Je savais que j'étais facile à vivre, mais que je pouvais être ferme quand la situation l'exigeait. Honor nous avait apprit à être là pour les autres, tout en ne nous laissant jamais marcher sur les pieds. Nous avions tous été élevés de la même façon et même si les plus grands n'étaient plus forcément à l'orphelinat où ici en ville, tout le monde finissait toujours par revenir vers Honor. Parce qu'elle était notre mère, notre sœur, notre confidente, notre meilleure amie. Parce qu'elle était le pilier de nos existences.

Blaise n'était pas venu vivre ici sans raison. Comme tous les autres des générations suivantes, ils étaient passés entre mes mains pour que je m'occupe de leur éducation. J'avais été la Maîtresse de chacun, leur enseignant tout ce que j'avais appris. J'avais eu des liens différents avec tous et je crois que grâce à Honor, nous avions tous une sorte de fibre maternelle en nous. Blaise l'avait senti. Blaise avait toujours été très proche de moi, recherchant mon attention et bien plus encore, mon affection. Alors quand il avait voulu quitter l'orphelinat pour venir vivre avec moi, je n'avais pas pu refuser. Mais même s'il était un adulte, même si nous étions tous des adultes, les mêmes démons nous hantaient.

Et nous hanteraient toujours.

— On n'est même pas sûr qu'elle sera là, grogna Blaise en attrapant son t-shirt qui pendait sur une chaise et en l'enfilant.

Je pris le cendrier et le vidais. Ses cauchemars avaient repris et il ne m'en avait pas encore parlé. Alors j'attendrais qu'il le fasse. Parce qu'il finissait toujours par venir me trouver. Comme nous l'avions tous fait avec Honor, cherchant son réconfort la nuit. Et jamais elle ne nous avait renvoyé au lit. Même alors que Vadim était là. Honor nous avait toujours fait passer avant tout le reste. Et encore aujourd'hui, cela était toujours le cas.

— Bien-sûr qu'elle sera là, répliquai-je en attrapant mon téléphone sur le plan de travail et en allant chercher mon sac. Blaise appela Neko qui apparut tout de suite pour avoir sa caresse et je tins la porte pour laisser le jeune homme passer. Je fermai à clés derrière nous et nous descendîmes les quelques marches nous menant au hall de l'immeuble.

Blaise me rattrapa alors que mon pied glissait sur la marche :

— Fais attention, marmonna-t-il, plus par habitude qu'autre chose.

Je passai mon bras sous le sien et lui sourit :

— Je sais que tu es là pour me rattraper.

Il leva les yeux au ciel et saluâmes Eduardo, le concierge de l'immeuble.

Dès que nous eûmes mis un pied dehors, la fraîcheur de ce mois de décembre me fit frissonner. Nous traversâmes le petit ponton en bois qui surplombait un petit jardin style japonais tout simplement magnifique et Blaise me tins le portillon avant de le refermer derrière lui. Nous avions beau être en plein centre de Newberry, on avait juste la sensation d'être un peu coupé de la frénésie de la ville. Même si frénésie était un bien grand mot quand on y pensait...

En effet, Newberry comptait moins de trois mille habitants ce qui ne représentait vraiment pas grand-chose.

La ville était la seule à des kilomètres à la ronde et cela n'était pas près de changer dans les décennies à venir. Nous étions un peu coupé de tout et certain aimait à dire que c'était complètement paumé. Personne n'aurait pu réfuter un tel argument ; c'était la stricte vérité après tout. Mais j'aimais cette ville. J'aimais pouvoir dire que je connaissais plus de la moitié de ses habitants et que même si ces derniers savaient qu'il y avait des loups parmi eux, ils n'avaient jamais rien fait. Nous étions intégrés ici depuis bien avant le coming-out et au final, très peu avait été surprit. Il n'en demeurait pas moins qu'il y avait bien plus d'humains que de loups à Newberry et que ça me convenait très bien. J'avais déjà été dans de très grandes villes. J'avais voulu voir à quoi tout cela ressemblait, mais je ne m'étais pas attendu à ce que ce soit si... extrême. Et je n'avais jamais voulus partir loin d'Honor, je n'avais jamais voulu quitter les enfants qui étaient comme nous. Même si nous étions leurs aînés de bien des siècles, nous restions tous frères et sœurs quelque part. Et je ne voulais jamais perdre ça. Jamais.

De sang et d'argent - Bajram & Syrine - Spin-off [Terminée]Where stories live. Discover now