Chapitre 2

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Merde, merde, merde!

Je suis encore à la bourre. 

 Je fixe sur le tableau de bord l'horloge et essaie de lui envoyer des ondes  pour arrêter le temps... Sans succès. De 9h00 elle passe à 9H01.

C'est dingue quand on est pressé comme le temps file vite. Au boulot ça n'arrive jamais, les secondes s'égrainent comme des minutes mais quand on est en retard les minutes se transforment en secondes.

Dès mon réveil, ce matin j'ai su que ma journée allait mal se passer. Mes paupières étaient encore fermées que le son nasillard de la radio de la salle de bain a atteint mes oreilles. C'est à cet instant précis que j'ai su que j'allais être de mauvaise humeur. 

Je ne supporte pas ce bruit.  A la limite j'aurais pu le supporter si ça avait été de la musique. 

Mais non. 

C'était  les infos qui passaient en boucle  toutes les cinq minutes, le pire c'est que les journalistes ont dû atteindre leur limite de créativité ou de sensations fortes car ils disaient toujours la même chose. 

La devise de l'euro a encore monté face au dollar. Oh mon Dieu catastrophe pour les entreprises françaises qui ne parviennent plus à exporter leur produits. Bonne nouvelle les amis, vos impôts vont  augmenter l'année prochaine. Ou bien, après l'annonce au G8 et blabla et blabla. 

Non, moi ce que j'aime le matin, c'est le silence, boire mon petit café et émerger en douceur. Mais ces moments-là je ne les vit que dans mes rêves. 

Simon sort de la salle de bain à cet instant et entre dans la chambre sans un bonjour et un regard il me lance:

- T'as entendu, l'euro a encore monté. C'est pas bon ça je vais perdre de l'argent, adieu la prime sur objectif.

- Hum...Hum...

Il se place face au miroir de la chambre et ajuste sa cravate tout en continuant son monologue.

- Au fait, j'ai pensé ce matin, il faudrait faire partir une machine à laver, j'ai plus de chemises propres.

OK. Temps mort.

J'ouvre une paupière. Mon cerveau se réveille et se met en mode guerrier. Après une rapide traduction langage homme version langage femme, j'analyse sa phrase.

Le Résultat ne se fait pas attendre.

" Il faudrait que tu fasses partir une machine à laver parce que je n'ai plus de chemise propre à me mettre demain matin".

Pfft et voilà comment en une phrase mon merveilleux rêve érotique de cette nuit part en fumée.

D'un geste rageur, je repousse la couette et me lève sans une parole.

Ne l'ouvre pas, ne l'ouvre pas, ne l'ouvre pas...

Parce que si j'avais ouvert ma bouche, la phrase qui allait en sortir aurait été plus du style:

" t'as deux mains, un cerveau et des yeux, alors prends tout ce que la nature t'as donnée pour faire partir toi-même cette satanée machine. A et au fait, bonjour trésor t'as bien dormi?"

C'est vrai quoi, je ne demande pas la lune mais est-ce qu'un matin je pourrais avoir un réveil en douceur? Du genre, des effluves de café sous le nez, un petit bisous dans le cou, ou mieux des petites paroles telles que: Bonjour, mon coeur.

C'est pas trop exigeant comme demande. Mais non à la place j'ai le droit aux actualités et à cette putain de machine à laver.

Je passe devant lui sans un regard et m'enfui dans la cuisine attrape une tasse et me verse mon petit nectar du matin, ensuite direction la salle de bain vers laquelle je me précipite toujours sans une parole. Une fois la porte fermée, je pousse un soupir de soulagement et prends ma première gorgée du matin.

Hum... Que j'aime cette sensation. C'est toujours la meilleure cette première gorgée où on sent la caféine pénétrer dans vos veines et la chaleur de la boisson se répandre dans votre corps.

Je n'ai jamais été du matin, il devrait le savoir.

Je pose ma tasse sur le rebord du lavabo et mon regard tombe sur le carnage de la salle de bain.

Il y a de l'eau partout. 

Le tapis de sortie de bain est détrempé ainsi que le carrelage. Mais comment font les mecs pour tout saloper comme ça rien qu'en prenant une simple douche? Je déteste cette sensation de tapis de bain mouillé sous mes pieds. Je réprime mon envie de brailler. Après tout moi aussi j'ai mes petits défauts et puis je n'avais qu'à me lever la première. Mais ça voudrait dire se lever avant six heures du matin parce que Monsieur se lève à cette heure là pour être au boulot à neuf heures, alors qu'il n'est qu'à seulement dix minutes en voiture de son travail... Je ne cherche plus à comprendre. Moi je me tape une heure de route et pourtant je me lève une heure plus tard. Et je m'en sors parfaitement. Enfin pratiquement parfaitement. 

Je prends dans la commode un autre tapis de bain sec et l'échange avec l'autre. Merci les conseils de "comment réussir son couple en dix leçons?" Une bible ce livre. je l'ai béni quand ils ont conseillé: votre mari ou copain ne remet jamais le bouchon au tube de dentifrice? Vous ne supporter plus de vous brosser les dents après lui parce que le dentifrice a séché? Pas de problème achetez une marque avec le bouchon incorporé. Depuis ce jour j'achète que des flacons pompes, ça m'a changé la vie. Parce que soyons honnête, il n'y a rien de pire que de voir le bouchon traîner et de s'acharner à extirper du dentifrice tout sec de son tube.

Le klaxon de la voiture derrière moi me fait sursauter et revenir à la réalité. Je  fais au type de derrière un geste peu conventionnel. Cet abrutis m'a fait peur, il le mérite. Et puis on est dans un embouteillage, à quoi ça sert de s'exister quand la voiture de devant a à peine avancé de cinq mètres.

Au bout d'un quart d'heure, j'aperçois enfin le parking du boulot avec soulagement. Je me dépêche de me garer et me précipite pour affronter mes huit heures de travail et le cauchemar de ma vie: ma responsable de service. 

Je l'imagine déjà derrière la vitre de son bureau, ses petits yeux de fouine et son air désapprobateur quand elle va agiter  sa montre en l'air pour me signifier qu'elle a pris en compte mon retard.

Pffff...J'ai vraiment une vie de merde.

Vivement ce soir que je retourne au lit et prenne mon  livre. Au moins lui ne me décevra pas et je pourrais retrouver l'homme parfait. Celui qui sait avant moi ce que je souhaite et qui répond à mes moindre désirs et fantasmes.


La crise de la Quarantaine à 25 ansWhere stories live. Discover now