Chapitre 14

Depuis le début
                                    

— Princesse d'Ilios, je réponds avec une politesse égale à la sienne, conscient de mon trop long silence.

Elle baisse la tête tout en prenant soin de garder ses yeux braqués sur ma personne. Ma révérence ne vient jamais et j'espère qu'elle n'est pas assez bête pour croire que je lui retourne la politesse.

Il me faut quelques secondes pour me ressaisir et accepter le rôle que j'ai à jouer dans cette mascarade. J'oublie la belle et la biche, le feu dans ses yeux, puis saute souplement de mon cheval en grimaçant quand le froid attaque mes pieds engourdis par l'inactivité.

Immédiatement, un soldat se détache du reste du cortège d'Ilios. Son armure est en parfait état, lustrée pour l'occasion. Ses belles insignes d'honneur brillent sur son torse, prouvant qu'il est, en plus d'être considéré par le roi d'Ilios, un homme aussi con qu'il est pédant. Nullement impressionné par sa démonstration de force, je fais signe à Néro de récupérer les rênes de Nox et m'avance d'un pas assuré vers la princesse. Le soldat fait de même, faisant trottiner son cheval jusqu'à nous, son épée prête à être brandit autant que la mienne. Quand j'arrive aux pieds des sabots de son cheval, la belle me regarde de haut et hausse les sourcils. Alors, je lui propose ma main tandis que le soldat tend son épée dans ma direction.

— Thibault, réprimande-t-elle d'une voix ferme, reste en arrière.

Le soldat ne recule ni n'obéit, restant à un mètre à peine, la lame pointant mon visage masqué.

— J'ai le loup, vous avez le chien, je plaisante, mauvais.

La belle ignore ma pique autant que ma main et se laisse glisser jusqu'à atterrir souplement sur la terre ferme. De l'autre côté de son cheval, je ne peux apercevoir que ses bottes et un bout de velours en plus de quelques flèches qui se baladent dans son carquois.

— Vous devriez faire attention, même si l'on dit qu'un chien ne mord jamais la main qui le nourrit, celui-là à l'air particulièrement agressif, je renchéris.

— Votre loup n'est pas présent ? remarque-t-elle en passant outre mes piques.

Légèrement agacé qu'elle ait remarqué l'absence de Ryen, il ne m'est pas difficile de trouver une parade pour expliquer sa défection. Hors de question qu'elle comprenne que le loup se balade dans les bois à la recherche d'une faille dans leur défense.

— N'avez-vous jamais entendu les légendes à son sujet ? je demande, déviant son attention.

— Quelles légendes ? s'enquit-elle tout en contournant son cheval, se retrouvant presque face à moi.

— Quand la lune est aussi ronde que le ventre d'une femme pleine, le loup se transforme en une bête féroce et assoiffée de sang, ne faisant ainsi plus la différence entre ses pairs et le reste du monde. Alors il s'isole dans les bois, loin de la zone de combat, et hurle à la mort jusqu'à ce que l'éblouissement surgisse.

— C'est un conte pour tenir les enfants loin des bois.

Je souris, heureux de porter mon masque pour qu'elle n'aperçoive pas la grimace affreuse qu'offre mon rictus. Non pas que je m'intéresse à l'intérêt physique qu'elle puisse me porter, mais bien car la séduire serait ardu si elle me trouvait laid dès le début.

— Vous ne croyez donc pas en la magie ? j'ironise, prêts à sortir la carte de l'enchanteresse si elle vient à avoir le culot de répondre par la négative.

Les ombres dansent sur son visage, rendant son inspection particulièrement hasardeuse. Je peux sans doute certifier qu'elle est belle, mais la beauté s'arrête là où la mauvaise foi commence. Si elle en fait preuve, la courtiser deviendrait une tâche bien désagréable. Je serais alors obligé de me contenter de la beauté de ses traits en devenant aussi sourd que mon père face aux doléances des citoyens de son royaume.

MIRABILISOù les histoires vivent. Découvrez maintenant