Episode 1, partie 3

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(En media: cabane des sorcieres)

Ignorant tout de ceci, Nid se contentait de subir le sort. Plus le temps passait, plus elle s'affaiblissait, mais plus important encore, elle était heureuse. Certes, son pouvoir, l'entité qui l'habitait, avait disparu, mais comment aurait-elle pu se méfier ? Le sort était puissant. Elle ne pouvait y échapper. Chaque jour, son cœur se réjouissait de se réveiller auprès de son amant et chaque soir, elle s'endormait dans ses bras. Autrefois, la créature en elle s'était questionnée de ce soudain amour, de ce sentiment apaisant et passionné à la fois, mais elle avait étouffé ses doutes. Maintenant, alors qu'elle courait et qu'elle n'avait plus la force d'assumer sa forme animale, son souffle résonnant dans la nuit, Nid regrettait d'avoir baissé sa garde.

Épuisée, elle entendait le martèlement de ses pas tambouriner dans sa tête, alors que les herbes hautes lui lacéraient le corps. Courir restait sa seule échappatoire. Elle le savait et pourtant, Nid ralentit jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus faire ne serait-ce qu'un pas de plus. Bien sûr, au départ, elle avait couru, puisant dans ses dernières ressources au point de n'avoir plus une once d'air dans ses poumons et de ne plus sentir ses pieds qui, depuis longtemps déjà, étaient couverts de bleus et de sang. Nid avait senti ses ailes se déchirer sous la pluie diluvienne qui s'était abattue sur elle, mais quand le vent l'avait propulsée plusieurs mètres en bas des falaises qui n'existaient pas quelques secondes plus tôt, elle avait su que les Vanes s'étaient ligués contre elle. Ils n'avaient pas le pouvoir de la détruire puisque étant intimement liés à la création, ils y auraient laissé au mieux leur pouvoir, au pire la vie. En revanche, ils pouvaient pactiser avec les Ases, les dieux asgardiens de la guerre, lui infligeant assez de dégâts pour faciliter la tâche à ces derniers. Elle pouvait facilement sentir les traces de magie de Freyja. Seulement, cette dernière ne pouvait à la fois modeler la terre et contrôler le climat. À moins que Nerthus, déesse de la terre mère, et Njörd, dieu du vent, ne se soient joints à la partie.

Frappée, puis humiliée avant de s'être vu donner la chasse, elle avait hurlé le nom de son bien-aimé des millions de fois, puis avait dû se rendre à l'évidence : il ne viendrait pas la sauver. Pourtant, elle s'était crue aimée et l'avait aimé en retour. Il lui avait demandé de l'attendre, mais n'était jamais revenu. Elle s'était languie de le revoir des jours durant, perdant l'appétit et ne sortant plus de sa demeure et puis, se sentant affaiblie, elle se rendit dans le territoire d'Alfheim afin de trouver quelques âmes pour se nourrir, espérant ainsi par la même occasion en savoir un peu plus sur la disparition de son amour. Bien que ce ne soit pas son monde, Alfheim était le lieu idéal pour récolter des informations, pour peu que l'on sache où se renseigner. Peut-être qu'il y avait une bonne explication : quelque chose de grave avait pu se produire. Il n'avait pas pu l'abandonner. Elle n'avait jamais donné sa confiance à qui que ce soit, mais il était différent, elle se cramponnait à cette idée.

Malheureusement, dans ces bois, elle avait entendu des nouvelles qu'elle refusait encore de croire. Il était devenu empereur et allait en épouser une autre. Elle n'avait pas voulu l'accepter, jusqu'à ce que ces monstres cherchent à la tuer. C'est avec le cœur brisé et la peur au ventre qu'elle tenta tant bien que mal de sauver sa vie. Elle était devenue un obstacle à l'ascension de celui pour qui elle aurait tout donné. Elle n'était pas reine et ne pouvait lui offrir ce qu'il désirait tant et son seul atout, son pouvoir, n'était plus qu'un problème dont il fallait se débarrasser. Les yeux gorgés de larmes, elle entendait encore ces animaux l'insulter et dire qu'elle avait souillé leur souverain. Pourtant, sa seule erreur avait été d'aimer.

Ils avaient profité du fait que ses blessures ne puissent lui permettre de se transformer et l'avaient attachée à un arbre. Ses tortionnaires l'avaient dévêtue avant de la fouetter pendant ce qui lui avait semblé être une éternité. Elle s'était vidée de son sang, avait hurlé son désespoir. Plus tard, cette souffrance avait disparu pour ne laisser que la colère. Anesthésiée par la douleur, elle avait cessé de pleurer et avait étouffé les sons qui semblaient revigorer ses agresseurs. Ces derniers avaient fini par se lasser. Une victime silencieuse ne faisait pas le même effet. Elle ne leur donnerait pas la satisfaction d'être terrorisée et même si elle était pour la toute première fois de sa vie une proie, elle ne serait pas faible. Lorsqu'elle avait arrêté d'être divertissante, ils l'avaient laissée une journée, puis étaient revenus dans le but de la violer. Par chance, le plus jeune d'entre eux, un troll gigantesque, s'était interposé en disant qu'ils seraient tous souillés. Les deux autres, deux Alfes sombres, les êtres des souterrains, n'avaient pas l'air du même avis. Heureusement, ils avaient fini par s'accorder. Ils l'avaient alors torturée, brûlée, mordue, lacérée, encore et encore avant de décider qu'il était temps de s'amuser avec une bonne partie de chasse. Deux lunes plus tard, elle n'avait ni la force ni même l'envie de continuer. Il aurait été si simple de les laisser la rattraper ! C'en aurait été fini de cette souffrance, et c'est ce qu'elle aurait fait s'il n'y avait eu qu'elle.

EnneryaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant