J'avais un peu la tête en l'air à cause des événements sportifs. Le mois de juin était presque terminé et le Bfem était imminent. Raï avait une bonne moyenne et passait en classe supérieure. J'avais déjà de bonnes notes mais je haïssais les mathématiques. Je ne voulais pas faire la série scientifique, et je ne voulais pas non plus changer d'école. J'ai finalement été orientée en seconde L1. J'étais plus que satisfaite. Je ne voulais pas être séparée de Raï. J'ai eu mon Bfem et mamie a fait une petite fête en notre honneur. Tata Soda était venue avec des nièces de son mari et maman était là aussi avec Aminata. Nos parents nous avaient envoyé des habits et des cellulaires. J'étais toute excitée. C'était des appareils Ericsson, T39m.

Durant les vacances, nous étions attirées par les sorties nocturnes. Nous avions sympathisé avec des filles de notre école, certaines étaient en seconde comme Raï et d'autres en Première. La rébellion était un sentiment nouveau et elle faisait surface petit à petit. Nous n'étions plus ces deux jeunes filles calmes, sages, obéissantes etc.. Nous voulions découvrir les boites de nuit, les sorties nocturnes, les soirées dansantes.

Vous vous rappelez d'Ousmane, le garçon qui m'avait interpellé dans le quartier? Son grand-frère avait réussi au Bac à la même période. Il avait organisé une soirée dansante chez eux. Nous étions invitées et beaucoup de filles de l'école l'étaient aussi. Nous mourrions d'envie d'y aller et j'en ai parlé à Rose pour avoir son avis. Elle m'a répondu que mamie ne nous laisserait jamais y aller. J'étais déçue. J'en ai parlé avec Raï et nous décidions de rester. Toutes nos amies profitaient de leurs vacances, en allant à la plage entre copines, en allant danser etc. Nous avions tout à la maison, mais il nous manquait cette liberté. La veille de la soirée, on regardait calmement la télé quand Raï a interpellé mamie.

Raïssa : Mamie, pourquoi ne nous laisses tu jamais sortir avec nos amies?

Mamie : Sortir? Pour aller où?

Raïssa : Bah à la plage, aux anniversaires etc.

Mamie : Mais vous allez à la plage et aux anniversaires.

Raïssa : Oui mais tu nous accompagnes toujours et nous rentrons avant même que la fête ne commence vraiment.

Mamie : L'acte de présence est plus important ma chérie.

Raïssa : Mais nos amies se moquent de nous tout le temps. Ce n'est pas drôle.

Mamie : Avoir cette liberté à leur âge est juste triste. Si leurs parents les laissent rentrer à n'importe quelle heure, c'est leurs choix. Je ne veux pas que l'on vous détourne de l'essentiel. Vos études doivent être votre seul souci.

Moi : Mais mamie on est en vacances. Et puis nous avons bien travaillé.

Mamie : C'est pourquoi vos parents vous ont envoyé des téléphones portables et tous ces cadeaux.

Moi : Nous aimerions que tu nous laisses sortir toutes seules. Nous respecterons les heures et tout. Donne-nous une chance s'il te plait.

Mamie : Mais qu'est ce qui vous arrive? Une chance pour quoi? Vous n'êtes même pas matures. Est ce que Soda sortait de la maison pour aller à des soirées?

Raïssa : Non, mais ce n'est pas la même génération.

Mamie : Génération? Rien n'a changé. Les hommes sont toujours aussi pervers et les femmes aussi naïves. Soda a étudié en France comme Djiby et est rentrée au Sénégal pour chercher du travail. Elle ne sortait jamais et ça ne l'a pas empêché de se trouver un mari. Il ne faut pas vous presser. Vous aurez le temps de vous amuser avec vos maris.

Je regardais Raï pour lui faire comprendre que la discussion ne servait à rien. Nous nous sommes tues.

Mamie : Vous êtes fâchées?

Moi : Non mamie.

Mamie : Voilà, c'est bien. Je préfère cela. Un enfant doit pouvoir écouter ses ainées.

Raï : Bien sur mamie. J'ai sommeil, je vais aller me coucher.

Moi : Allons y. Bonne nuit mamie.

Mamie : Dormez bien les filles.

Une fois dans la chambre, j'explosais.

Moi : Mais on va mourir dans cette maison à ce rythme. Rien ne va. On ne fait qu'étudier. On n'a pas droit aux loisirs comme les jeunes de notre âge. J'en ai marre.

Raï : Hey calmes toi. Mamie pourrait t'entendre. Et puis ce n'est pas si grave. Notre cas n'est pas si dramatique. Nous ne manquons de rien et avons même des cellulaires.

Moi : Tu parles d'une connerie!! Des cellulaires qui ne servent à rien à part parler avec nos parents. Aucune de nos copines n'en a. Tu as vu comment les gens nous regardaient l'autre jour à la plage? Et puis bref, tu t'en fous puisqu'il ne te reste que deux ans max ici. Tu vas rentrer et me laisser dans cette galère.

Raï : Ce n'est pas vrai. C'est moi qui ai commencé la discussion avec mamie. J'aimerais profiter de mes vacances car les cours seront durs après. Et puis tu as juste 15 ans. Pourquoi vouloir coute que coute de la liberté?

Moi : Je suis dans ma 16e année et tout le monde pense que j'en ai 18. J'en ai marre d'être enfermée. Je veux me changer les idées. D'ailleurs, j'irais à l'arrosage de Momar demain.

Raï : Heuuuuu... Tu es tombée sur la tête Maguy. Dormons, c'est mieux.

Moi : Je suis très sérieuse Raï. Je vais y aller, avec ou sans toi.

Raï : Mais tu n'as même pas demandé la permission..

Moi : Qui a besoin de permission pour sortir? Je m'en irais après que mamie se soit endormie.

Raï : Je ne vais même pas continuer cette discussion, tu es folle.

Moi : Merci.

Je me suis mise à écrire dans mon journal, à me vider l'esprit. Je n'en pouvais plus de la surveillance de mamie. C'est à peine si elle ne nous suivait pas quand nous allions aux toilettes. Non mais franchement!!!! Elle nous aime et tout, mais à un moment faut arrêter. J'avais envie de respirer. Je réfléchissais rapidement à mon plan pour le lendemain. Le samedi passé, il y'avait eu la fameuse émission de Maguette Wade, donc il y'avait 90% de chance qu'on nous serve une sélection de clips sénégalais le lendemain. C'était parfait. Mamie ne regardait pas ça et allait se coucher juste après le diner d'habitude. Je me levais pour faire une sélection parmi mes habits. J'ai finalement choisi un pantalon blanc et un haut mauve. Raï suivait mon manège pendant un bon moment et s'est levée:

Raï : Tu es vraiment décidée. Je ne peux pas te laisser y aller toute seule.

Je souriais intérieurement. Elle a sorti un jean et un haut rose. Nous étions décidées à y aller.

Chronique de Maguy : le bout du tunnelHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin