Partie 2: Dans la forêt

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Ronce.

La silhouette avance d'arbre en arbre, un petit sourire aux lèvres. Elle a regardé l'enfant pâle se faire attraper. Elle est ravie. Mais cela doit rester un secret. Dans un bruissement de plume à travers le feuillage, elle se hâte en direction des autres. Les oiseaux chantent haut sur son passage.


Micah.

La journée n'allait décidément pas en s'améliorant pensait Micah alors qu'il  obtempérait en silence. Son ravisseur dont il n'avait même pas vu le visage le guidait de la pointe de son épée à travers la forêt. Ils marchèrent un moment avant que le jeune homme pâle ne capte l'odeur d'un feu de camp quelque part au-devant d'eux. Ils avançaient à bonne allure et Micah se sentait de plus en plus faible sous la chaleur croissante du jour. La faim et la douleur le tenaillaient sans relâche. Enfin, ils débouchèrent dans une petite clairière où un homme accroupi s'affairait autour d'un feu. Il releva la tête à leur arrivée et désigna quelque chose à son compagnon. L'odeur de la nourriture leur emplit les narines, embrumant l'esprit du prisonnier d'odeurs inconnues.

- Avance, ordonna l'homme derrière lui.

- Je meurs de faim, si vous vouliez bien... commença Micah.

- En silence.

- Mais...

Il n'eut pas le temps d'achever sa phrase, l'homme lui assena une violente claque du plat de l'épée sur sa tempe blessée. Micah bascula en avant et sa tête heurta violemment le sol. Avant de perdre connaissance, le visage souriant de son ravisseur passa devant ses yeux. A peine plus qu'un enfant. Micah voulut crier de frustration mais les ténèbres l'emportèrent.

Il reprit connaissance avec la sensation étrange que quelque chose n'allait pas. Il cligna plusieurs fois des yeux pour ajuster sa vision. Le soleil amorçait sa descente, il le sentait. Face à lui l'homme était toujours accroupi face à son feu et ne lui accordait aucune attention. C'est en voulant porter la main à sa tête qu'il réalisa qu'il ne pouvait pas bouger. Il baissa la tête et découvrit qu'on l'avait attaché à un arbre avec ce qui ressemblait à d'épaisses lianes noires. Soudain le garçon qui l'avait kidnappé surgit devant lui, un sourire goguenard sur son visage rond.

- Ça fait bizarre hein ?! dit-il en éclatant de rire.

- Laisse le, gronda l'homme d'une voix caverneuse.

Micah le vit se tourner brièvement vers eux. Une énorme balafre partant de sa tempe jusqu'à son cou ravageait sa joue gauche. L'homme saisit un bol près du feu et le rempli d'un liquide fumant qu'il posa près de lui.

- Qui êtes-vous ? demanda Micah.

L'homme se contenta de hausser les épaules en silence. Le garçon, qui après observation ne devait pas être beaucoup plus jeune que Micah, finit par aller chercher le bol. Il nourrit son prisonnier à l'aide d'une cuiller en bois. Micah fit la grimace tant à cause de la nourriture qu'à cause de la grossièreté des ustensiles qui râpaient ses lèvres fines. Le garçon ne fit aucun cas de ses protestations et le força à finir son bouillon. Après ça, ils le laissèrent seul avec ses pensées, vacant à leurs propres occupations. Micah regarda le jour décliner lentement. La sensation étrange ne le quittait pas. Quelque chose clochait dans cette forêt, dans ce camp, avec ces hommes. Son odorat, bien plus développé que celui d'un humain normal, ne captait rien d'autre que l'odeur de la terre et des plantes. Pourtant il lui semblait que quelque chose rodait autour d'eux, quelque chose de vivant. Un prédateur inconnu et invisible. Il sentait sa présence dans certains scintillements de l'air, dans la chanson étrange du vent, si différent des brises légères de sa contrée. Le vent ici était plus sauvage, plus vivant. Finalement la nuit tomba. La lumière du feu dansait, envoutante, créant de folles arabesques sur le sol et projetant ses mains orangées vers le ciel. L'homme et le garçon, en pleine discussion, scrutaient les abords de la clairière. Micah tendit son oreille vers eux. Ils murmuraient dans une langue bâtarde, mêlant des mots et des expressions de la langue commune à d'autres qu'il ne reconnaissait pas. Ils semblaient soucieux. Le plus vieux se tourna à nouveau pour jeter un coup de sourcil froncé à Micah, toujours silencieux et attaché à son arbre. Il les observa conférer jusque tard dans la nuit puis le sommeil le prit dans ses filets.

RoncesWhere stories live. Discover now