Elle sait qui est Manu. Il est décrit sous toutes ses coutures par Joana dans le bouquin qu'elle a lu sans en avoir eu le droit. Il est représenté sous les traits de l'homme idéal. Pas étonnant, que le cœur de Luisa a basculé vers lui. Ma sœur était folle de son fiancé, elle se voyait finir sa vie à ses côtés. Elle n'aurait pas voulu d'autre compagnon. Pour elle, Manu était son homme parfait, malgré tous ses défauts.

Je ne peux malheureusement pas rivaliser avec un tel personnage. Il a suffit à ma voisine de voir à quel point ma jumelle était attachée à lui, pour se jeter de nouveau dans ses bras. Comment j'ai pu un instant envisager que j'avais mes chances ?

— Fais bon voyage alors ! lui souhaité-je. Ah ! Et Manu serait fou de ne pas te retenir.

Il est temps que je passe à autre chose. Son choix est fait, et visiblement il n'est pas tourné vers moi. Elle préfère le gentleman au baroudeur que je suis. Je ne peux pas lui en vouloir.

J'espère qu'il lui apportera tout l'amour qu'elle mérite. Je leur laisse le champ libre. Je ne me mettrai jamais entre eux.

Elle va pour me dire quelque chose qui finalement reste entre ses dents. Elle hausse ses épaules pour toute réponse. Que dois-je comprendre ? Elle patiente un instant, peut-être pour que je la retienne, je ne sais pas. Il est certain que je ne ferais pas un pas de plus vers elle. Je sais où est ma place.

Elle, seule, peut changer l'issue de nos vies.

Alors que je m'apprête à faire demi-tour pour rentrer chez moi, nos regards se croisent dans un ultime défi. Qu'attend-elle de moi ? Dieu sait à quel point je la désire, que j'aimerai que cela soit différent. Mais je n'ai aucune emprise sur son cœur, sur ce qu'elle veut.

Et dans un dernier recours mon cœur prononce son doux est merveilleux prénom, or le seul nom que je discerne entre mes bruyants battements est le mien.

Je la laisse enchaîner. J'ai soudainement espoir qu'elle se ravise et me choisisse.

— Fabio, tu es vraiment insupportable ! Comment peux-tu imaginer... Non ! La question est plutôt : Comment j'ai pu tomber amoureuse de toi ? Tu es l'être le plus détestable et bête que je connaisse. Peux-tu te mettre un peu à ma place, s'il te plait ? Je t'aime. Et le seul qui pourrait me faire revenir est devant moi.

Je suis sur le cul. Paralysé. Stupéfait ! Bloqué. Surpris !

Ce n'est pas vrai ? Je suis persuadé que j'ai tout imaginé. Elle ne peut pas m'avoir dit qu'elle m'aimait, là, au milieu de la rue ? Impossible !

Qu'est-ce qui lui prend ?

Ma réaction est sans équivoque, je ne comprends pas ce revirement de situation. Elle exprime son mécontentement en rehaussant de nouveau les épaules et s'engage à filer sans me donner plus de renseignements. Je dois la retenir, mais comment ?

J'avance vers elle à grandes enjambées, puis parvenant à sa hauteur, je lui attrape la main droite que je relâche immédiatement. Je ne veux pas qu'elle pense que je lui veux du mal. Je recule d'un pas, alors qu'elle se retourne vers moi.

— Je pourrais te croire si tu n'avais pas balancé ta promesse aux oubliettes, prononcé-je tout bas, la tête baissée, pour que personne n'entende à part moi.

Seulement, Luisa s'était avancée entre temps et me sermonne de répondre :

— De quelle promesse me parles tu ?

Je relève la tête et m'énervé-je sans le vouloir.

— Pourquoi, tu m'en as fait combien ?

Le temps qu'elle se remémore ses dires, je l'informe :

— Une seule, que tu t'es empressée d'oublier, m'irrité-je de plus belle avant de reprendre mon calme. Heureusement, pour toi, que je ne suis pas rancunier.

Elle est abasourdie, déconcertée. Elle ne sait plus quoi dire. Elle est bouche bée. Visiblement, elle ne sait pas de quoi je parle. Elle ne se souvient pas. J'aurais du m'en douter. Si certains détails sont revenus à la surface, d'autres sont restés enfouis sous l'épaisse couche d'alcool.

— Je suis désolée ! J'ai encore plusieurs trous de notre soirée, celle où je me suis ridiculisée, débite t-elle sans un regard, elle est gênée, encore plus qu'avant. Pardon ! Que t'ai-je promis ?

Ses yeux remontent jusqu'aux miens. Je la sens déboussolée. Elle serre entre ses doigts ma main gauche, qu'elle triture. Elle attend sûrement que je lui présente les faits.

— Tu m'a juré ton amour éternel, plaisanté-je. Tu voulais gravir avec moi le Mont-Blanc.

Elle me fixe dubitative, quand je me mets à rire. Sa contrariété se lit en elle, puis pour bien me montrer qu'elle n'est pas contente, elle me donne une petite tape sur mon torse, avant de m'engueuler :

— Soit sérieux pour une fois ! Dis le moi ?!

Elle penche sa tête vers son bras, afin d'y voir l'heure affichée. Et à son visage qui se crispe, j'ai la nette sensation qu'elle n'est pas très en avance.

— Ça n'a plus d'importance, maintenant que tu quittes Lisbonne.

Elle ne peut plus venir habiter chez moi. Ma maison est ici, alors que la sienne se trouve à un millier de kilomètres.

— Fabio ?! réprime t-elle sa colère. Tu es vraiment insupportable !

— C'est pour ça que tu m'aimes ?!

Elle tente de camoufler un cri de désapprobation qui n'en est pas un, car ses jouent rougies expriment tout le contraire. Je viens de la percer au grand jour. Elle se sent vulnérable.

En définitive, je la connais bien mieux que je ne l'imaginais.

Je m'approche d'elle, caresse son doux et merveilleux visage, puis avance mes lèvres près des siennes, quand elle décide de s'écarter d'un mouvement brusque.

— Veux tu oui ou non que je revienne ? me demande t-elle avec entrain. Fabio, je n'ai pas toute la journée. Comme tu as pu le constater, mon avion ne va pas m'attendre. Alors, s'il te plait, décide toi !?

— Ce n'est pas à moi de décider de ta venue ou non. La décision t'appartient.

— Tu es sérieux ?! peste t-elle.

Je ne pourrais pas l'être plus. Je refuse qu'elle revienne uniquement pour moi. C'est un choix de vie. Une page qui se tourne pour elle. Luisa va devoir prendre cette décision toute seule.

— Très !

— Je te déteste ! Tu as de la chance que je n'ai plus de temps, sinon je t'aurais arraché les yeux et ton sourire d'un air suffisant. Va au Diable Fabio Monteiro !

Puis, sans dire un mot de plus, elle fait demi-tour, me montrant sa jolie carrure de dos. Je la rattrape, la fait virevolter sur place, et l'embrasse d'un doux et généreux baiser.

Lorsque nos lèvres se séparent, je remarque que la demoiselle entre mes bras est toute chamboulée, décontenancée. Et ce que je m'apprête à lui dire ne va rien arranger.

— A toi de voir ce que tu as envie de faire ma belle.

Je lui fait un bisou sur le front et l'abandonne au milieu de la rue, me retourne après quelques pas et la vois saluer Carla et ma mère au loin, puis elle tourne les talons et s'en va.

Cette dernière image d'elle tourne en boucle dans ma tête depuis. Je sais que j'ai pris la bonne décision. Cependant, j'ai peur qu'elle ne me revienne pas. Mon futur bonheur est entre ses mains. 




Publié le samedi 20 avril 2024

J'espère que vous n'êtes pas trop déçues. 

Pour vous redonner un petit peu le sourire, il y a un tout dernier chapitre demain. 

A demain ! Bon week-end ! 

L'appart du Troisième (nouvelle version)Where stories live. Discover now