saouler pour oublier !

— Je ne te connaissais pas pilier de bar, Gayle. T'es malade ?

Je lève les yeux au ciel.

— J'ai seulement envie de m'amuser, c'est tout ! rétorqué-je.

Frannie me lance un regard tout en me faisant une moue exaspérée.

— Je te rappelle que c'est toi qui as choisi Winnemucca pour poser nos valises.

— Je n'ai rien choisi du tout ! C'est quand même pas de ma faute si mon doigt a ripé sur ce bled lorsque j'ai fermé les yeux !

— T'aurais pu mieux viser, c'est tout ! Tu avais dit « laissons faire le hasard » et au lieu d'être à Vegas, on a atterri ici ! C'est à en pleurer !

— Et on en revient encore à Vegas..., rouspété-je, passablement agacée.

Je lui lance un regard noir et croise les bras sur ma poitrine.

Bon, il est temps de prendre une décision pour notre bien à toutes les deux. Et notre santé mentale.

Je prends une profonde inspiration et aussitôt, un sourire apparait sur le visage de ma meilleure amie. Elle sait que je suis en train de capituler.

— Très bien, Frannie ! Tu veux aller à Vegas ? On va aller à Vegas !

Elle se lève d'un bond, manquant de renverser nos bières, et entame une danse de la joie, tout en chantant Viva Las Vegas, du King.

Eh ben ! On n'est pas rendues !

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⏰ Last updated: Nov 11, 2016 ⏰

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