Chapitre 1 : une bonne et une mauvaise nouvelle

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La forêt vierge s'étendait à perte de vue. Au milieu des lianes et des animaux sauvages, une petite femme trapue courrait aussi vite que ses jambes lui permettaient. Soudain, elle entendit une balle siffler à ses oreilles. Faisant une embardée sur le côté, elle s'accrocha à une branche pour mieux négocier son virage et s'enfonça dans la jungle opaque. Mais un bruit sur sa gauche lui indiqua qu'un animal galopait à ses côtés ; elle reconnut un chien. Il montrait les dents et menaçait de la mordre. Elle l'envoya promener d'un coup de pied dans les côtes, il gémit. Une autre balle manqua de lui perforer l'épaule. Elle y était presque, les tours de la ville se dessinaient au loin. Soudain, tout se figea. Elle fit un projectile suspendu dans les aires à quatre centimètres de son oreille.« Mieux visé » se dit elle. Mais elle réalisa soudain que ses pieds ne pouvaient plus toucher le sol.


-Ismène ? Meri ? On passe à table !


De toute façon, la partie était perdue, pense alors Ismène. Et sans un regard pour sa protégée, elle éteignit la console et sortit dans le couloir menant au salon. Ses parents étaient assis autour de la table du salon et leur air grave la surpris tout de suite. Son frère, Meri, la suivait. La table était mise dans la petite cuisine de l'appartement. Brigitte et Frank Sangonier regardèrent tendrement leurs enfants, beaucoup trop pour que tout aille bien. Elle s'alarma tout de suite. Sa mère avait relevé ses cheveux blonds rapidement dans une pince en plastique du même bleu que ses cernes. Son père portait un jean foncé et un t-shirt blanc col rond, ramené d'un voyage en Espagne.


- Ismène, Meri, mes chéris, commença son père. Vous savez, c'est assez compliqué pour nous niveau financier en ce moment. J'ai deux nouvelles à vous annoncer. La première est bonne : j'ai retrouvé un travail. Ismène soupira d'aise, enfin se dit-elle, après deux ans de chômage, enfin il allait partir de la maison avec elle le matin,rentrer tard le soir, remettre un costume ses jours de réunion,sentir bon le parfum et ne pas rester toute la journée dans le canapé. Sa vie allait redevenir comme avant. -Ismène, tu m'écoutes ?

-Oui, pardon papa.

-La problème, c'est que ce travail est assez loin de la maison. Carrément loin en fait. Je vais être technicien en chef d'une usine automobile en Roumanie. Ça implique plusieurs changements : d'abord, votre mère et moi, on va devoir partir habiter là-bas.

-Comment ça, votre mère et moi ? Demanda Meri qui, comme Ismène, s'était senti exclu.

- C'est assez loin de la ville, dans l'est du pays, et il n'y a aucune école française dans les alentours. Alors il va falloir que vous partiez dans un internat.

Sonnée, Ismène les regarda tous les deux, serrés l'un contre l'autre, comme si ils avaient peur du lendemain. Ils partaient, sans elle. Elle partait aussi, laissée seule avec son frère taciturne. Cela dit, qu'est-ce qui la retenait dans son école, à par quelques amies un peu fourbes et un vague attachement à la routine qu'elle y entretenait ?

-C'est où le pensionnat ? demanda Meri. Ses parents se regardèrent, soulagés de leur réaction. Ils avaient craint le pire, les pleurs,les cris ou, ce qu'ils redoutaient le plus, la colère froide.

- C'est dans le sud de la France, près d'Avignon. Vous irez en septembre.

-Ah, d'accord. Et qui est-ce qui a trouvé l'endroit ?

-C'est ton grand-père. Il avait l'air très emballé, tu pourras lui passer un coup de fil. Je pense qu'il sera content, dit sa mère. D'ailleurs, pour les week-end, vous pourrez plus aller chez lui que venir nous voir, ça sera plus, euh, pratique, d'accord ?

-Oui, bien sûr, dit Ismène. Ça sera plus simple que de venir en Roumanie toutes les semaines. Et du coup, je ne vous verrai plus jamais.

-Ne dit pas ça, ma chérie, l'interrompit vivement son père. Tu sais, cette décision a été difficile à prendre pour nous aussi, mais on s'est dit que c'était ce qu'il y avait de mieux. Sinon, il se serait passé quoi ?Tu aurais suivi les cours du CNED, sans voir jamais personne de ton âge, en attendant qu'on rentre le soir ? Tu penses que tu aurais été heureuse, comme ça ? On en a parlé avec Papi, et il nous a dit qu'il se chargeait de te trouver un endroit bien, pendant qu'on fait tout l'administratif.

Il avait parlé avec douceur, sans aucune agressivité mais ses mots étaient tranchants comme des lames de rasoir.

-D'accord. Bon.


Un long silence suivi, puis se ressaisissant, Brigitte se frappa les cuisses d'une manière qu'elle voulait entraînante et énergique, mais qui émit un son rendu mat par son jogging, et se leva. Ils la suivirent, et passèrent à table. Ce dîner fut le plus glauque qu'Ismène avait connu depuis le licenciement de son père. Elle leur en voulait, mais surtout elle avait peur. Peur du lendemain, peur de ne pas se faire d'amis, peur de ne plus pouvoir leur cacher qu'elle et les ados, c'était pas un truc super facile, qu'elle était pas vraiment sur la même planète,peur de se retrouver dans une grande cantine sombre à dîner seule, se trouver abandonnée, peur d'être encore la fille sympa à qui on vient parler pour lui demander ses fiches, peur que tout soit comme avant mais qu'elle n'ai juste plus ses parents le soir. Et en plus, maintenant, ses pâtes étaient froides.  

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Voici mon premier chapitre !

Merci beaucoup pour votre lecture ! Si vous avez des questions, des conseils... n'hésitez pas à me les laisser en commentaire ! Et que pensez vous de l'idée du morceau de musique ? 

La suite arrive très vite ! 

Nina

L'Internat - Meri et IsmèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant