Torture ©

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Difficilement, je marche dans ce couloir sombre et puant l'enfer. Mes pieds entaillés épousent ce sol froid, mon corps entier est dévêtu de tous vêtements, qui pourraient réchauffer ne serait-ce ma dignité. Hélas je n'ai rien de la tête au pied, ma peau est rouge sang, violette glacée et ouverte de mille blessures.

À mes extrémités, deux énergumènes à l'allure peu humaine me tiennent fermement les bras, me faisant avancer le plus rapidement possible, malgré mes hurlements causés -majoritairement- par ma cheville casée. Mes poignets sont attachés, ligotés entre eux à l'aide d'une chaine métallique qui me coupe légèrement la circulation sanguine.

À bout de force, je me laisse traîner par la force des deux personnes qui ne me ménage pas. J'ignore où je suis, ni pourquoi je suis dans cet état; sûrement drogué à un produit qui influence ma concentration. Il m'est impossible de penser, de réfléchir et de parler. Les seules choses que je peux sortir de ma bouche pâteuse, sont des hurlements, des cris perçants qui résonnent entre les murs de ce couloir interminable sans pour autant faire réagir les deux tortionnaires.
Pourtant je hurle à m'en décoller les cordes vocales, à m'en percer mes propres tympans; mais rien, toujours et jamais rien.

Je tente en vain d'ouvrir grandement mes yeux et de trouver quelque chose qui m'indiquerait les lieux dans lesquels je vagabonde dans un si pitoyable état. Ma vision est trouble et mes paupières ne cessent de se fermer machinalement; impossible de se repérer si mon corps n'en fait qu'à sa tête.

Un cri m'interpelle et se mélange aux miens, un cri féminin qui appelle à l'aide, mais surtout un cri que je reconnais péniblement. Je tente de bafouiller quelque chose, mais rien ne sort mise à part de la bave qui s'écoule le long de mon menton et qui trouve refuge dans mon cou déjà crasseux. Au loin j'aperçois la fin de ce couloir qui m'a parut une éternité; je fronce les yeux et distingue dans le flou, une porte éclairée par des petites lumières rouges encrées sur ses côtés. Toujours trainé comme un moins que rien, nous nous dirigeons vers cette ouverture et plus nous nous approchons, plus le cri s'intensifie à m'en déchirer le cœur.


*

Aussitôt la porte ouverte, aussitôt jeté à l'intérieur. Mon corps faible et encore incontrôlable s'écrase au sol, mes poignets libérés des menottes sauvent au moins mon visage, manquant de s'écraser sur ce carrelage humide et glissant. Il me faut quelques minutes avant de réaliser ma chute, et reprendre mes esprits. Puis toujours avec difficulté, je me relève de façon laborieuse mais l'essentiel est de me remettre sur pied; peu importe la manière utilisée. J'analyse la pièce du mieux que je peux, mais ma vision toujours trouble m'offre un panorama de mauvaise qualité, dissimulant des formes grises peu détaillées.

« Tony » hurle une voix.

Je me pivote lentement pour ne pas perdre mon équilibre que j'ai durement gagné, et fronce de nouveau les yeux pour tenter de distinguer cette ombre humaine qui se trouve devant moi, et qui ne cesse d'hurler mon nom.

Je ferme mes yeux drogués et bouche mes oreilles pour reprendre conscience. Je m'efforce à penser, à réfléchir à l'endroit qui m'entoure et à cette personne qui me supplie de je ne sais quoi. Et puis, ça revient petit à petit; bout par bout. Ma mémoire se réveille enfin de son coma soudain, et me relance toutes les informations que j'avais involontairement oublié.

« Laurene » soupiré-je.

J'ouvre mes paupières et la lumière jaunâtre à la limite du blanchâtre me brûle instantanément la rétine.

« Tony » crie Laurene en larmoyant.

Mes paupières s'ouvrent de nouveau, et je découvre Laurene, pendue par les pieds la tête en bas. Ses cheveux bruns sont entièrement rasés, son visage est noyé dans ses larmes et rongé par l'anxiété. Sa peau n'est que balafrée de plaies considérables qui ne s'effaceront sûrement jamais. J'aperçois ses mains coincées dans des broyeurs pour le moment en arrêt, mais je devine assez facilement que si je loupe mon coup; Laurene n'aura plus que ses pieds en guise de mains.

Me revoilà plongé dans les épreuves de torture infligées par ce bourreau de psychopathe qui jouit à chaque blessure qu'il nous inflige, son rire démoniaque et d'un sadisme indescriptible résonne dans ma boite crânienne à longueur de temps.

Les hauts parleurs placés aux quatre coins de la pièce se mettent en route dans un grésillement strident.

C'est l'heure du jeu, l'heure de la torture. Depuis notre enlèvement, nous vivons un enfer permanent qui ne cesse de s'amplifier; voilà quelques jours que quotidien n'est que souffrance.

MOTS PARFAITSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant