Chapitre 43 ~Rigus

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Le lundi vint. Rigus était nerveux. Il s'était plus ou moins habitué à la vie avec Erd et Brat -et eux étaient prêts également, mais beaucoup moins sérieux et graves. Il inspira profondément et expira d'un souffle entrecoupé.

Tout va bien se passer. Nous sommes les plus forts, nous sommes des combattants. Nous avons le bon droit de notre côté, nous allons gagner, nous devons gagner !

Il avala sa bouillie de céréales et se passa de l'eau sur la figure. L'image de son père et celle de Jord fusèrent devant ses yeux tandis qu'une sensation amère emplissait sa bouche. Il fit signe à ses deux compagnons, et tous trois sortirent.

Quatre minutes plus tard, ils se trouvaient devant leur comptoir.

- Meltroj... Bruner... Duvan... fit l'homme qui en était responsable tout en consultant ses fiches.

Il rajusta ses lunettes. Des rides sévères bordaient ses yeux, et tout dans son visage était antipathique.

- Cassage de rocs chez les Noirs. On a besoin de plus en plus de place. Allez chercher vos outils dans la deuxième caisse et prenez la troisième voiture. Le reste de l'unité va arriver.

Ils acquiescèrent.

- Une très belle journée à vous, Censeur Rigweeth, lui souhaita Rigus avec un sourire.

L'interpellé lui lança un regard mauvais.

***

La caisse contenait une pelle, trois pioches et deux lourds marteaux. Ils s'équipèrent et rejoignirent leur véhicule. Quatre de leurs confrères les attendaient déjà.

- Prêts ? s'enquit Rigus.

- Prêts, répondirent-ils d'un air farouche?

L'un d'entre eux, un jeune homme à la peau mate, fit signe à l'unité d'à côté. Les citoyens affectés aux travaux publics se regardèrent. Et ils se mirent en marche, en une épaisse colonne, Rigus à leur tête.

- Qu'est-ce que vous fabriquez ? hurla Rigweeth.

- Revenez, crevards ! Au travail ! s'égosillait un chef d'unité.

Il sortit un pistolet et tira un coup en l'air. Les révolutionnaires se mirent à courir.

- Appelez les Forces ! Vous serez tous exécutés !

Mais les hommes étaient bien trop nombreux par rapport aux supérieurs, et avant, qu'on ait pu avertir le gouvernement, ils étaient arrivés dans une des rues adjacentes à la Place de la Justice.

En entrant dans la place, ils virent deux autres groupes qui y pénétraient également, Maël à la tête de l'un d'eux. Et bientôt devant le Tribunal se massaient sept cents ouvriers indignés. Le porte-parole du CRGL s'avança. Il brandit le point et s'écria :

- Messieurs qui nous gouvernez sans autre raison que parce que cela vous arrange ! Prétendu Grand qui ne daigne jamais nous gratifier d'un regard ! C'est votre peuple qui vous parle.

La foule l'acclama, et, brandissant leur poing à leur tour, les révolutionnaires huèrent le Palais de Justice.

- Il est temps de mettre fin à votre tyrannie ! Nous sommes mécontents sur tous les points. Vous ne nous accordez aucun droit, vous avez fait de nous vos esclaves, vos chiens ! C'est fini, désormais. Aucun compromis n'est possible. Nous sommes des combattants mus par notre désir de liberté. Nous n'avons pas peur de vous. Et aujourd'hui, nous allons détruire tout ce que vous avez construit. Nous allons détruire le Mur, nous allons détruire cette société stupide et insensée !

Le MurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant