Chapitre 2

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Ana ne put rester longtemps avec Méline qui devait reprendre son poste de lavandière. Cependant elle était heureuse d'avoir pu partager ce moment avec sa plus chère amie. Elle avait bien vu que son cadeau avait fait plaisir à la jolie brune et cela était ce qui lui importait le plus. Elle se releva et épousseta sa jupe avant de promettre à Méline de revenir le lendemain. Elle cala son panier entre son bras et sa hanche et se prépara à repartir chez elle, afin de déposer ses commissions. 

Soudain elle s'immobilisa, le cœur battant à tout rompre. À nouveau elle se sentait dangereusement épiée. Elle se retourna lentement et ses yeux se posèrent sur une silhouette semblable à celle de l'homme du marché. Si ce n'était pas la même personne, Ana ne doutait pas qu'ils étaient liés d'une façon ou d'une autre.Il était vêtu des mêmes vêtements sombres, la seule différence étant le chapeau à larges bords qui dissimulait son visage. Mais même sans voir ce dernier elle savait que l'homme la fixait. Pas un regard empli de désir comme pouvait parfois lui lancer les marauds qu'elle croisait, mais un regard inquisiteur et sauvage. Un regard dangereux.

Ana avala difficilement sa salive et se retourna lentement, espérant que l'homme ne se douterait pas qu'elle l'avait repéré. Car la jeune fille était certaine qu'il était là pour elle. Elle ne savait pas pourquoi, elle ne voyait rien qui pouvait lui valoir l'attention d'un personnage tel que lui. Pourtant la peur qu'elle sentait nichée au fond de son ventre lui hurlait de fuir sans se retourner. Elle commença à marcher, son attention fixée sur ce qui se déroulait dans son dos. Elle évita les ruelles sordides et rejoignit la rue principale où elle savait qu'elle ne risquait pas d'être isolée. Elle qui habituellement avait du mal à supporter la foule, remerciait aujourd'hui le ciel que la rue soit aussi bondée.

 Avec agilité elle slaloma entre les passants, refusant de se retourner pour constater l'avancée de l'homme en noir. Elle se doutait que si elle se faisait prendre à le surveiller il abandonnerait toute prudence et se lancerait à sa poursuite. Et il fallait à tout prix qu'elle évite cela. Pourtant ne pas savoir si il était toujours là, derrière elle, faisait couler une sueur froide dans son dos. Elle s'arrêta devant un étal proposant des chapeaux qu'elle ne pourrait jamais s'offrir et entreprit d'en observer un sous toutes les coutures. Le reposant elle tendit la main vers une pièce plus éloignée et en profita pour regarder discrètement derrière elle. Elle soupira de soulagement lorsque aucune silhouette noire n'apparut dans son champ de vision. Se traitant mentalement d'imbécile, elle reprit son chemin oubliant l'inquiétude qui la tenaillait. Pourtant elle savait qu'elle n'avait pas rêvé. Cet homme et celui du marché étaient là pour elle, elle en aurait mis sa main à couper. Mais ils avaient tous deux disparus ne lui laissant que le goût amer du doute.

Elle se mordilla la lèvre, reprenant pied dans la réalité grâce à la douleur. Il ne lui fallait que quelques dizaines de minutes pour rejoindre Marie et sa chaumière, là-bas elle se sentirait en sécurité. Mais la peur s'effaça bien plus vite qu'elle ne l'avait pensé puisque tout fut oublié au moment où elle posa les yeux sur la devanture de la seule échoppe du quartier où quelques livres étaient vendus. Elle hésita un bref instant mais comme toujours elle ne put se résoudre à passer son chemin. Elle poussa la porte branlante et pénétra dans l'échoppe sombre et poussiéreuse. Elle était bien évidemment déserte, peu de gens mettaient les pieds dans cet endroit. 

Le marchand avait la réputation d'être fou et il y avait dans ces rumeurs des traces de vérité. Albus était en effet un original. Il n'avait aucune défaillance mentale, bien au contraire, mais c'était un savant, et les hommes comme lui étaient regardés du coin de l'œil par toutes les âmes bien pensantes. On entendait partout qu'il avait été médecin mais que l'Eglise l'avait condamné quand elle avait découvert qu'il profanait des cadavres. Bien sur cela n'avait jamais été prouvé mais tout le monde savait qu'après le roi, la véritable puissance était le haut-clergé. Sa carrière en tant que médecin avait donc était anéantie et il ne devait la vie sauve qu'à sa fuite et à son changement d'identité.

AnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant