Déjà

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- 180 jours

La porte s'ouvre et le professeur de SVT entre dans la salle. Aussitôt, les élèves se lèvent et cessent de se raconter les dernières nouvelles du week-end. J'ai toujours aimé la SVT. C'est la science de l'exact, la précision et l'absence de doute.

Madame Charty commence à parler des nerfs et des messages nerveux moteurs. Je préférerais que l'on parle de choses plus scientifiques. Ce qui me passionne, moi, c'est la maladie. J'aimerais parler de la grippe, de la bronchite, de l'autisme et du cancer. Ou même du rhume ! Plus tard, c'est ça que je veux faire, pouvoir sauver des vies avec les recherches.
Mais soudain, un bourdonnement couvre ses paroles. Je regarde les autres élèves qui ne semblent pas avoir remarqué. Je n'entends plus rien d'autre que ce bourdonnement, un bruit sourd, qui provient à la fois de partout et de nulle part.

Il vient de ma tête. C'est peut-être parce que j'attends désespérément que le directeur entre dans la salle pour m'annoncer si ma vie allait s'écrouler ou non. Ou peut-être parce que je n'ai pas dormi de la nuit. A moins que ce soit le fait que Cathy ne vienne plus en cours depuis trois semaines sans donner signe de vie.

Cathy, c'est ma meilleure amie. Ça pourrait surprendre les gens que on se regarde plus qu'on ne se parle. Mais ma mère dit qu'on ne parle pas mieux qu'un regard. Ma mère, c'est la femme la plus merveilleuse du monde. C'est ma mère, quoi. Mon père, lui, c'est un homme simple et amoureux, tendre et attentionné, et qui adore étaler sa science. Je les aime. C'est ma famille.

On frappe à la porte. Mon cœur bat à tout rompre. J'essaie de respirer calmement. Inspire. Expire. Inspire. Expire.
"- Maureen Grace. Veuillez me suivre, s'il vous plaît."
Je me lève et ma chaise grince. Tous les regards se tournent vers moi. Les personnes se retournent et chuchotent entre elles. Je ne les regarde pas. Je ne vois que les yeux du directeur.

Il m'emmène dans son bureau où mon père m'attend. J'ai si peur que j'ai l'impression que je vais vomir. Mes mains tremblent. J'ai les larmes aux yeux. Je marche mécaniquement et mes yeux se posent sur les marches de l'escalier sans les voir. La porte du bureau du directeur est ouverte. J'entre et je m'assieds à côté de mon père. Je le regarde et il n'y a pas besoin de plus. On ne parle pas mieux qu'un regard.
Le directeur referme la porte sur nous. Il reste à l'extérieur.
"- Papa ? Dis-moi que non. C'est pas vrai hein ? Maman va bien, un peu de repos et c'est fini, n'est-ce pas ? C'est ce qu'ils ont dit à l'hôpital, non ? dis-je, la voix tremblante.
- Cancer, articule Papa d'une voix rauque. On lui donne six mois à vivre.

Un silence douloureux s'en suivi. Mon père se met à pleurer comme un enfant. Je ne l'ai jamais vu comme ça. Il essaie de se lever, puis vacille. Il hurle de chagrin. Il se met à vomir dans la poubelle. Puis il se rassoit en sanglotant.
Je ne peux pas réaliser. Maman, que vais-je faire sans toi ? Le chagrin me submerge. Les larmes me brouillent la vue. Puis le noir.

AdieuDonde viven las historias. Descúbrelo ahora