Chapitre 1

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Chapitre 1

Il était inutile de paniquer. Tout aussi inutile de seulement penser à l'idée de paniquer. Chaque nuit, des tas de gens rentraient chez eux vivants. Pourquoi n'aurait-ce pas été mon cas ? Poser un pied devant l'autre, facile de chez facile. Même en ayant un peu trop bu. De toute manière, lorsqu'on est saoul, mieux vaut rentrer à pied qu'en voiture, n'est-ce pas ?

Non mais, sérieux. Pourquoi avais-je décliné la proposition de Fabien ? Certes, mon ami était au moins aussi saoul que moi, mais tout de même ! Refuser de monter dans sa voiture m'avait peut-être paru la chose la plus intelligente à faire sur le moment, or à présent, j'en doutais. À ma décharge, mes amis s'étaient fichus de moi, ce qui m'avait profondément blessée. Et motivée à camper sur mes positions. Bref. Tergiverser ne changerait rien au fait que je me trouvais seule dans la rue à une heure aussi tardive. Ou aussi matinale. Question de point de vue.

Et si je me faisais agresser ? Gloups. Je secouai la tête et tâchai de ne plus réfléchir. Ce qui s'avéra assez facile. La première chose qu'on remarque chez moi, c'est mon look, pas mon intelligence.

Parlons-en, de mon look, cela m'évitera de songer à tous les psychopathes potentiels qui ne rêvent que de me tuer ou, disons, de me piquer mon sac à main rouge. Parfaitement assorti à mes cheveux, ce dernier me semblait si voyant que je pouvais quasiment l'entendre déclamer d'une voix tonitruante « Je contiens un portefeuille plein de thunes et un portable hors de prix, je vous en prie, volez-moi ». Pff.

Mon look. Nous parlions de mon look. Bras et épaules tatoués, cheveux flamboyants, style vestimentaire à mi-chemin entre la pin-up et le gothique, je ne passais pas inaperçue. Même si en vérité, là, j'aurais aimé que ça soit le cas. Parce qu'en dépit de mon allure, je restais petite et plutôt maigre. Le profil type de la première victime d'un film d'horreur, quoi. Manon, arrête de penser !

Les mains crispées sur mon sac, je me répétais que je ne me trouvais pas dans un film, mais dans la réalité. Et dans la réalité, je ne me faisais pas assassiner sauvagement. C'était aussi simple que ça.

Afin d'essayer de me détendre, je me mis à siffloter. Ou du moins à essayer de siffloter. La panique avait fait naître une boule d'angoisse au fond de ma gorge. Ou alors était-ce le trop-plein de vodka qui me filait la gerbe ? Bien entendu qu'il s'agissait de ça ! Je n'avais absolument aucune raison de paniquer. Aucune.

Sauf peut-être qu'il se trouvait qu'un tueur fou traînait en ville ces temps-ci.

Maman !

Comment avais-je pu oublier ce léger détail ?

Soyons francs, c'était plutôt l'angoisse par chez moi. Plus exactement, c'était carrément la panique. Depuis quelques semaines, plusieurs personnes avaient été retrouvées dans la rue, vidées de leur sang sans aucune trace de violence autour d'elles. Mortes proprement, mais mortes quand même. Super flippant, pas vrai ? Mais bordel ! Pourquoi pensais-je à ça maintenant ? N'aurais-je pas pu attendre d'être enfermée à double tour dans mon appartement ? Je vous avais prévenu que j'étais la Reine des connes !

Les cheveux dressés dans la nuque et la mâchoire tellement crispée qu'elle me faisait mal, je chantonnai comme une débile des paroles inintelligibles tout en avisant la ruelle qui me permettrait de rentrer plus vite chez moi. J'hésitai. Devais-je faire un détour et mettre plus de temps avant de me retrouver en sécurité dans mon appartement, ou prendre ce raccourci ? Cruel dilemme !

Manon sort les crocsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant