Ma matinée passa affreusement lentement. Je ne cessai de taper du pied, ou bien de faire du bruit avec mes stylos. Je savais pertinemment que cela agaçait mes voisins, mais je n'y pouvais rien. Il fallait à tout prix que je fasse quelque chose, car je risquai sinon de me replonger dans des pensées plus sombres. June m'avait envoyé un message pour me prévenir qu'elle ne s'était pas réveillée, et qu'elle ne me rejoindrait donc pas à midi, ce qui me laissait donc tout le temps d'appeler ma sœur pour lui parler du comportement de notre mère. En revanche, elle me donna rendez-vous dans un café vers quatre heures de  l'après-midi. Je voyais bien qu'elle essayait de me faire sortir pour ne pas que je penses aux derniers événements qui concernaient Sneaz. Depuis le soir où je l'avais laissé planter là sur un trottoir, après avoir appris qu'il avait une copine, je n'avais plus eu de nouvelles. Pas que j'en voulais d'ailleurs. Je me sentais assez mal comme ça sans avoir besoin de savoir comment ça se passait avec sa copine. Antoine, lui, m'avait envoyé plusieurs messages auxquels je n'avais pas vraiment donné suite. Je savais que ce n'était pas de sa faute, mais je ne pouvais  pas m'empêcher de croire qu'il était au courant, et de ce fait, je lui en voulais quand même un peu.

Je me serais mise des gifles d'avoir penser à eux, si j'avais su que j'en retrouverais un devant ma fac à ma sortie des cours. Sa grande taille et sa casquette lui cachant la moitié de la figure ne laissait aucun doute sur son identité, même à quelques mètres de là. Je me mêlais à la foule, en espérant que Sneaz ne m'ait pas vu, mais c'était évidemment bien trop demandé au destin. Il m'attrapa le poignet avant même que je puisse faire quelques mètres, m'obligeant à me rapprocher de lui.

- Nora, fit-il d'une voix cassée, qui, pendant le temps d'une fraction de seconde, me fit un peu de peine même si ce sentiment disparu presque aussi vite qu'il était arrivé. On peut parler ?

Je me contentai de faire un vague oui de la tête. En réalité, je n'en avais pas envie, mais si c'était le moment d'avoir des explications, autant que ça soit fait maintenant, puisque je ne pourrais, de toute façon pas être de plus mauvaise humeur.

- Tu ne vas pas t'enfuir, cette fois, hein ? me demanda-t-il une fois que la foule fût un peu plus éloignée. Tu veux aller manger quelque part ?

- J'ai pas faim, soupirai-je. Je veux juste que tu t'explique, vite, et qu'après tu me laisse tranquille.

Il soupira, mais ne parut pas surpris de mon ton froid et distant. Mes yeux tombèrent alors sur mon poignet, qu'il tenait toujours entre ses doigts, et je me libérai d'un petit mouvement tout de même sec. Il me fit alors signe de le suivre, et c'est ce que je fis. Nous marchâmes dans un certain silence pendant une dizaine de minutes, peut-être même quinze, pour ce que j'en savais, jusqu'à un petit square qui ne paraissait pas très peuplé, à part de quelques enfants. Nous finîmes par nous asseoir côte à côte sur un vieux banc défraîchi, et je fis en sorte de tout de même laisser une bonne distance entre nous.

- Tu te souviens quand tu m'as demandé si j'étais déjà tombé amoureux ? fit-il au bout d'un moment. Je t'ai répondu que oui, une fois...

- Et c'était de cette fille, complétai-je d'une voix sèche.

Il soupira en m'entendant, et je n'eus pas besoin de tourner la tête dans sa direction pour voir qu'il hochait la sienne. Et pourtant, Dieu savait à quel point j'avais envie de regarder son visage. Je me faisais simplement violence pour ne pas avoir l'air faible.

- C'était au lycée, se contenta-t-il de dire. J'étais un peu naïf à l'époque, et Gab' m'a rendu un peu fou. Beaucoup même. J'aurais tout fait pour elle, alors qu'en vérité, elle se servait de moi. Je le savais. Je voulais juste pas m'en rendre compte, parce que je croyais que ça changerait avec le temps.

All of the StarsWhere stories live. Discover now