Bien que je n'apprécie pas ce boulot, j'en avais besoin. D'ici quelques jours, mes parents découvriraient que je n'étais plus inscrite à l'université, et ils arrêteraient de me payer mon loyer. Mais je ne voulais pas retourner vivre chez eux. Pas à mon âge. Ce serait tout de même malheureux. Et puis je me suis bien habituée à vivre seule.

– Écoute papa, je n'ai vraiment pas le temps. J'ai un rendez-vous, il faut que j'y aille.

– Ça, je veux bien, mais il est hors de question que tu conduises cette voiture.

– Dois-je te rappeler que je ne suis plus une gamine, et que j'ai mon permis depuis des années !

Rowan souffle bruyamment avant de me pousser pour récupérer la clé sur le contact et fermer ma voiture. Je commence à paniquer légèrement. Lorsque mon père à quelque chose dans la tête, il ne l'a pas ailleurs.

Il me prend alors le poignet et me tire derrière lui jusqu'à la voiture familiale. Je lève les yeux au ciel avant de soupirer. Il a dont l'intention de m'emmener.

– Je suis tout à fait capable de conduire papa. Je n'ai plus cinq ans !

Il s'arrête en plein milieu du chemin, me faisant face, pour me fusiller du regard. À cet instant, j'ai vraiment le sentiment d'être revenue plus de quinze ans en arrière et d'avoir réellement cinq ans.

– Je peux te dire que j'arrivais mieux à te comprendre lorsque tu avais cinq ans, justement. Tu semblais moins stupide que maintenant.

Je prends ses mots comme une claque, et je sombre doucement dans les miasmes de ma dépression. Comme un peu plus tôt dans le petit salon, je bloque mes larmes pour que mon père ne les voit pas, et relève la tête pour planter mon regard dans le sien.

Je sais qu'il déteste que je le défie de la sorte, mais je n'ai pas le choix. Il doit me laisser. Il ne faut plus qu'il s'inquiète pour moi. De toute façon, je ne mérite pas son amour.

– Désolée de te décevoir, mais c'est ainsi que je suis. Alors si tu veux bien me rendre mes clés pour que je puisse aller à ce rendez-vous de la plus haute importance pour moi, je t'en serais reconnaissante.

Mon père me lâche enfin le poignet et fait un pas en arrière comme si je venais de le frapper. Ses yeux reflètent l'incompréhension que je lui procure.

– Tu ne m'as jamais déçue, Hope. Bien au contraire. J'ai toujours été fier d'avoir eu la chance d'être ton père. Mais aujourd'hui, tu n'es absolument pas capable de prendre le volant. Tu crois que je n'ai pas vu le nombre de verre que tu as bu depuis deux heures ? Je ne suis pas aveugle Hope, et je sais que si je te laisse prendre le volant maintenant, tu vas droit dans le mur. Peut-être pas toi, mais il y a des chances pour que tu causes un accident. Et si tel est le cas, je m'en voudrais toute ma vie de t'avoir laissée partir de la sorte. Parce que je me sentirais coupable.

La honte s'insinue sournoisement en moi. Encore une chose à laquelle je n'avais pas pensé. Bien sûr je me sens tout à fait capable de prendre le volant. Mais je sais également que je ne suis pas au mieux de ma concentration. Avec l'alcool qui coule dans mes veines, je ne devrais pas prendre le volant.

Je baisse la tête avant de me diriger d'un pas lent vers la voiture de mes parents. Sans dire le moindre mot, je m'installe sur le siège passager, attendant que mon père me rejoigne. À son tour, il monte dans le véhicule, avant de le démarrer et de sortir de la propriété. Pendant plusieurs minutes, un silence pesant emplit l'habitacle, avant que papa ne décide de le rompre.

– Qu'est-ce qu'il t'arrive lutin ? Je sais que ça ne va pas en ce moment. Pourquoi ne veux-tu pas nous en parler ?

Je tourne les yeux vers la fenêtre, la larmes montant lentement en moi. C'est le désavantage d'appartenir à une famille comme la nôtre. Tu ne peux absolument pas avoir de secret. Tous le monde veut être au courant de tout.

La recette de l'amour (sous contrat d'édition chez JennInk)Where stories live. Discover now