Chapitre 4 : Le Fossoyeur

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Wilfrid Fortunberry se tenait devant une grande baie vitrée les mains dans le dos. La vue de son bureau dans le funérarium lui permettait d'observer toute la ville aisément. Il n'aurait pu passer à côté de la tempête menaçante qui planait sur ce grand panorama. La cité des morts reposait intégralement sur lui, aussi avait-il immédiatement prit la décision de déclencher un état d'alerte, un homme devait savoir prendre ses responsabilités, plus particulièrement lorsqu'il occupait la fonction de maire.

Toutes les casquettes vertes veillaient à la sécurité directe des citadins dans les rues, alors que ses hommes les plus haut gradés s'attelaient à interroger les plus vieux et érudits habitants pour comprendre la situation. Ni Thalès, ni Platon, ni même Marie Curie n'avaient la moindre idée de ce qu'il se tramait. Tout ça risquait rapidement d'échapper au contrôle du Fossoyeur et les répercutions seraient à coup sûr désastreuses. Il se mit à faire les cent pas. Plongeait dans une intense réflexion à vous en faire mal au crâne, il ne remarqua pas tout de suite l'arrivée de Gladys.

- Monsieur ? J'ai ici trois casquettes vertes qui demandent audience. Ils disent que cela ne peut attendre et que c'est d'une importance capitale.

- Des casquettes vertes ici ? Ils auraient dû en passer le message au Général Custer. Faites les tout de même entrer.

Eva Peter et Cléo se tenait debout dans un petit hall entièrement fait de marbre noir, et priaient intérieurement pour qu'on accepte de les recevoir. Ils avaient tous discrètement traversé l'hôtel de ville jusqu'au dernier étage. Là une secrétaire des années 50 à la coupe blonde et bien trop volumineuse leur avait demandé de patienter. Et c'est ce qu'ils avaient fait. Eva se pencha discrètement vers Peter et leur murmura quelque chose.

- Vous êtes sûrs que c'est une bonne idée d'avoir laissé Samuel pour surveiller le vivant ?

- Ramener quelqu'un de saoul dans le bureau du Fossoyeur n'aurait pas été très crédible...

- Oui mais je doute qu'il soit très doué niveau gardien de prison, et je te parle même pas de son efficacité en cas de course poursuite, il arrive déjà pas à rester debout sans tanguer...

- De toute façons c'est trop tard maintenant. 

Comme pour appuyé les propos du trépassé, la secrétaire en robe à pois revient vers eux et leur demanda de la suivre. Cléo marchait de manière trop raide, on aurait dit que ses articulations étaient soudées, Eva triturait ses cheveux et Peter ne cessait de se racler la gorge. Le fossoyeur avait la réputation d'être intransigeant. La tension fut à son comble lorsqu'ils pénétrèrent dans l'antre de la bête. L'homme congédia leur guide qui ferma la porte derrière elle.

- Merci Gladys.

Il était impressionnant, non pas par sa beauté, ni par sa taille, mais par l'aura de pouvoir qu'il dégageait, il inspirait le respect. Peter avait entendu dire qu'il était mort en se battant vaillamment lors de la première guerre mondiale. Certains racontaient qu'il était tombé sur le no man's land en portant secours à un camarade blessé, d'autre qu'il avait infiltré les tranchées ennemis, ou encore qu'il avait été capturé et torturé. Les rumeurs allaient bon train au sujet de l'homme le plus important de la ville. Il avait les cheveux coupé très court à la militaire d'un brun terne, tout comme la moustache qui trônait au-dessus de sa bouche au rictus sévère. L'ombre d'une barbe assombrissait son visage, le rendant d'autant plus inquiétant. Ses yeux froids et scrutateurs d'un gris sale ne clignaient pas, et restaient obstinément fixé sur les trois importuns, ne les lâchant pas d'une semelle. Sa peau bleuie s'accordait parfaitement avec le costume strict qu'il portait. Personne n'osa parler, bien trop intimidé par le personnage pour esquisser le moindre mouvement ou formuler un traître mot. Visiblement agacé par le mutisme de ses visiteurs le Fossoyeur prit alors la parole d'une voix grave et impérieuse.

- Alors ? J'attends. Il doit bien y avoir quelque chose que vous voulez me dire, quelque chose de suffisamment urgent et important pour vous permettre de passer outre la hiérarchie et les règles établies.

L'onde de choc du reproche secoua Cléo qui ouvrit la bouche et se lança. Pour une fois son comportement rebelle qui ne supportait aucune bravade allait lui être bénéfique. 

- On pense que c'est à propos du nuage m'sieur. En faisant notre ronde comme l'avait demandé le Général Custer, on a trouver quelqu'un de ... de ...

La gène s'installa et les trois lurons se mirent à gigoter, comme trop dérangés par ce qu'ils avaient découvert.

- De quoi !?

- De vivant m'sieur.

Le fossoyeur resta complètement immobile et silencieux pendant quelques secondes. Puis sa voix gronda comme un coup de tonnerre.

- Vous devriez avoir honte de vous. La situation est grave jeunes gens ! Ça n'est pas le moment de faire des blagues, et il est très mal venu et dangereux de les amenées jusque dans mon bureau ! Vous allez dès à présent rendre vos casquettes !


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