— Je t'ai attendu, ajoute-il en relevant la tête. Je pensais que tu me ferais part de ta rencontre avec l'héritier dès ton retour.

— Que pourrais-je te dire qui ne  t'a pas déjà été rapporté ?

Mon ton accusateur était peut-être un peu trop poussé car Thibault grimace en se balançant d'une jambe sur l'autre. Je ne suis pas bête. Le chevalier espère par ses commérages obtenir les faveurs du roi, priant sans doute que celles-ci mènent jusqu'à une union avec sa fille. Thibault est le genre d'homme à considérer la parole d'une femme autant que celle d'un coyote. Il faudra qu'il apprenne à se méfier, les premières griffent autant que les seconds.

— Je croyais que cette rencontre avait pour but d'ouvrir les négociations, tranche Afélis. Est-ce vrai ? As-tu provoqué l'héritier ?

— Provoqué ?

Ma voix part dans les aigus tandis que je pointe mon index vers mon plexus. Je n'arrive pas à en croire mes oreilles.

— Réponds à la question Mira. Pourquoi ne t'es-tu pas simplement comportée comme une dame ?

Le froid a disparu, remplacé par la chaleur de ma colère. Je pose mes deux mains à plat sur la table et me penche vers le roi, cherchant à capter ses yeux en même temps que son attention.

— L'héritier s'attendait à rencontrer un homme, et non une dame, je crache. Il m'a traité de putain devant ses hommes en baissant sa garde comme si rien ne pouvait l'atteindre ! Il a vu quelqu'un de fragile au lieu d'une femme de pouvoir et la nouvelle de notre faiblesse doit déjà faire le tour du royaume d'Afthonia, exaltant leur peuple plus encore que l'espoir d'aboutir sur des négociations favorables !

— Tu aurais dû rester à ta place.

— Ma place d'héritière du royaume d'Ilios. C'est de cette place qu'il s'agit, et c'est pour cette raison que je n'ai pas courbé l'échine quand cet homme détestable m'a insulté !

— Princesse, si je peux me permettre...

Je me retourne vers Thibault avant qu'il puisse finir sa phrase :

— Non, vous ne le pouvez pas. Votre langue perfide dessert le royaume et, milles coyotes... mes yeux sont plus haut !

Comme s'il prenait conscience de son regard mal placé, le soldat hausse les épaules sans éprouver la moindre honte.

— Thibault. Laisse-nous.

— Majesté, le contredit l'intéressé, plus insistant que jamais. Il convient de parler de la marche à suivre, surtout après la missive que le roi Yvris vous a fait parvenir.

— Je souhaite échanger avec ma fille. En privé. Mes ordres te parviendront par la suite.

Je souris, heureuse de voir Thibault déçu de devoir quitter la pièce. Il fait une timide révérence à son roi, jette un coup d'œil malvenu à ma poitrine avant de se détourner et quitter la pièce d'un pas exagérément lent.

— De quelle missive parle-t-il ? je demande à père une fois que l'homme a franchi la grande porte.

Afélis tapote son torse à l'endroit où, je suppose, se trouve la lettre du roi d'Afthonia.

— Elle m'est parvenue peu avant ton réveil. Le roi nous fait part de l'erreur de jugement de son fils et justifie son comportement par la sensation d'avoir été dupé.

— Dupé ? je répète en prenant place face à père.

— Il dit que l'héritier pensait que tu n'étais pas ma fille, mais une parfaite inconnue envoyée pour faire diversion. Je ne peux pas lui reprocher, mes écrits ne laissaient pas entendre que l'héritier se trouvait être une héritière.

MIRABILISWhere stories live. Discover now