Chapitre 60

Depuis le début
                                    

-Je suis égoïste de toi. T'es à moi, et je veux occuper chacune de tes pensées, pas les partager.

Je crois qu'à cet instant mon coeur a rendu l'âme. Il me regarde avec ce regard que je déteste. Celui où il lit en moi. Je sens ma gorge se nouer quand il prononce cette phrase. Je l'aime tellement que ça en devient presque invivable. Alors je lui souris, pour ne pas qu'il lise la détresse en moi.

-Je suis désolé, ok ? 

Son regard était sérieux et je lisais de la culpabilité dans son ses yeux. En plus de me sentir honteuse d'avoir quittée Medhi, maintenant je me sens fautive de m'en prendre à Kenny.

-Moi aussi je suis désolée. Je suis juste sur les nerfs.

-Oui, je vois ça. Dit-il en soufflant du nez.

Je ris et il me force à l'embrasser, me tirant contre lui. Je ris et tente de lui échapper mais son téléphone sonne au même moment. Il me lance un regard et cesse de rire. J'ai compris que c'était Medhi. Je me jette sur le sol et le regarde fixer son écran. 

-Vas-y, qu'est-ce que tu attends ? Dis-je.

Son regard croise le mien une fraction de secondes, puis il baisse le regard.

-Ouais ? Répond-t-il. 

Il ferme fort les yeux et hoche la tête. Il tapote sa main contre sa cuisse, je le sens commencer à s'énerver. Je suis incapable de bouger ou de dire quoi que se soit, trop occupée à analyser son expression. Il a l'air vraiment énervé. Il se lève soudainement et marche dans la chambre, puis il sort, m'ignorant. Je reste assise par terre, le regard fixé dans le vide. Qu'est-ce qu'il a bien pu lui dire pour que Kenny soit énervé ? J'ai bien compris qu'il avait quitté la chambre pour pas que j'entende ce qu'il allait lui dire. Ça ne doit pas être gentil. D'ailleurs je ne pense pas que Medhi ai été gentil avec Kenny non plus, ni avec moi. Il a dû m'insulter, sans forcément le vouloir, juste par colère et je l'accepte. Parce que tout ce qu'il aurait dit est vrai. Je me lève et m'assois sur la terrasse. Le temps a changé. Le ciel est noir et le soleil à fuit pour laisser place à un ciel étoilé. La noirceur des nuages me captivent. J'entend par moment le tonnerre menacer une pluie avenante. Tant mieux, j'aime la pluie. Ça me calme. J'inspire et expire toute la tension accumulée ces dernières heures, puis me concentre sur moi-même. Jen, respire, me répété-je. Jen, arrête de réfléchir. Jennifer, Jennifer, Jennifer, Jennifer. Je ne cesse de répéter mon prénom, espérant arrêter de penser, mais ma conscience est plus faible que ma volonté. Je n'arrive pas à me changer les idées. Je rêve. Mais les rêveurs finissent toujours par être déçus, ils sont condamnés à toujours être déçus de ce qu'ils mènent. Je suis une prison de chaire. Une prison sans barreaux. Je suis juste là, et je ne sais pas pourquoi. Je me lasse de penser. Je pense à tellement de choses, et je m'y perds, à la façon dont je me perds dans l'horizon. Un grondement me fait sursauter. Je fixe le paysage qui s'offre à moi. Au loin je vois la mer se déchaîner entre deux toit de maison. J'ai l'impression de me trouver en haut d'une tour d'un château de sable. Instable, la mer menaçant de tout détruire. Comme moi je détruit tout à chaque passage. Je suis réellement entrain de me comparer à une vague ? Mais qu'est-ce qui ne va pas chez moi. Une effluve me vient aux narines, caressant mes pensées. Je ne sais pas si c'est ma conscience qui me joue un tour, mais cette effluve ressemble étrangement à une odeur de mon enfance. J'ai des souvenirs heureux qui me reviennent en tête. Ma soeur et moi entrain de nous courir après dans notre grande maison, à rire alors que notre mère nous criait dessus. Rien n'avait une réelle importance, tant que j'était avec elle. Elle est bien plus qu'une soeur. J'entretient avec elle une réelle amitié, un réel amour. Je l'aime et elle me manque, c'est terrible. Pendant un instant mon coeur se réchauffe. J'ai tout ces souvenirs qui me viennent en tête, amenant un peu de réconfort dans mon chagrin. On riait tellement, jusqu'à en avoir mal au ventre. Elle était un peu la meilleure amie dont j'avais besoin. Je pense : Et si la vague repartait d'où elle venait ? Si elle retournait à la source ? Ce serait bien pour le château de sable, il resterait intacte.  Ce serait tellement bien. Je sais que je pense à trop de choses futiles, mais je n'y peux rien, ça ronge mes pensées sans que je ne puisse rien faire, totalement docile. Le vent qui souffle sur ma peau la fait frissonner. Je commence à avoir froid. Je me lève et attrape un gilet que j'enfile rapidement avant de descendre rejoindre les autres. Ils sont tous autour de la table, sauf Kenny. Je le cherche du regard mais il n'est nul part. 

-Où est Kenny ? Demandé-je à Mam's.

Il lève la tête de son téléphone et me regarde.

-Il est sortit, pourquoi ? 

Je hoche la tête et pars. Je n'ai pas envie de répondre à sa question, qu'est-ce que je pourrais bien lui dire ? Je me dirige vers la porte d'entrée, puis sors. J'avance jusqu'au milieu de l'allée et là je le voit. Il marche vers moi, au loin. Mon coeur se serre quand je le vois, je ne sais pas pourquoi. Au bout d'une longue minute, il se tient devant moi et se pince les lèvres.

-Je suppose que ça s'est mal passé ?

-Ouais, assez. Il m'a menacé, si tu veux savoir.

-Non, je ne veux pas savoir. 

Il fronce les sourcils et pendant un instant nous ne disons rien, nous nous contentons de nous regarder. Je scrute chaque détail de son visage, comme pour ne jamais l'oublier. Je le trouve tellement beau. Sans que je ne puisse me contenir, une larme coule sur ma joue. Il entrouvre la bouche et me serre dans ses bras. Sa chaleur me réconforte aisément et je me sens bien. Je ne me sens jamais aussi bien que dans ses bras. C'est comme s'il était un refuge à ma peine. 

-Ne t'en fait pas, Jennifer. Ce n'est qu'une passe.

Je ne dis rien et resserre l'étreinte. Je sais que ce n'est pas qu'une passe. Pour l'instant il n'y a que Medhi qui est au courant pour Kenny et moi et c'est déjà un grand n'importe quoi, alors que vont dire les autres ?  C'est quoi la suite ? D'autres jours noirs comme aujourd'hui ? Je ne suis pas sure de supporter cela. 


Entre deux âmes || NEKFEU  en réécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant