Prologue - Libérée, Délivrée

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L'open-space était affreusement calme vu l'heure avancé de la soirée. Apparemment, j'étais la dernière personne encore présente à cette heure-ci... Ma stagiaire Lou, que j'essayais de tranquilliser à tout-va au vue des fresques de mon employeur, était partie depuis longtemps déjà. Je lançais un rapide coup d'œil vers le bureau de mon boss, qui avait décampé deux heures bien avant son l'heure avec un « salut à tous et bonne soirée » enjoué.

J'aurais pu l'étriper, à bon entendeur salut. Je vérifiais autour de moi que plus personne n'était présent et reculai ma chaise. Celle-ci émit un cri strident, comme un appel à mon souvenir qu'elle avait rendu l'âme quelques semaines plus tôt, à cause des dites fresques. Il était temps que je prenne un nouveau départ, et pour cela, il n'y avait qu'une seule solution possible.

Je me devais de déposer sur le bureau de mon boss, avouons-le entre nous, le pire enfant gâté et imbécile qui m'ait jamais été donné de rencontrer. Et pourtant, j'en ai connu des cas particuliers, mais celui-ci avait battu tous les records. Rien ne pouvait l'égaler ! Je me tournai à nouveau à mon bureau et fis agoniser ma chaise sur quelques pas. Je pris une feuille blanche et me laissai aller à l'écriture de ma lettre de démission :

« Cher patron ou fou furieux ou tyran, je ne sais plus comment vous nommer.

Ce soir, j'ai pris une décision. Bien qu'il soit 21h passés et que cela pourrait ressembler à un coup de tête, ça ne l'est pas. C'est mûrement réfléchi, profondément analysé : je vous quitte.

Je pars loin de vous et de vos humeurs, de vos jeux, de vos batailles d'eau et de boulettes de papier mâché, de vos travers, loin de vos crises de nerfs et de vos colères. Je m'éloigne de vous et de ce boulot que j'ai tant aimé.

Je ne peux plus gérer vous et le stress permanent que vous m'apportez. Vous et vos folies, vos crises, vos moments de lucidité trop brefs. Il est grand temps pour moi de quitter le navire.

Il n'y aura aucun moyen de monnayer mon retour, car je ne suis pas aussi folle que vous et encore moins maso. De plus, négocier avec vous est un véritable calvaire.

Alors vous et votre société, vous et vos projets, vos ambitions de mégalo déluré tueur de stylos, avez mes salutations.

Sur ceux Adieu (ou au diable vu le nombre de fois que vous dîtes « ENFER »).

Alice JAMET »

Je ne relus même pas la lettre, je n'en avais pas le courage, et si je l'avais fait, je savais pertinemment que j'aurais encore rajouté pas mal de chose. Je la pliai en trois, la glissai dans une enveloppe et collai un post-it jaune dessus avec inscrit « Pour vous, très cher Patron ».

Je me levai de mon siège et allai la déposer sur son bureau avant de retourner au mien, d'enfiler ma veste et de prendre mon sac à main. J'éteignis les lumières, fermai les volets puis claquai la porte pour la fermer à double tour. Comme à l'accoutumer, je déposai les clés chez le gardien avant de me barrer d'ici pour toujours. Sur le chemin du retour, une certaine quiétude avait commencé à prendre le pas sur mon humeur. Je me sentais enfin libre, comme s'il avait été un poids trop lourd à porter jusqu'à présent. Je n'allais pas le regretter, c'était une certitude.

En rentrant chez moi, je retirais mes chaussures, posais mes clés dans la coupelle et me laissais mollement tomber dans le canapé. J'étais épuisée, j'avais juste envie de manger sur le pouce et d'aller me coucher, comme tous les soirs. Me traînant jusqu'à la cuisine, je me rendis compte qu'il ne restait pas grand-chose dans le réfrigérateur, tant pis, j'irai faire des courses demain, j'aurais tout le temps pour ça en recherchant un nouveau travail.

Je pris un yaourt au soja saveur chocolat et je m'appuyai contre le comptoir de ma cuisine ouverte avant de me saisir d'une cuillère dans l'égouttoir. Je mangeai mon yaourt rapidement sans prendre la peine de réfléchir à ce que je venais de faire...J'avais démissionné si simplement ! Cela faisait plusieurs semaines que j'y réfléchissais sans pouvoir m'y restreindre. J'avais toujours été persuadée que c'était compliqué de franchir le pas.

Au final, ce n'était rien d'autre qu'une feuille noircie d'explications et d'un dépôt sur le bureau du grand patron. Ma vie dans cette société était finie...J'étais libre de trouver un boulot aussi intéressant avec un patron totalement différent ! Adieu les batailles d'eau, les boulettes traversant la pièce, les stylos morts pour une cause inconnue ! Adieu les sautes d'humeur du patron et de ses moments de lucidité...Adieu Alexandre.

Je jetai mon pot de yaourt vide à la poubelle, déposai ma cuillère dans l'évier vide avant d'aller me coucher. Demain serait un autre jour, un jour plus clair, plus lumineux...Plus vide.

J'avais réussi à m'endormir quand soudainement mon téléphone posé sur ma table de chevet s'agita. Avec beaucoup de mal je le saisis, le fis tomber sur la couette avant de le reprendre. J'avais un appel en absence...Un appel d'Alexis.

Immédiatement, mon cœur fit un bon et je me redressai en sursautant. Mes doigts tremblaient légèrement. Pourquoi m'appelait-il ? Je touchai l'icône du répondeur pour entendre son message.

« Alice, Alice, Alice...Demain, je compte sur toi pour venir avec moi voir cet enflure de comptable ! Il ne te résiste pas ! Allez bonne nuit Alice...Ne tombe pas au pays des merveilles, j'ai pas envie d'aller te chercher ! »

La voix stoppa net et je restai incrédule avec mon téléphone à l'oreille. Je déposai le téléphone sur la couette avant d'éclater d'un rire nerveux. Désolée, Boss mais demain, faudra l'affronter seul ! Une légère pointe de culpabilité m'envahit mais je la chassai en me rappelant combien il me fut difficile d'endurer tous ses états d'âmes sans jamais broncher. Je me rallongeai en me disant qu'il était grand temps d'arrêter.  

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Merci pour votre lecture. Nous espérons que ce petit prologue vous plaîra ! 

#ANKyoko

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