PARTIE I - Chapitre 17

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JOYEUX LUNDI DE PÂQUES À TOUTES !

Le chapitre arrive avec un petit jour de retard, week-end de Pâques en famille oblige... J'espère que vous avez passé un bon moment 😌

Comme promis, voici le chapitre 17 ! L'un de mes favoris 😍 Vous allez vite comprendre pourquoi 🤣

Après, on ne s'enflamme pas, les filles 😆 On est sur un slow burn, gardez encore un peu vos culottes, c'est pas pour tout de suite... (Et là, je sais que vous avez vraiment envie de savoir pourquoi je vous dis ça 🤓)

Profitez-en bien et rendez-vous dans les commentaires 😉 Bonne lecture !

***

De retour au château, l'esprit nettement plus clair, je me dépêche de traverser les appartements de réception pour rejoindre les autres dans le jardin à la française où se sera servi le dîner aux chandelles. Une fois sur la terrasse, je m'appuie un instant contre la pierre froide du garde-corps pour jeter un regard circulaire sur la foule qui s'amasse entre les topiaires et les parterres géométriques, au milieu desquels a été installé une longue table ovale. Émerveillée par ce qui s'étend sous mes yeux, je prends une minute pour admirer le décor féérique, parfaitement orchestrée par Ernest.

Au centre de la tablée, autour de laquelle le couvert a été dressé, s'étend un luxueux surtout de table en argent massif, flanqué d'une paire de chandeliers assortis, sur lesquels se consomment de jolies bougies en cire gaufrée, tandis qu'un peu partout dans l'espace, des torchères figuratives ont été allumées pour donner à l'ensemble une ambiance séculaire et chaleureuse.

Sans exception, les invités, affublés de leur plus belle tenue de soirée, discutent dans un joyeux brouhaha, verre ou petit four à la main. Pas de doute, nous sommes bel et bien en présence d'une noblesse et d'une aristocratie fortunées où la qualité des pédigrées s'affronte au même titre que les admirables réussites professionnelles. Ici, tout le monde fait plus ou moins partie de la même sphère, mais leurs rapports ne sont jamais tout à fait exemptés de compétition, de snobisme ou de fatuité.

Me rappelant soudain la « banalité » de ma tenue, je baisse la tête pour analyser ma robe bon marché ainsi que ma paire de baskets élimées, songeant un instant à faire demi-tour pour passer la soirée dans ma chambre.

Tu ne fais pas le poids, ma p'tite.

Agacée par mon manque d'assurance, je serre les dents, résolue néanmoins à ne pas me laisser guider par mes insécurités. Après tout, je suis qui je suis et me fiche d'appartenir à ce milieu qui n'est pas le mien. Je n'ai que vingt ans, que pourrait-on me reprocher ? J'ai à peine eu le temps d'exister alors que l'on m'accepte ou non, peu importe. Je n'ai rien à prouver à qui que ce soit.

Revigorée par mon petit discours, je descends rapidement les marches avant d'atteindre le bas de l'escalier. Cependant, alors que je m'apprête à m'avancer pour me joindre à la foule, je suis stoppée en plein élan par l'écho d'un petit éclat de rire masculin. Charmée par le son légèrement rauque de ce dernier, je tourne la tête pour découvrir l'identité de son propriétaire mais n'aperçoit personne.

C'est alors que j'entends clairement la voix de Térence au-dessus de ma tête. Par réflexe, je lève les yeux et avant que je puisse prendre une nouvelle inspiration, je vois apparaitre sa silhouette en contre-haut. Toujours accompagné de Jehan, je le regarde s'avancer vers la balustrade de la terrasse pour s'y appuyer tandis qu'à ses côtés, son ami y pose carrément ses avant-bras.

Alors que je devrais déguerpir pour leur laisser l'intimité qu'ils sont visiblement venus chercher à l'écart des autres, je recule précipitamment pour me cacher dans l'ombre de l'escalier, le cœur battant et l'âme hardie.

Paniquée par l'éventualité d'être prise sur le fait (et peut-être aussi un peu trop enthousiaste à l'idée d'espionner leur petit tête-à-tête...), je pose ma main sur mon plexus pour tenter d'apaiser mes frissons d'excitation.

Fébrile et grisée, le dos plaqué contre les feuilles rêches de la vigne vierge, je me fais toute petite avant de me hisser sur la pointe des pieds tout en tendant l'oreille pour essayer d'attraper quelques bribes de leur conversation.

— Ne sois pas ridicule, le tance vertement Térence, manifestement agacé par quelque chose que vient de lui dire Jehan. C'est encore une enfant.

Ce dernier lâche un petit ricanement, pas dupe pour un sou, alors que mon échine se crispe inexplicablement.

— Une enfant avec un cul d'enfer et des jambes incroyables...

— Pour l'amour du ciel, je te rappelle que tu es marié, grogne-t-il sombrement en réponse. 

— Et alors ? J'ai des yeux pour voir, mon vieux. Je suis peut-être marié mais je sais encore reconnaître une belle fille quand j'en vois une.

Cette fois, c'est au tour de Térence de rire alors que mon esprit carbure déjà à plein tubes, tirant des conclusions dans tous les sens, sans comprendre la signification exacte de leur échange. 

— Tu ne changeras jamais.

— Je suis un homme et ça ne te ferait pas de mal de te souvenir que tu en es un aussi.

Les oreilles assourdies par les battements désorientés de mon cœur, le reste de leur conversation s'estompe peu à peu pour laisser place au bordel tumultueux de mes pensées.

À première vue, j'ai bien conscience qu'il parait terriblement présomptueux de croire que celle « au cul d'enfer et aux superbes jambes » n'est autre que ma petite personne. Ils pourraient parler de n'importe qui, j'en suis bien consciente. Pourtant, je connais mon instinct et il ne me trompe jamais.

Même si mon prénom n'a pas été prononcé, je sais, au fond, qu'il s'agit de moi et je ne pourrais pas être plus vexée d'apprendre qu'il me considère comme « une enfant ». Sérieusement ? Je suis jeune, certes, mais je n'ai rien d'une vierge effarouchée !

— Elsa !

La voix mélodieuse d'Olympe me tire brusquement du capharnaüm de mes états d'âme et surprise par son intervention, je sursaute en redressant la tête et en retombant brutalement sur mes talons.

En la voyant remonter l'allée bordée de massifs taillés, je réalise avec embarras l'image que je dois lui donner. Mais surtout, je me mets soudain à craindre que les deux autres l'aient entendu et se rendent ainsi compte que j'étais là depuis le départ.

Ne souhaitant pas aggraver davantage ma situation, je réagis au quart de tour et sans lui laisser le temps de me rejoindre, je m'élance rapidement à sa rencontre. Le feu aux fesses, je fonce droit devant, tout en me retenant férocement de jeter le moindre regard derrière moi, malgré tout convaincue de sentir le poids du regard de Térence dans mon dos.

Lorsque j'arrive enfin à sa hauteur, je suis tout de suite frappée par l'originalité de sa tenue. Le corps enveloppé dans une robe bustier, courte et bouffante, confectionnée en tulle rose vif et perchée sur des sandales argentées à talons aiguilles, elle ressemble comme deux gouttes d'eau à une barbe-à-papa.

— Tu es enfin sortie de ta tanière ! s'exclame-t-elle, affable, en posant sa main baguée sur mon épaule.

Les narines chatouillées par les effluves fleuries de son parfum, je hoche la tête, le corps encore raidi par l'adrénaline, avant de rétorquer :

— Je t'avais dit que je viendrais.

Elle m'adresse un grand sourire qui fait briller ses jolis yeux puis après avoir détaillé rapidement ma mise, elle emprisonne doucement le bout de mon menton entre ses doigts pour m'examiner d'un regard appuyé mais appréciateur, presque maternel. 

— Tu es si jolie, Elsa, c'est une injustice pour toutes les autres.

Gênée par la spontanéité sincère de sa flatterie, je sens mes joues devenir écarlates et murmure un « merci » à peine audible. Ce n'est pas la première fois que l'on me complimente sur mon physique mais quelque chose dans sa façon de le faire me touche particulièrement. Peut-être parce que c'est une femme plus âgée, jolie et racée de surcroit, et que, d'après ce que je sais d'elle, elle ne donne jamais dans les faux-semblants.   

— Tu vas rendre les hommes complètement fous..., ajoute-t-elle d'un ton énigmatique, comme une prémonition qui n'attend pas de réponse.

Perplexe, je la dévisage sans savoir quoi dire mais très vite, elle retrouve son sourire et sa bonhomie naturelle avant de passer son bras sous le mien pour m'entrainer vers le cœur de l'action.

— Tu vas voir, je suis sûre que tu vas t'amuser ! D'après le plan de table, tu es assise entre Jehan que tu connais déjà et Hubert de Lassée, un type vraiment adorable et hilarant.

N'ayant pas songé une seconde que le dîner puisse être placé, je déglutis, peu rassurée à la perspective de devoir tenir une conversation avec quelqu'un que je ne connais ni des lèvres ni des dents.

Et voilà que mademoiselle Insécurité est de retour...

En dépit de mon anxiété grandissante, Olympe ne me laisse pas le temps de m'apitoyer sur mon sort et avant que je puisse me laisser déborder par mes angoisses, elle me tend une coupe de champagne puis nous mêle à un petit groupe dans lequel se trouve Henri, le cousin des Alayone. Rassurée de reconnaître un visage familier, mes épaules se relâchent et je m'autorise enfin à apprécier le moment.

Un long instant plus tard, je constate que les invités commencent doucement à s'installer. Toujours flanquée d'Olympe, nous finissons par suivre le mouvement et après avoir trouvé ma place, je pose enfin mes fesses sur ma chaise.

Placée à l'extrémité gauche de la grande table, je prends une minute pour admirer la majestueuse composition florale posée en son centre, la verrerie éclatante en cristal de Baccarat ainsi que la vaisselle en porcelaine chinoise de la Compagnie des Indes Orientales.

Soufflée par l'excellent état de conservation de cette dernière, je me retiens de justesse de retourner mon assiette pour en analyser l'estampille. Ce n'est évidemment pas l'envie ni la curiosité qui me manque pour m'exécuter, mais mes bonnes manières, aussi frustrantes soient-elles, me l'interdise formellement.

Cela serait du plus mauvais goût, même moi, je le sais.

Très vite, le fameux Hubert prend place à mes côtés et aussi naturellement qu'il est possible de le faire, il se met à m'adresser la parole avec une aisance et un sens de l'humour qui me fait oublier ma propre pusillanimité. Peu après, Jehan finit également par nous rejoindre, s'unissant d'emblée à notre discussion, alors qu'à droite et à gauche, les derniers convives s'empressent de rejoindre les derniers sièges vacant.

Après un petit moment à discuter ensemble, je laisse mes voisins de table se disputer joyeusement au sujet du dernier Grand Prix de Monaco et laisse mon regard dériver aux alentours. Distraite, je sirote tranquillement la fin de mon champagne, avant de repérer, aux abords du jardin, une armada de serveurs, assiettes à la main, prêts à servir l'entrée. Intriguée, je me demande alors ce qu'ils attendent pour le faire.

La réponse à ma question arrive dans la foulée lorsque Térence, que je n'avais pas vu s'installer, se lève face à l'assemblée. Immédiatement, les conversations se tarissent pour laisser place à un silence solennel, presque religieux. Tandis que sous les regards et sourires amicaux de ses invités, il entame un discours laconique mais plein d'esprit, je suis une nouvelle fois frappée par son charisme hors norme, aussi redoutable que fascinant. Hypnotisée par les inflexions sensuelles de sa bouche, je décroche rapidement, n'écoutant plus que d'une oreille.

Me considère-t-il réellement comme une gamine ? Ou était-ce un moyen de brouiller les pistes auprès de Jehan ?

— Aux Alayone, ces hôtes merveilleux dont ne nous sommes jamais déçus ! s'époumone un type en bondissant de sa chaise pour porter un toast, m'extrayant immédiatement de mes rêveries puériles.

Térence le remercie d'un geste de la tête tout en levant son verre avant de le porter à ses lèvres alors que d'emblée, le reste des invités l'imite, ravi de lui rendre également hommage.

Un instant plus tard, les serveurs entrent enfin en jeu, lançant officiellement le dîner et dans une atmosphère très bon enfant, beaucoup moins guindée que je ne l'aurai crue, malgré tout l'apparat ambiant, la suite se déroule sans heurts.

Après un repas arrosé des meilleurs vins et délicieusement composé de coquilles Saint-Jacques marinées au citron vert, de pigeons rôtis aux pêches, de nombreux fromages incroyablement parfumés et d'une farandole de desserts plus savoureux les uns que les autres, je suis à deux doigts de rouler sous la table. Je n'ai jamais rien mangé de plus exquis de toute ma vie mais si l'on me serre, ne serait-ce qu'un grain de riz de plus, je ne réponds plus de la bonne tenue de mon estomac.

Calée contre le dossier de mon fauteuil, j'écoute d'une oreille inattentive le récit du dernier voyage en sac à dos d'Hubert, les yeux fixés sur Térence qui, assis entre deux jolies femmes, les regarde rivaliser de coquetterie pour réussir à attirer son attention.

Est-ce toujours ainsi ? Après tout, qui ne réagirait pas comme elles en sa présence ? Combien de femmes autour de cette table aimeraient réussir à le faire sourire, à éveiller une quelconque émotion sur ce visage si magnifiquement énigmatique ? Tout un tas, j'en mettrai ma main à couper. Il faut dire que c'est une proie de choix et que, n'importe quelle fille, célibataire et ambitieuse, en ferait de même à leurs places, Antonina Mikhaïlovna Galitzine ou pas.

D'ailleurs, en parlant du loup, elle n'apprécie pas vraiment le spectacle. Assise à quelques sièges de son amant, elle mâchonne hargneusement un petit bout de pain, le regard débordant d'acrimonie, épinglé sur ses concurrentes. La pauvre... pas facile d'être la femme de l'ombre.  

Une fois les cafés servis, plusieurs invités se permettent de se lever pour aller fumer un peu plus loin quand d'autres changent spontanément de place pour aller discuter avec ceux qu'ils n'ont pas forcément eu le temps de voir jusque-là.

Abandonnée par Jehan et Hubert, je me lève à mon tour quand Olympe apparait à mes côtés en soupirant mélodramatiquement, son téléphone à la main.

— Tout va bien ? m'enquiers-je, soucieuse.

— Ce type me rend complètement folle ! s'emporte-t-elle aussitôt, les yeux rivés sur son écran.

Je comprends alors qu'elle parle de son correspondant et la curiosité piquée, je lui demande :

— L'un de tes prétendant ?

— Il aimerait bien ! siffle-t-elle dans un petit rire de gorge peu gracieux. 

Je souris en la voyant perdre sa sérénité habituelle. Visiblement, le type lui fait un sacré effet !

— Parce que toi, non ?

Elle grimace tout en tapant fiévreusement une réponse à un message.

— J'aimerais pouvoir te dire non mais cela serait faux.

Mon sourire s'élargit en comprenant la teneur sous-jacente de ses propos.

— Je vois, qu'est-ce que tu lui reproche ?

— Trop de choses mais pour faire court : il est américain, débauché, grossier, mal élevé, arrogant et beaucoup trop séduisant pour ma santé mentale !

Surprise par la chute, j'éclate de rire.

— Eh bah, sacré personnage !

Elle glisse un regard vers moi et en découvrant mon expression hilare, elle lâche un petit gloussement nerveux.

— Je suis désolée, finit-elle par s'excuser, contrite. Il a le don de me mettre hors de moi.

Alors que je m'apprête à lui répondre, Ernest surgit sur ma gauche, me coupant dans mon élan. Surprise par cette arrivée soudaine, je pivote dans sa direction alors qu'Olympe me lance un regard inquisiteur.

— Mademoiselle, s'incline ce dernier avec majesté avant de me tendre une petite enveloppe blanche sans rien ajouter de plus.

Prudente, je la lui prends des mains mais avant que je puisse lui poser des questions, il fait volte-face et disparait aussi vite qu'il est apparu. À côté de moi, ma voisine se rapproche, manifestement impatiente d'en savoir davantage alors qu'entre mes doigts, le papier vélin semble soudain peser une tonne.

Je ne suis pas idiote, je sais pertinemment d'où provient le pli, ou plutôt de qui, et si Olympe n'était pas pendue à mon épaule pour en découvrir le contenu, cela fait longtemps que je l'aurai déjà décacheté. Seulement, je ne sais pas ce qu'il contient et je ne voudrai pas que la cousine de Térence s'imagine des choses qui n'existent pas. L'a-t-il signé ? Le message est-il compromettant ?

Bon sang, Ernest n'aurait pas pu attendre que je sois seule pour me le donner ? À croire qu'il l'ait fait exprès pour me mettre dans la merde ! 

— Alors ? Qu'est-ce que tu attends ? Ouvre-là ! s'impatiente Olympe, désormais toute excitée.

Croisant intérieurement les doigts pour ne pas tomber sur un truc préjudiciable, je retourne l'enveloppe, les mains légèrement tremblantes, puis la déchire. À l'intérieur, nous découvrons une petite carte sur laquelle est indiqué, en lettres manuscrites à l'encre noire, un seul mot ou plutôt, une heure : 

Nos Nuits de JuilletWhere stories live. Discover now