Prologue

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— C'est à présent au tour de la princesse Leila de danser avec le prince Rémi ! clame d'une voix grave et sérieuse la petite Maïwenn, tandis qu'elle fait avancer avec cérémonie sa poupée sur un tapis rouge imaginaire.

La poupée en plastique a de longs cheveux blonds bouclés et un sourire figé. Les bras tendus en avant, elle déambule sous le regard pétillant de l'enfant. La princesse Leila est vêtue une robe en tulle, parsemée de petites paillettes argentées, celles-ci ont été collées à la main, le résultat est empli d'imperfections. Malgré cette absence de finitions et d'élégance, pour le prince Rémi, elle demeure la plus belle de l'histoire. Une histoire parmi tant d'autres que s'est inventées Maïwenn.

Une dizaine de poupées semblables à Leila patientent en position assise, le long du mur. La seule chose qui permet de les différencier : leurs robes. On remarque au premier coup d'œil qu'il s'agit de l'œuvre maladroite d'une enfant. Les tissus ont été coupés à l'aide d'un ciseau d'école et des fils pendent de toutes parts. Cependant, l'ensemble demeure assez harmonieux et Maïwenn s'en contente, elle est satisfaite de ses œuvres. Elle les a conçues avec la machine à coudre que sa grand-mère, Diana, lui a offerte pour ses huit ans. Diana travaille dans un atelier de couture depuis une quarantaine d'années. Son employeur a pour client l'opéra Garnier de Paris et la couturière ne manque pas une occasion de rapporter des soies magnifiques à sa petite-fille. En effet, et pour son plus grand bonheur, Maïwenn a hérité de sa passion pour les vêtements. Elle dessine depuis qu'elle sait tenir un crayon de papier.

— Tu vas bien, ma chérie ? demande Fanny, la mère de Maïwenn, en passant la tête par l'embrasure de la porte de la chambre de sa fille.

Maïwenn porte un diadème en plastique et, lorsqu'elle lève la tête pour répondre à sa mère, il tombe sur ses yeux noisette.

— Oui, mais ne rentre pas ! Tu vas interrompre le bal et le prince ne pourra pas demander la princesse en mariage ! prévient l'enfant, en fusillant du regard sa maman.

L'adulte la dérange pendant qu'elle évolue dans une bulle, son monde d'innocence en quelque sorte, qui la protège de bien des tracas du quotidien.

— Très bien, alors je sors du château, mademoiselle ! Mais ta grand-mère est arrivée, alors viens lui dire bonjour dès que tu seras moins occupée !

Maïwenn pousse un cri de joie à cette nouvelle. Elle se redresse d'un bond et envoie valser ses jouets, tout à coup bien futiles. Elle passe devant sa mère qui rit en la voyant courir, son diadème mis de travers.

— Mamie !

La petite fille se jette dans les bras de la vieille dame qui la serre avec tendresse, en caressant ses doux cheveux bruns. Ces instants de bonheur ne sont pas rares dans le quotidien de la fillette qui vit entourée d'amour de la part de sa grand-mère.

— Ma princesse, comme tu es jolie ! Je t'ai rapporté quelque chose.

Les yeux de Maïwenn s'écarquillent et sa bouche s'étire en un O admiratif. Une pièce de soie blanche au liseré doré glisse entre ses doigts.

— Il s'agit de chutes d'une tenue pour une grande ballerine. Elle va danser la princesse Odette du Lac des cygnes, lui annonce Diana, en s'asseyant avec difficulté dans un fauteuil.

Maïwenn analyse le tissu dans tous les sens, c'est un cadeau précieux et, malgré son manque d'expérience en haute couture, elle s'en rend tout à fait compte. Son visage se ferme tout d'un coup, elle pose le tissu sur la table basse et se réfugie sur les genoux de sa grand-mère.

— Tu crois qu'un jour, moi, je serai une princesse, mamie ? demande-t-elle en toute innocence.

Elle lève ensuite ses grands yeux rêveurs pour regarder la lune qui brille, au loin, par-delà la fenêtre.

— Tu es déjà une princesse, Maïwenn. Tu as la beauté et l'élégance des grandes dames de ce monde.

Mais Maïwenn sait bien que ce n'est pas vrai, elle n'est pas une princesse. Sa famille est pauvre. La petite fille a de la peine pour ses parents, car malgré son jeune âge, elle comprend qu'ils sont malheureux. Ils travaillent tous les deux beaucoup pour essayer de lui offrir une enfance heureuse. Malheureusement, dans le monde réel et injuste, il y a les favorisés et les autres.

Fanny esquisse un sourire triste en acquiesçant à ce que dit sa mère. Cependant, Maïwenn n'est pas dupe. Quand tous ses copains d'école ont de beaux vêtements, elle, porte les mêmes habits plusieurs fois par semaine. Elle a des poupées, mais ne va ni aux musées ni aux spectacles, comme le font les autres enfants de son âge. Être confrontée aux injustices de ce monde, en étant aussi jeune, a fait naître en elle un instinct de rébellion et un caractère bien trempé. Un peu timide et renfermée de premier abord, elle ne se gêne pas pour riposter aux agressions qu'on lui inflige dans la cour de récréation.

Diana reste avec eux pour dîner, comme bien souvent. Une fois sa grand-mère repartie chez elle, Maïwenn retourne dans sa chambre et reprend simplement son jeu, là où elle s'est arrêtée.

— La grande couturière royale, Maïwenn, vous annonce que la robe de mariée de la princesse Leila va commencer à être dessinée !

La petite fille pose délicatement le tissu offert par sa grand-mère sur son bureau. Elle prend ensuite ses feuilles et crayons. Il est tard quand elle a terminé son dessin. Heureuse, elle se met dès le lendemain à réaliser des patrons, en rêvant qu'un jour, elle aussi pourrait porter une robe de princesse.

Séduction Princière [Édité chez Plumes De Mimi Éditions]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant