Les chroniques d'Orindor Tome 1 : Les Légions Noires

Discussion de comptoir

Ce fut moins les rayons du soleil qui filtraient par la vitre sale de la chambre qui tirèrent Drill de son sommeil que le raffut incompréhensible qui provenait de la rue. Se levant lentement, un mal de tête lui tambourinant le crâne, il s'étira et plongea son visage dans le seau d'eau qui reposait sur la table de chevet à côté de son lit pour se réveiller. Il regarda autour de lui, une petite chambre miteuse avec pour seul meuble, son lit et sa table de chevet. Une fenêtre était aménagée au-dessus du lit laissant passer la faible lueur de l'extérieur. Il n'avait pas beaucoup de souvenir de la soirée d'hier mais aux vues de l'état de la chambre, elle avait dû être sacrément arrosée, plusieurs bouteilles et vêtements traînaient par terre. Couché dans un coin de la pièce, un homme emmitouflé dans une couverture dormait toujours.

-Léobor, Léobor, appela Drill en allant secouer la masse informe couché par terre pour le réveiller, malgré cela Léobor ne semblait pas prêt de se lever.

-Hum, mon bon vieux Léo tu ne me laisses pas vraiment le choix, songea Drill et sur cela il alla prendre le seau d'eau et dans une ultime tentative de le réveiller lui secoua l'épaule du pied. Devant l'absence de réaction, Drill lui versa l'eau sur la tête. Jamais il n'avait vu un homme sauter aussi vite sur ses pieds.

-Aaaarg, bordel Drill! Qu'est-ce que tu fais merde, beugla Léo tout en ébouriffant ses cheveux. De ses six pieds de haut, il le toisa d'un regard noir. On aurait dit un énorme ours sorti de sa tanière.

-Prépare toi ! On doit aller voir l'intendant de la ville tout à l'heure, lui dit Drill, après avoir retrouvé ses bottes sous le lit et les avoir enfilées.

-Bon je descends. Je t'attends au comptoir. Puis Drill sorti de la chambre en répétant une dernière fois à Léo de se dépêcher.

Le blaireau enragé a toujours été une taverne que l'on peut considérer comme miteuse mais quand Drill descendit les escaliers, il fut surpris de constater que la salle de l'auberge était pleine de gens et qu'il y régnait une atmosphère électrique. Basse de plafond la salle était plutôt mal éclairée, l'air était étouffant, Drill parvint finalement non sans mal à atteindre le comptoir après avoir dû bousculer deux ou trois ivrognes.

-Qu'est-ce que tu veux mon chou ? lui demanda la femme qui tenait le bar, une femme aux cheveux filasse, la lumière des bougies donnait à sa peau un teint huileux.

-Euh, deux pintes, du pain et de la viande séchée pour deux si vous en avez encore, lui répondit Drill. Les discutions dans l'auberge semblaient ne pas vouloir s'arrêter et après avoir jeté un coup d'œil aux personnes dans la pièce, Drill fut surpris de voir des expressions effrayées et pourtant il pouvait sentir une certaine excitation qui parcourait la pièce.

-Tiens mon chou, ça fera cinq pièces de cuivre, lui dit la tavernière en lui déposant les deux pintes et un plateau avec quelques tranches de viande séchée et deux tranches de pain.

Le pain semblait rassis mais il devrait s'en contenter. Pendant que la tavernière prenait la commande d'un autre client il lui demanda :

-Qu'est-ce qui se passe au juste ? Tout en désignant les personnes dans la pièce. Il y a aussi beaucoup de remue-ménage dans la rue, on l'entend depuis la chambre d'en haut.

La tavernière le regarda avec des yeux ronds.

-Quoi tu n'es pas au courant ? Drill secoua négativement de la tête.

-Non je viens juste de me réveiller, répondit-il avec un sourire.

-Ah oui, oui, je me souviens de toi et de ton ami, un grand barbu à l'air pas très commode. Vous avez vidé un tonneau de bière à vous tout seul, dit la tavernière en souriant pour exhiber ses dents jaunâtres.

-Enfin soit mon chou, ce matin les patrouilleurs ont trouvé quelque chose d'étrange dans la ruelle juste à côté d'ici.

Drill lui jeta un regard interrogateur. Quelque chose d'étrange, comment ça ?

Il but une longue gorgée de sa bière et observa son interlocutrice. Elle devait avoir la quarantaine, pas très séduisante, son nez d'aigle lui donnait l'air d'un rapace prêt à fondre sur n'importe quel commérage et quand elle ouvrit la bouche pour lui répondre, Drill su qu'il avait vu juste.

-Eh ben apparemment ils auraient trouvé des marques de brûlure sur le sol de l'allée mais pas des marques normales, ajouta-t-elle précipitamment.

-Les marques formaient une parfaite silhouette humaine. Elle se tue pour guetter la réaction de son interlocuteur mais devant son absence de réaction, elle se pencha vers lui assez près pour que Drill puisse sentir son odeur, un mélange de sueur et de fumée.

-Tu sais hein mon chou, comme à l'époque de la guerre, puis elle lâcha dans un murmure, de la sorcellerie à ce qu'on dit. Certains disent qu'il y aurait un de ces foutus vieux membres de la Secte en ville.

Ce fut à ce moment précis que Léobor arriva et lui tapota l'épaule.

- Hé ! Je vois que tu as déjà commandé pour nous, dit-il avec un grand sourire et il saisit sa bière et en bu plus de la moitié d'une traite.

-Bon sang, qu'est-ce qui se passe ici ? questionna-t-il en lançant des regards autour de lui, c'est plutôt animé ici.

-Je t'expliquerais plus tard Léo, termine vite, on doit y aller. Drill déposa les cinq pièces de cuivre et adressa un sourire à la tavernière.

-Merci encore pour les nouvelles.

- Oh mais de rien mon chou, c'est avec plaisir, lui répondit elle en lui rendant son sourire.

Après que Léobor eut terminé sa bière et eut engloutit son morceau de pain et sa viande séchée, ils se dirigèrent vers la sortie. La ruelle était tout aussi pleine d'animation que la taverne.

-Je pense que tu plaisais plutôt bien à la tavernière, ricana Léo, en fermant sa cape, le vent hivernal commençait à se lever. Bon et maintenant on fait quoi ? On va chez l'intendant ?

-Oui mais d'abord j'aimerais aller vérifier quelque chose, lui répondit Drill. Ça te va ?

Léo haussa les épaules, comme tu veux Drill.

-Ok ! Parfait, suis-moi, et sur ses paroles ils s'enfoncèrent dans la foule au moment même où la neige commençait lentement à tomber sur la cité.