6.

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Les candidatures étaient maintenant postées. La réponse devait nous parvenir par lettres d'ici quelques semaines. Mais en attendant, la vie avait repris son cours et la parenthèse idyllique des clichés étaient reléguée aux souvenirs. Les jours s'enchaînaient inexorablement. Ils se ressemblaient tous. Tous si long. Tous si épuisant. Tous au fond de la mine. Laïa et moi, nous travaillions sans relâche. Et chaque jour en rentrant, notre première pensée était pour la boite aux lettres. Cela faisait bien rire mon père. Il disait que j'y pensais autant qu'à mon premier amour. Je lui répondais toujours en lui tirant la langue. C'était puérile mais même à dix-huit ans, parfois, on a besoin d'être une gamine.

Je rentrais ce jour-là comme tous les autres. Je faisais la route avec Travis et papa. Laïa avait travaillé la matin et moi l'après-midi. J'étais à peine arrivée dans la rue où habitait ma meilleure amie qu'elle accourait en secouant quelque chose dans sa main. Elle hurlait mon prénom et me sauta dans les bras avant même que je ne réalise ce qu'il s'était passé. Travis me rattrapa alors que j'allais chuter sous le poids de Laïa. Les yeux brillants de larmes contenues, Laïa me serra contre elle.

- Laïa, tu vas bien, demanda mon père.

Elle lui sourit.

- Oui ! J'ai été sélectionnée !

J'ouvris de grands yeux surprises et restais sans voix. Ce devait être la réaction de tout le monde près de moi car mon amie rit qu'il ne fallait pas faire cette tête. C'est à ce moment qu'arriva Carlos, essoufflé et rouge. Il se plia en deux. Que faisait-il là ?

- Il a lu la lettre, expliqua Laïa devant nos regards surpris. Je n'arrivais pas à trouver le courage de l'ouvrir.

Soudain, je réalisais que si Laïa avait eu sa lettre alors... Je piquais brusquement un sprint jusque chez moi. Toute ma fatigue s'était brutalement envolée et je courais de toutes mes forces. J'entendais les pas des autres derrière moi. Ils me poursuivaient en me criant de ralentir, de les attendre. Je me précipitais vers la boîte aux lettres. Une enveloppe blanche m'y attendait. Je la regardais simplement, le cœur battant et résonnant dans mon esprit. Ma respiration était saccadée et je peinais à reprendre mon souffle. La peur et le contre coup de la course effrénée jusque chez moi se mélangeait et je me rattrapais à la clôture devant chez moi. Je sentis un main se poser sur mon épaule et me retournais.

- Travis, haletais-je.

Il me sourit et me demanda si ça allait. Je me contentais de hocher la tête. Mon père et Laïa arrivèrent ensuite, avec un Carlos pliait en deux par un point de côté douloureux. Mon père lui donnait des conseils pour que la douleur se calme. Je me retins d'éclater de rire devant l'air penaud du jeune homme.

- Carlos, quand tu seras remis, murmura Travis avec un petit air goguenard, tu pourrais ouvrir cette lettre ?

L'amoureux de ma meilleure amie se contenta d'acquiescer d'une signe vague de la tête. Puis, il se dirigea, le souffle erratique, vers la boîte aux lettres familiale. Il s'empara de l'enveloppe d'un air sûr de lui et la décacheta habilement. Je sentis l'angoisse monter en moi et saisis instinctivement la main de Travis. Je peinais à respirer calmement et plaquais une main sur ma bouche pour étouffer ma respiration devenue sifflante. Mes mains tremblaient. Carlos s'éclaircit la gorge et me jeta un regard pour s'assurer que j'étais prête à connaître le verdict.

- Mademoiselle Dauriac, commença-t-il d'une voix grave et posée. Nous vous remercions sincèrement pour cette proposition de participation au Choix que nous avons malheureusement était obligé d'écarter de la liste finale des sélectionnés. Il se ...

Le reste fut noyé par un brouillard auditif complet. Je me sentis tomber et mon corps entra en contact avec le sol avec l'extrême douceur caractérisant une rencontre entre chair et béton. Ma respiration se bloqua quelques secondes avant de se calmer. Je fermais les yeux alors qu'une certaine sérénité prenait possession de moi. Des larmes coulaient sur mes joues glacées. Soudain, l'ouïe me revint et la voix de Travis se distingua.

Souffle la libertéWhere stories live. Discover now