Le royaume des ombres

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Les ténèbres l'engloutirent à l'instant même où elle toucha le sol. Elyssarya n'avait pas le temps de comprendre ce qui se passait. Un souffle glacé l'envahit alors qu'elle était projetée hors du royaume des cieux, hors du monde lumineux qu'elle avait toujours connu. Le royaume des Enfers, un monde sans lumière, sans clarté, se dévoilait enfin devant ses yeux, un abîme sans fin.

Elle se redressa péniblement, le sol d'obsidienne aussi noir que la nuit sans lune, dur et froid sous ses pieds nus. Autour d'elle, l'air semblait figé, comme une mer calme avant la tempête. Il n'y avait pas de vent, juste une oppressive quiétude. Une brume lourde s'étendait, ondulant au sol comme des fantômes errants, se faufilant entre les fissures des rochers volcaniques. Le ciel... ou ce qui en tenait lieu dans ce monde, était d'un gris morne, une étendue d'obscurité infinie, sans étoiles, sans éclat.

Elle ferma les yeux un instant, sentant la distance immense entre elle et tout ce qu'elle avait connu. Avant qu'elle n'ait pu se ressaisir, des souffles glacés balayèrent ses bras, ses jambes, l'enveloppant d'un froid mordant. Elle inspira profondément, sentant l'odeur de la poussière et des cendres. Un parfum de déclin et de fin de monde. Pourtant, un éclat persistait, faible mais tangible. Sa lumière, la lumière qu'elle avait sacrifiée, sa lueur divine, était encore là, palpitant dans ses veines, prête à réagir, à réchauffer ce royaume qui semblait vouloir l'engloutir.

Elle se remit lentement sur pieds, mais l'ombre persistait. Elle se tourna, chaque mouvement pesant, observant les alentours. L'horizon était rempli de sombres silhouettes mouvantes, des âmes errantes sans nom, des souvenirs oubliés d'une époque révolue, des êtres que le monde des vivants avait rejetés. Il n'y avait pas de vie ici, seulement la mort, sous toutes ses formes.

Et au centre de cette mer de ténèbres, une silhouette s'éleva. Elle sentit une présence avant même de pouvoir la voir clairement, une énergie qui semblait aspirer toute lumière vers elle. Une forme s'avançait lentement dans l'ombre mouvante, une silhouette imposante, grande et majestueuse, drapée dans une cape noire qui semblait se confondre avec les ombres elles-mêmes. La figure était insaisissable, une ombre parmi les ombres, un visage à peine perceptible dans l'obscurité.

Elyssarya sentit un frisson de malaise parcourir son corps. Elle n'avait jamais ressenti une telle intensité auparavant. Ce n'était pas simplement la puissance de cette présence. C'était l'idée qu'elle ne pourrait jamais échapper à cette ombre. Que ce soit la fin ou un début, elle allait devoir faire face à ce qui l'attendait.

La silhouette s'arrêta à quelques pas d'elle. Un murmure froid s'éleva dans l'air, aussi tranchant que du verre.

« Tu n'es pas la bienvenue ici. »

La voix... Elle était grave, ténébreuse, comme un écho dans un cimetière lointain, mais elle résonnait aussi d'une autorité indéniable, d'une force sombre et ancestrale. Elyssarya, prise de court, se redressa lentement. Elle voulait répondre, mais une pression invisible sur sa poitrine l'en empêchait. Chaque mot semblait difficile à prononcer dans ce monde oppressant.

« Qui êtes-vous ? » demanda-t-elle enfin, sa voix presque étranglée par le poids de la solitude qui l'enveloppait. « Je suis Elyssarya, déesse de la lumière, et je... je ne comprends pas. Pourquoi suis-je ici ? Pourquoi m'avoir exilée ? »

Un éclat d'ironie passa dans les yeux de la silhouette. Elle s'avança un peu plus, lentement, le bruit des chaînes s'entendant dans l'air. Les chaînes, c'était cela. Ce bruit incessant, ce poids d'acier qui semblait faire partie de l'existence même de ce monde. La figure noire leva lentement la tête, et Elyssarya aperçut un visage pâle, presque spectral. Il était dur, marqué par des siècles de règne sur les ténèbres, un visage que beaucoup de mythes lui attribuaient.

« Je suis Hadès, » dit-il simplement, sa voix impénétrable, un frisson passant dans les airs à l'évocation de son nom. « Le maître de ce royaume. Les âmes perdues me connaissent bien, mais toi... toi, déesse de la lumière, tu n'as pas ta place ici. »

Elyssarya le fixa intensément. Le nom de Hadès résonnait dans son esprit. Le dieu des Enfers, souverain des morts. Mais pourquoi était-il là, en face d'elle ? Pourquoi, alors qu'elle avait été exilée des cieux, était-elle envoyée dans son royaume ?

« Je n'ai pas choisi d'être ici, » répondit-elle d'une voix plus ferme, se redressant malgré la lourdeur de l'atmosphère. « J'ai agi pour guérir, pour aider les âmes humaines perdues. Vous ne comprenez pas, Hadès. Vous n'avez pas vu ce que j'ai vu. Je suis venue ici pour guérir, pour offrir une chance de rédemption. »

Hadès la scruta un instant, son regard glacial semblant la transpercer. Ses yeux, d'un bleu abyssal, ne cillèrent pas. Il la jaugeait, calculait chaque mot qu'elle prononçait.

« Guérir ? » répéta-t-il, un éclat de dérision dans sa voix. « Tu n'es pas dans ce royaume pour guérir, Elyssarya. Tu es ici parce que tu as défié l'ordre des dieux, parce que tu as tenté de perturber l'équilibre entre les mondes. Ici, il n'y a pas de lumière, il n'y a que l'obscurité, et elle te réclame. »

Il se détourna lentement, sa cape flottant autour de lui, et d'un geste ample, il fit apparaître devant elle une porte de ténèbres. C'était une ouverture noire, semblable à un gouffre, qui semblait s'étendre à l'infini. La lumière autour d'elle semblait s'éteindre dès qu'elle s'approchait de cette porte, comme si elle absorbait chaque éclat de sa lumière divine.

« Si tu cherches la rédemption, tu peux la trouver par ici, » dit Hadès, sa voix inflexible. « Mais sache qu'ici, il n'y a pas de retour. Une fois que tu franchis cette porte, il n'y a pas de retour possible. »

Elyssarya ressentit un frisson parcourir son dos. C'était un piège, une promesse de ténèbres éternelles. Mais elle ne pouvait pas se laisser submerger. Elle était la lumière. Et dans cet abîme, elle devait la garder, coûte que coûte.

« Je refuse de me soumettre à votre obscurité, » répondit-elle, d'un ton qui portait l'assurance de sa propre lumière. « Je chercherai ma place ici. Vous ne me soumettrez pas. »

Hadès la regarda longuement, un éclat indéchiffrable dans ses yeux. Puis, après un silence lourd, il murmura :

« Tu es aussi têtue que la lumière elle-même, Elyssarya. Très bien... Tu es libre de chercher ta lumière. Mais souviens-toi, ici, dans mon royaume, il y a toujours une ombre prête à te dévorer. »

Elyssarya, bien qu'angoissée, tourna les talons et s'avança vers la porte des ténèbres. Elle n'allait pas abandonner. Pas maintenant.

Elle franchit le seuil.

Les fleurs du StyxWhere stories live. Discover now