Prologue

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Montana, décembre 1864

Son cheval fendait l'air glacial, de la vapeur brûlante sortait de ses naseaux et déjà ses sabots s'enfonçaient dans la neige tombante. Le ciel semblait lourd, les nuages blancs mélangés aux flocons donnaient l'impression que le temps accompagnait la nouvelle qu'il allait annoncer. L'homme ne pouvait ouvrir les yeux, tellement la tempête était mauvaise. Le vent s'était levé d'un coup, sans crier gare. Il avait été surpris, tout autant que l'équidé. Il avait depuis longtemps lâché les rênes du canasson, car il n'avait pas de gants. Il aurait pu en mourir. Il devait même garder les yeux fermés ; il se serait peut-être envolé si ses pieds n'étaient pas coincés dans les étriers.

Cela faisait presque un mois qu'il tentait de leur échapper. Il avait trouvé pour seule solution d'aller demander de l'aide à l'un des chefs d'une des tribus du Nord. Peut-être qu'en se rebellant, il pourrait réussir à faire cesser ce massacre. Après être parvenu à dérober un cheval à l'un des siens, cela faisait des heures que sa monture avançait. D'abord au galop, puis maintenant, sans doute au pas. Il avait perdu toute notion du temps, la crainte lui broyant les tripes. Ils étaient peut-être derrière lui, à ses trousses, il n'en savait rien. Peut-être également allait-il se faire tuer à peine arrivé, mais il fallait tenter le coup. Il avait mûrement réfléchi à sa décision et celle-ci semblait être la plus élaborée.

Une odeur de fumée sembla traverser son nuage de givre. Son cerveau lui jouait peut-être des tours. Mais après encore un moment, la tempête sembla s'apaiser, et lorsqu'il redressa la tête, il commença à voir se dessiner un village au bord de la rivière devenue glace. Il récupéra les rênes et pénétra entre les tipis, timidement et sur ses gardes. Il n'était pas armé. Il guettait le moindre mouvement. Après plusieurs minutes à avancer, au vu des nombreuses demeures qui se trouvaient là, il s'arrêta brusquement devant la plus grande tente faite en peaux de bête, ne sachant que faire. Le campement était atrocement calme et silencieux, aucun bruit ne semblait parasiter ce moment. Au vu du froid qui y régnait, cela semblait presque évident. La tempête venait certainement de tomber car bien que le vent s'était tu, les flocons poursuivaient leur descente.

Soudain, un hurlement retentit dans son dos. De peur, l'équidé se cabra en hennissant, ou alors était-ce dû au fait que quelqu'un l'ait frappé sur la croupe. Surpris, le jeune homme ne put se tenir et tomba à terre, la tête la première. Il fut sonné un instant et en revenant à lui, sa monture était aux mains d'un Peau-Rouge. Il avait évité de justesse un mauvais coup de sabot. Le froid pénétrait plus rapidement dans ses os, maintenant qu'il était allongé sur le sol. Il commença alors à claquer des dents.

En réalisant ce qu'il venait de se passer, il comprit. Un Indien avait poussé un cri pour alerter les autres hommes du bivouac, et se faisant, ils s'étaient tous regroupés autour de lui, un Blanc, un ennemi.

Des lances étaient maintenant contre son visage, plusieurs hommes le mettaient en joue, pendant qu'un le fouillait pour éventuellement trouver une arme qu'il n'avait pas. Une fois certains de ne pas être en danger, les Peaux-Rouges le relevèrent et l'agrippèrent rapidement, l'emmenant près d'un poteau en bois, dans le froid, où ils l'attachèrent à celui-ci, à genoux et les mains dans le dos. Parmi le brouhaha ambiant, il entendit des chiens aboyer rageusement.

Les aborigènes partirent sans un mot, un regard assassin collé au visage, le laissant là, ayant pour seule compagnie les flocons de neige. De là où il était, il vit le parc où se tenaient leurs chevaux. Ils étaient nombreux et c'étaient de beaux spécimens. Bien loin de la race standard de ceux de son peuple.

En partant, ils lui avaient enlevé son manteau, ne lui laissant plus que sa chemise en lin. Par ce temps, il allait mourir sous peu, dans cette tenue. Il claquait des dents, mais n'espérait pas meilleur traitement en prenant conscience qu'il s'était embarqué dans un camp où les Blancs comme lui n'étaient considérés que comme des barbares, pilleurs de terres et avides d'or. Il avait peut-être pris la mauvaise décision, il aurait peut-être dû se laisser tuer par les siens. Cela aurait peut-être été une mort plus rapide, au lieu d'agoniser en fuyant comme un lâche.

Tsitsistas (EN VENTE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant