Partie 1 sans titre

36 2 4
                                    

La rentrée

Ça avait été une vraie course, mais elle était finalement en avance. Elle avait travaillé comme une brute pour ça, il fallait absolument qu'elle puisse se trouver à la sortie. Elle se laissa aller contre le mur froid en attendant l'ouverture des grilles. Encore quelques minutes et elle récupérerait son lutin à la sortie des classes de sa première journée de CP.

Un moment, elle crut voir passer devant elle le fantôme de l'adolescent qu'il deviendrait bien trop vite et qu'elle n'aurait plus le droit de venir le chercher à la sortie des cours... Bon il restait quelques années, quand même, railla-t-elle en elle-même, amusée par cet instant de nostalgie. Mère poule ? Non... Si peu.

Elle avait l'impression que c'était à peine la veille qu'elle l'avait contre sa peau, à la suite de l'accouchement. Il était minuscule, chaud et un peu fripé. Elle faisait connaissance avec cette présence qu'elle avait sentie sans voir, cet être qu'elle aimait déjà et découvrait à peine. Son fils.

Elle s'était toujours étonnée depuis de constater à quel point cette odeur réveillait en elle un côté animal, un contentement primaire, une volonté farouche de le prendre par la peau du cou ou de le protéger du monde. C'était vraiment étrange, elle n'aurait jamais pu l'imaginer avant d'avoir son fils contre elle pour la première fois. Une certitude inébranlable qui rendait le reste de votre vie différente bouleversait tout en un battement d'ailes.

Elle se secoua et frappa la semelle de ses chaussures sur le pavé. Trop de sentimentalisme ! Stop ! Un vent frais balaya la rue et fit voleter son foulard. C'était dans l'air, pensa-t-elle. Pas tout à fait là, mais déjà, l'automne poudrait l'atmosphère de son aura particulière, de ses feuilles mortes et de sa nonchalance. La température avait baissé de quelques degrés, le vent se chargeait d'une odeur indéfinissable en ce mois de septembre. Peut-être que les jaunes, les marrons, les roux et les fauves déteindraient-ils bientôt sur les gens ?

Elle repensa au rituel de son enfance, elle allait avec son grand-père ramasser les marrons pour sa grand-mère. Celle-ci la remerciait et elles les mettaient ensemble dans les poches des manteaux pour « chasser les mites ».

Alors elle s'appliquait et passait une longue heure sur la place du village à ramasser les marrons les plus ronds, les plus lisses et d'un beau marron brillant. Les mites seraient touchées par l'attention, à n'en pas douter. Elle revenait et répandait sa récolte sur la table du salon toute fière. Sûrement jetait-elle tout cela dès la fillette partie, mais le rituel perdurait pourtant. Comme les châtaignes cuites au feu de bois dans l'antique cheminée de leur vieille maison en bordure de la petite ville de campagne où ils résidaient. Si différente de l'appartement d'HLM où grandissait la gosse. « Le meilleur antimite du monde et ça pue moins que la naphtaline pas vrai ? » la voix enrouée de sa grand-mère résonna presque à ses oreilles alors que la trentenaire attendait patiemment d'apercevoir son fils dans la cour.

Cet automne il fallait qu'elle le fasse avec Simon. Qu'il apprenne ça, lui aussi. Ils pourraient le transmettre à son tour à ses enfants... Eh ! Il avait six minuscules petites années ! Qu'est-ce qui lui prenait de se projeter comme ça ?!

Depuis ce matin elle se sentait toute bizarre. Pourtant ce n'était pas la première rentrée avec la maternelle et elle ne s'était pas tant émue. Ou avait-elle oublié ? Mais là, son Simon devenait grand, son merveilleux bout d'homme allait apprendre à lire, à compter ses bonbons correctement... Comment la vie pouvait passer si vite ? Un jour on les portait, et le lendemain ils marchaient, puis d'un coup c'était nous qui courrions après pour les rattraper.

Elle pensa que dès que Simon sortirait, ils iraient dans une boulangerie, il aurait le droit à un goûter « anniversaire » de son premier jour de CP. Puis ils se baladeraient le long de la rivière, c'était à cinq minutes de là. En plus, il y avait des marronniers, il faudrait vérifier si la récolte approchait.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Aug 22, 2015 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

La rentréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant