PROLOGUE

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- PROLOGUE -

Katharine Mcphee - Say Goodbye

Southport, Caroline du Nord

Mercredi 15 juin 2016

Alicia

Le soleil se lève sur Southport et une nouvelle journée m'attend. Parfois, je me demande si, un jour, j'arriverai à suivre ma route et trouver la paix intérieure. Je sais que, de là où se trouve Adrian, il aurait souhaité que je sois heureuse pour Owen, notre fils, et moi. Cette semaine de vacances va s'avérer difficile... Au moins, lorsque je travaille, j'ai l'esprit occupé.

Je repousse la couette et me lève. Je m'avance jusqu'à la commode, attrape sa photo et suis chaque trait de son visage du bout des doigts, comme je le fais chaque matin.

— Tu étais si beau, mon amour. Deux ans que tu nous as quittés... Deux ans que tu as perdu la vie au front. Combien de fois t'ai-je pourtant dit et supplié de me revenir entier, soufflé-je, les larmes aux yeux.

Je ferme lentement les paupières en serrant le cadre tout contre mon cœur. Je me remémore cette phrase que je lui citais comme un mantra à chaque fois qu'il repartait en mission. Elle ne quittait plus mes lèvres tant que je ne le voyais pas repasser le pas de la porte de notre maison :

« Prenez soin de vous, lieutenant.

Ne jouez pas au héros, voulez-vous ?

Revenez-moi sain et sauf. »

Je repose le cadre en soupirant de tristesse. Je me suis retrouvée veuve avec un enfant d'à peine deux ans et à l'âge de vingt-six ans, nous pensons avoir le temps de panser nos blessures et de guérir de l'absence de l'amour de notre vie. Malheureusement, les années passèrent et pas même le temps ne soigna cette plaie profonde qui s'ancra en moi. Je pensais qu'en continuant à vivre au manoir, cela apaiserait un tant soit peu ma douleur, comblant au moins en partie ce besoin irrépressible de sa présence, fût-elle juste une fugace impression... Aujourd'hui encore, je reste étroitement liée à son souvenir. Je sais que je dois accepter sa mort. Je sais aussi que je dois continuer à me lever chaque matin afin de suivre mon chemin, mais il me manque tellement. Trouverai-je un jour la paix intérieure ? La vie m'offrira-t-elle une seconde chance d'être heureuse ? Owen a perdu son papa et je sais combien il a besoin d'une présence masculine, mais je refuse de faire entrer n'importe qui dans notre famille. C'est encore beaucoup trop tôt...

Une fois prête, je m'observe dans le miroir de ma chambre. Parfois, je ne me reconnais même plus... Aujourd'hui, on me décrit encore comme la jeune veuve d'un soldat mort au combat et qui porte inlassablement les plaques militaires de son défunt mari autour du cou, mais je n'arrive pas à m'en détacher. Effectivement, deux ans après la disparition de mon mari, je suis encore en deuil, refusant d'ouvrir mon cœur à qui que ce soit... 

Je sors de ma chambre et rejoins celle de mon fils, à l'autre bout du couloir. J'entre et m'assois sur le bord de son lit en le contemplant avec amour.

— Ton père aurait été si fier de toi, mon cœur, chuchoté-je en posant ma main sur sa joue tout en la caressant avec mon pouce. Oui, il aurait été si fier du petit bonhomme courageux que tu es devenu, ajouté-je d'une voix tremblante.

Owen s'étire de tout son corps, puis se tourne vers moi en frottant ses petits yeux encore ensommeillés. Je sèche immédiatement mes larmes afin de ne pas l'inquiéter.

— Maman, c'est déjà l'heure ? demande-t-il en jetant un œil vers la fenêtre où les reflets du soleil s'engouffrent à travers les volets.

— Oui, mon cœur, lui réponds-je en déposant un baiser sur le haut de la tête. Allez, viens...

Owen se lève et nous descendons à la cuisine où l'odeur des pancakes nous met aussitôt l'eau à la bouche.

— Coucou, grand-mère ! s'exclame Owen en se précipitant vers elle.

— Bonjour, mon chéri, dit-elle en passant son bras autour de son épaule. Tu as faim ?

— Ouiii, très ! s'enthousiasme-t-il en allant s'assoir à table, déjà prêt à engloutir son petit déjeuner.

Je souris, amusée, et rejoins grand-mère que j'embrasse sur le front.

— Bonjour, grand-mère.

— Bonjour, ma chérie, dit-elle en retirant un pancake de la poêle. Il me semble que tu m'as promis de faire l'effort de porter autre chose que cette couleur lugubre ? me rappelle-t-elle en le posant sur une petite assiette qu'elle dépose devant Owen.

— Je ne me sens pas encore prête..., marmonné-je en baissant légèrement les yeux.

Elle grimace et ajoute, tout en revenant vers moi :

— Deux ans, Alicia... Ne crois-tu pas qu'il serait temps de tourner la page et de penser un peu à toi ? Tu es si jeune encore et tu as toute la vie devant toi...

Au bord des larmes, je secoue la tête sans dire un mot. J'ai la gorge nouée par la douleur lancinante qui n'en finit pas de me comprimer la poitrine depuis mon réveil.

— Tu es pâle comme un linge, ce matin, remarque-t-elle immédiatement en caressant mon visage du revers de la main. Que se passe-t-il ? s'inquiète-t-elle en me dévisageant.

Brusquement, la tension à son paroxysme, je m'enfuis en courant.

— Alicia !

Je traverse le salon où j'aperçois le portait de mon mari accroché au-dessus de la cheminée tout comme celui de son grand-père et de son père, également tombés au front. J'étouffe un sanglot avec mon poing et me précipite vers le hall d'entrée. Le cœur au bord des lèvres, j'ouvre rapidement la porte et dévale les marches d'escalier en courant jusqu'au chêne où se trouve notre balançoire. Ce besoin viscéral de fuir cette maison où les souvenirs m'assaillent sans répit depuis mon réveil m'aveugle. Pourquoi une boule d'angoisse s'est-elle nichée au tréfonds de mon être ? Pourquoi mon cœur bat-il la chamade ? Cela faisait des semaines que je ne m'étais pas sentie aussi mal...

Je prends place sur la balançoire en me laissant bercer par le mouvement naturel et apaisant de celle-ci. La brise tiède qui souffle doucement sur mon visage me rappelle tous ces moments merveilleux que nous avons partagés ici, au manoir. Toutes ces promesses que nous nous sommes faites et que nous ne serons plus en mesure de tenir. La vie m'a arraché tant de personnes chères à mon cœur. Je suis lasse de me battre, laissant s'écouler le peu d'espoir que nourrissait encore Adrian de son vivant. Comment oublier l'amour de sa vie, son mari, le père de son enfant ? Comment continuer à suivre sa route lorsque celle-ci a perdu sa lumière, ses couleurs et sa saveur ?

— Adrian, je dois me résoudre à te laisser partir... Mais tu me manques tellement, mon amour, sangloté-je en continuant à me balancer.

Les rayons de soleil se reflètent sur la jetée en bois et sur l'océan. Le bateau est toujours là, la barque aussi, sa Camaro et le manoir, comme si rien n'avait changé. Comme si le temps s'était figé pour continuer à me faire espérer et rêver. Mais je connais au fond de mon cœur la sinistre vérité : Adrian est mort. Mon mari ne traversera plus jamais notre allée pour me revenir comme il me l'a autrefois tant promis.

— Lieutenant..., soufflé-je en revoyant son si joli sourire et ses yeux bleus magnifiques se dessiner sur l'horizon.

Je ferme les yeux pour me nourrir de mes souvenirs qui affluent dans mes pensées, et ainsi le rejoindre dans la pénombre de ma mémoire. Cet endroit où j'ai encore la chance de le retrouver afin d'apaiser la douleur de son absence. Je prie le ciel pour ne jamais oublier chacun de ses traits, chacune de ses caresses, chacun de ses baisers...

Deux ans après sa disparition, ses mots continuent à résonner dans la brise marine qui glisse délicatement sur mon visage comme un dernier message d'espoir :

« C'est notre amour qui guide chacun de mes pas.

Je retrouverai toujours le chemin de notre maison.

Je reviendrai... Attends-moi... »

ADRIAN U.S. ARMYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant