L'Illumination

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D'instinct, le jeune homme se leva aussi sec, sa lame entre lui et le faux vieillard, au-dessus du feu qui crépitait dans la pénombre du soir. Depuis le début, l'homme cherchait à cacher son identité au jeune voyageur à l'aide de son ample cape à capuche, ne lui laissant voir que l'éclat de son regard gris et entendre le son de sa voix rocailleuse.

_Je reconnais enfin cette voix! Vous êtes celui qui a tué mes parents! s'écria le jeune homme, en colère de s'être fait berner aussi facilement. Vous êtes celui que je cherche depuis des années!

Son identité révélée, le tueur releva sa capuche et jeta sa cape désormais inutile, révélant un homme pas si vieux que ça, dans la force de l'âge, avec une épée au côté, rangée dans un fourreau de cuir sur lequel figurait, entrelacé de fils d'or, un emblème des plus reconnaissables.

_Pose cette épée par terre et discutons calmement, veux-tu? demanda l'imposteur.

L'orphelin en colère leva alors sa grosse épée au-dessus de lui et se précipita en direction du tueur qui eut juste le temps de dégainer la sienne qui le protégea d'une décapitation certaine. S'en suivit alors un ballet aussi beau que mortel où chacun n'arrivait à surpasser l'autre. Les deux duellistes s'affrontèrent ainsi quelques instants jusqu'à ce que l'assassin brise la cadence d'un saut en arrière et dit de sa voix rauque:

_Il suffit! Et il jeta son épée devant lui. Et tu feras pareil, à moins que tu n'ai pas honte de tuer un homme désarmé...

Le jeune homme, un peu calmé, réfléchit d'abord à la question avant de foncer à nouveau sur le tueur qui jura en ramassant précipitamment son épée qui vint s'entrechoquer de justesse avec celle de l'orphelin.

_Arrêtes-toi maintenant! cria t-il après avoir jeté de nouveau par terre son épée à côté de celle du jeune homme qu'il venait de désarmer.

_Il n'y a pas objet à discuter! hurla l'impétueux orphelin. Tu as tué toute ma famille, j'ai donc droit de réclamer justice, c'est-à-dire ta mort en guise de réparation.

_Et à quoi cela va t-il te servir? Tu ne les feront pas revenir en m'assassinant, et tu n'en porteras pas mieux le fardeau qu'est leur mort sur tes épaules.

_Rien ne serait mieux que de savoir le meurtrier de ma famille tué et eux vengés de ma main.

L'homme le scruta, réfléchit puis déclara:

_Alors ait au moins l'honneur de le faire en te salissant les mains et de suivre ainsi ta pensée sur l'usage d'une épée que tu m'as si bien expliqué, à moins que cela n'était que mensonges, ou que tu sois prêt à bafouer tes principes.

Le jeune homme, blessé et fou de rage, se jeta alors sur son adversaire. Chacun se prit des coups et les rendit tout aussi bien: ils étaient pour l'instant au même niveau. C'est alors que le tueur réussi à faire basculer l'orphelin par terre qui, aussitôt, prit l'avantage sur son adversaire en se mettant au-dessus de lui et le roua de coups sur le visage. Mais soudain celui-ci, la face tuméfiée, réussi d'un coup de rein à inverser les rôles: désormais dominant, il profita de sa position pour immobiliser le jeune guerrier, puis sortit un couteau de sa botte, essoufflé. D'un coup, il vit la peur envahir les yeux verts du jeune homme, qui se sentait en très mauvaise posture.

_Vous avez toujours été présomptueux, les jeunes, dit l'homme. Ma foi, tu te débrouille plutôt bien, tant à l'épée qu'à mains nues, et en plus tu es loin d'être bête. Nous aurions pu nous entendre dans une autre vie...

_Il est peut-être encore temps! répondit le jeune orphelin qui ne se voyait pas perdre la vie aussi tôt. Vous n'êtes pas obligé d'aller jusqu'à me tuer.

Le tueur plongea son regard gris dans celui, vert, de sa victime.

_Tout compte fait, je me suis trompé sur ton compte. Nous ne nous serions pas entendu. Et, de toute façon, si je ne le fait pas, c'est toi qui me tuera. Mais, au fond, qu'est-ce que la mort?

Et il planta son couteau dans le cœur du jeune homme.

THE END


La Philosophie de L'ÉpéeWhere stories live. Discover now