Chapitre 1.

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Ça y est, on est en plein Octobre. Seigneur, je déteste me réveiller, les orteils congelés et pétrifiés ! Le vieux réveil gris de mon père toussote et siffle un moment avant que mon poing ne l'écrabouille avec désinvolture.
Il vacille, puis s'écrase sur le parquet avec lourdeur.
Je me penche, lui tapote le cadran et lui retire ses piles.
"Sept ans de loyaux service, c'est pas rien Pat. Repose en paix, mon vieux."

Je me frotte les yeux et me dégage des draps d'un mouvement de bras.
Une fois debout, mon pied trouve la plaisante idée de se prendre dans ma couverture.
Je vacille, puis m'écrase sur le parquet avec lourdeur.
Je frappe le bois ciré de la paume de ma main, et lance un oeil torve à Pat avant de lever les yeux au ciel.
"Tu trouves ça drôle, peut-être !" Grincé-je en m'adressant à une entité dont l'existence me paraît pourtant inconcevable.

La porte s'ouvre alors sur ma petite maman.
Oh, et ça n'est pas un terme affectif; ma mère est véritablement minuscule.
"Je peux savoir pourquoi tu n'es toujours pas habillée? Il est et vingt, à cette allure tu vas rater le bus, conséquence : je vais devoir t'amener au lycée et, pour ne pas changer je vais être en retard à la rédaction. Bouge toi !"
Son petit corps menu virevolte d'une étagère à une autre, l'oeil hagard.
J'enfile mon vieux sweat Gap, un jean et des Converse.
"Où est ce que t'as mis ton chèche gris ? Il serait d'enfer avec mon top KMJ.
-Plus personne ne dis chèche en 2016 'man - on appelle ça des foulards. Il traîne sûrement près de l'astrolabe ."

Elle se retourne vers moi, avec de gros yeux froncés par des sourcils perplexes.
"-Traduction ?"
Je glousse.
"Mon espèce d'horloge céleste, tu sais.
-Celle-ci ?"
Elle entreprend de s'emparer de l'objet qu'elle vise avant que je ne tende les bras pour le lui empêcher affolée, les yeux en soucoupes.
"REPOSE ÇA TOUT DE SUITE !
-Eh, t'es cinglée de crier comme ça? Tu sais que je pourrais te retirer ton microscope et tout le bordel pour moins que ça, alors calmos !
- Ok, ok, maintenant repose lentement mon astrolabe planisphèrique qui m'a coûté une blinde s'il te plaît maman..."

Cette dernière le repose, l'air contrit déniche une écharpe passablement sympa et s'en va à grands pas.

"T'ES PAS PRÊTE DANS VINGT MINUTES TU VAS T'EN RECEVOIR UNE DANS TA FACE DE BÉCHER !"

Quinze minutes après, je m'assois sur la rampe des escaliers et me laisse glisser jusqu'en bas. Je déjeune à la hâte, m'enfournant quelques biscuits dans la bouche et vidant mon verre de lait.
En rangeant la bouteille, j'allume mon téléphone et tombe sur deux appels manqués de Caroline.
Mon pouce s'apprête à taper sur la touche "rappeler" lorsque j'entends la porte d'entrée s'ouvrir en trombe.

Quelque chose tombe dans un fracas dantesque et une voix qui ne m'ait que trop familière étouffe un juron.
Je me précipite à la rencontre de Lucas, occupé à relever la statuette en bois en forme d'éléphant de Papa.

"Elle n'a aucune envie de te voir."
Ma voix est totalement désincarnée, pourtant ma bouche se tord en une moue de lassitude qu'il remarque : il prend un air de gros dur et gonfle le torse d'une manière assez ridicule. Ce type est vraiment insupportable, c'est dingue que Jade ne voit pas ça.
Pourtant, apres quelques secondes de silence, il semble se souvenir de ce qui l'a amené ici et se dégonfle - littéralement - ses yeux noirs passent d'un point à un autre frénétiquement. Sa main droite fourrage ses cheveux et sa jambe tressaute nerveusement.

Nerveusement ?
"Merde, je sais mais... j'ai merdé putain, j'ai vraiment merdé cette fois-ci Ali, alors appelle ta soeur... maintenant !"

Son ton grave se brise sur ce dernier mot et sonne comme une supplication.
À ce moment même, Maman, nous rejoins, suivie de Marissa, puis de Jade.
Ma mère qui passe le pas de l'entrée l'air furax, fouille dans son sac et n'aperçoit même pas Lucas.
Jade et Marissa, par contre, le regardent avec des yeux ronds. Jade se fige et son visage passe de la surprise à l'exaspération.
"Bon Ali on va être... Ah, voilà ces foutus clés, haha ! Bon maintenant on se cas..."
Maman relève la tête, et hoquète de surprise.
Après avoir chercher une issue à cette situation gênante, elle capitule et s'exclame :
"Merde, y a pas un seul jour où je suis fichue d'arriver à l'heure au boulot, vous vous passez le mot ou quoi !"
Sur ce elle disparaît, battant l'air de ses bras.
Elle revient presque aussitôt avec un balais sous l'aisselle et le pointe vers Lucas. Celui-ci hausse un sourcil, et je me mords les lèvres pour ne pas exploser de rire.
Ma mère s'en aperçoit et me lance un regard noir.
"Tu dégages Lucas. Je croyais t'avoir déjà dit de ne plus remettre les pieds ici, non ?
-Mais madame je..."
Luc n'a pas le temps de finir sa phrase; il est interrompu par la pluie de coups de balais qu'il se reçoit dans le dos. Il pousse un cri d'horreur étouffé et se couvre la tête avant de s'en aller à grandes enjambées.
Ma mère claque la porte derrière lui, repose le balais et se frotte les mains.
"Vous l'avez toute entendu ? Il m'a appelé madame ! MA-DA-ME !"

La Théorie Du Big Bang.Where stories live. Discover now