Encore une fois, je m'exécutai, puis je le laissai à sa mauvaise humeur et m'aventurai dans le jardin.

L'air était chaud, mais respirable. Je ne pourrais pas en dire autant lorsque le soleil serait au zénith ! Je m'assis sur le rebord de la fenêtre, le dos appuyé contre le mur, les yeux fermés et les oreilles tendues tantôt vers le clapotement de l'eau de la piscine, tantôt vers le poste de télévision de Rick qui diffusait les prévisions météo de la semaine. La speakerine annonçait les températures des jours à venir, qui ne descendraient pas en dessous de 30 °C, et les risques de précipitations.

— Fini, lâcha mon patient grognon.

Je me levai et le rejoignis. L'odeur de son savon, à la fois sucrée et brute, avait parfumé la chambre. Voyant ses yeux toujours fixés au plafond, je me retins de rire en me demandant s'il avait fait sa toilette comme ça.

J'enfilai un gant de toilette sur ma main droite et, alors que je m'apprêtais à le tremper dans la bassine, Rick me saisit le poignet.

— Qu'est-ce que vous faites ?

Comment ça, qu'est-ce que je fais ? Je mouille le gant, je le savonne et je te lave les parties du corps que tu ne peux pas toucher...

Merde. Toucher.

Soudain, j'avais de l'empathie pour lui. M'imaginant à sa place, prisonnière de ces plâtres et de ce corps brisé et surtout dépendante des autres au point de devoir accepter que quelqu'un d'autre du sexe opposé me fasse ma toilette. La toilette. Un mot simple qui désigne quelque chose de si intime. Est-ce que j'aurais accepté, moi ?

— Quel âge avait la précédente auxiliaire de vie ? lui demandai-je.

— En quoi ça vous regarde ?

OK. Je m'imaginai en pleine séance de yoga. Inspirer. Expirer. Bien entendu, je n'en laissai rien paraître.

— Nous allons repartir à zéro. Je m'appelle Oceana. Je suis votre nouvelle aide à domicile. Je...

— Je sais tout ça, me coupa-t-il sans pour autant lâcher mon poignet, qui commençait à être douloureux.

Je n'avais pas la moindre envie de m'énerver. Ça ne m'arrivait que très rarement mais, quand j'étais partie, je mettais beaucoup de temps à me calmer et jamais sans passer par la phase « torrent de larmes ».

— Vous me faites mal.

Il regarda sa main et desserra ses doigts, sans pour autant lâcher mon poignet.

Je repris :

— Bon. Vu que vous n'êtes pas enclin à faire des efforts, je vais vous expliquer mon point de vue. Je me fous royalement du membre qui se trouve entre vos jambes, je me fous également de sa taille et de sa grosseur, et encore plus de ce que vous faites avec, d'après le paragraphe « intimité » de la liste d'instructions ! Je veux seulement vous aider à finir ce que vous avez commencé. À savoir vous frotter le dos et nettoyer vos jambes !

Alors que ses yeux lançaient des éclairs, à ce mot, son regard vacilla.

— Pas les jambes.

— Vous n'aurez qu'à garder le drap sur vous...

— Non, me coupa-t-il. Je vous en prie. Tout. Mais pas les jambes.

Surprise, je plissai les yeux. Il n'était plus question de fierté mais de terreur. Je me doutais qu'il devait souffrir, après toutes ces opérations.

— OK. Un autre jour.

Sa main me lâcha enfin. Il capitulait.

S'aidant de la potence suspendue au-dessus de sa tête, il se pencha en avant, m'autorisant l'accès à son dos, alors que ma main replongeait le gant dans la bassine d'eau, quasi froide à présent.

Brisé(e) (BlackMoon Romance)Where stories live. Discover now