Verset 2 : Cène

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Verset 2 :CèNe

Ville de Meads Cliff 8 : 14 am

            Tu marches dans les couloirs de l’école. Tu es fort. Plus fort que jamais. Tes yeux décortiquent chaque centimètre à la recherche de celle que tu veux, que tu désires, celle que ton cœur demande : ta flamme. Ember. Tu traverses tous les corridors qui semblent fondre sous ton regard. Les murs deviennent coulées et glissent jusqu’à tes pieds. Quand d’autres étudiants croisent ton chemin, leur visage a l'air d'être suinté ou alors ils sont tout simplement flous.

Ils sont vagues, car ils viennent des limbes de ta mémoire. Ils sont des fantômes.

Toi, tu es un Dieu dans un cauchemar où tout est possible.

Tu t’avances dans la cafétéria. Tout autour de toi, l'enceinte, le sol, le plafond, les spectres, les tables ne sont que déformations de ta perception. Que des amas de formes troubles et irréelles. Ces polymorphes ressortent, changent leur morphologie, entrent en eux-mêmes pour prendre une nouvelle structure tout en fonction de l’angle d’où tu les perçois. Des couleurs altèrent les remparts fantastiques que l’homme a nommés murs et qui te séparent de l'horreur de la vie extérieure.

Tes yeux se posent sur les ombres. Tu les fixes sans les voir véritablement.

Tu t’en fiches tout simplement. Tu détournes ton regard. Tu es préoccupé par quelque chose de bien plus important.

Ember. C’est ça que tu veux. Ember. Tu en es certain! Rien d’autre. Tu ne tiens pas compte du reste. C’est ta raison de vivre. Celle à laquelle tu t'accroches pour ne pas mourir, pour ne pas quitter cette utopie. Tu la vois; assise au loin en face du roi des connards; ton rival depuis toujours qui est également son petit ami.

Tu commences à t’approcher. Du bout de l'allée, tu sens que tes membres sont durs. Tu es le prisonnier du sol visqueux et caoutchouteux. Tu ressens les vagues du plancher sous chacun de tes pas, comme si il y avait un courant d’eau invisible à tes pieds. Le tout est accompagné d'une étrange odeur nauséabonde. Ton corps s'alourdit du poids des regards des personnages sans visage. Tu n'oses pas les fixer à mesure que tu avances dans ce chemin entre les tables. Dans ton for intérieur, tu as peur de devenir comme eux. Devenir un fantôme, une ombre dans ce reflet irréel de la vie.

À mesure que tu te rapproches, l'odeur se transforme en une brise aux arômes de vanille. Le sol se change peu à peu en un doux coussin de roses tandis que la distance qui te sépare de ta belle s'amoindrit. L’allée s’illumine à chaque pas que tu fais. C’est comme si chaque enjambée que tu fais t'amenait un peu plus vers le paradis.

Dans un geste calme, ta main va se déposer sur son épaule dénudée. Un frisson d'effroi t’aurait normalement fait tressaillir. Mais pas aujourd’hui. Tu ressens plutôt une décharge électrique qui part du bout de tes ongles et va se propager jusqu’à ton menton. Un tremblement de passion. Une surcharge.

Ce courant est accompagné par une vivifiante chaleur qui te rassure.

D’une quelconque façon, tu sais que, ce que tu t’apprêtes à faire, tu vas le réussir. Tu as complètement oublié la peur qui t’aurait fait normalement t'effondrer. Maintenant, tu es serein. La confiance t’habite et ton corps dégage une agréable tiédeur qui t'apaise. C’est un sentiment nouveau que tu sembles avoir vu nulle part ailleurs que dans les annonces de détergents à lessives.

Tu te baisses vers elle. Tu ouvres la bouche. Ce qui en sort est un mini concerto de notes qui va s’échouer entre ses cheveux et qui trace son chemin jusqu'à son oreille. Ce concerto scande ton nom.

...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant