PARTIE I - Chapitre 16

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— Et celui de sa femme et de son fils, mais ce n'est pas le sujet. Pourquoi leur devez-vous de l'argent ?

On y est. L'heure de passer aux aveux est arrivée et cette fois, je ne peux plus y échapper. Pas si je tiens un minimum à ma peau. Acculée, je prends mon courage à deux mains et dans un soupir mélodramatique, je commence à lui relater les raisons de cet emprunt inconsidéré.

Sans temps mort, ma langue se délie et avec une sincérité déconcertante, je n'omets aucun détail : la mort de mon père, l'irresponsabilité de ma mère, les menaces de la banque, mon souhait de conserver ma maison d'enfance, l'aide de mon cousin, le montant de ma dette, l'intimidation constante de László et mes tentatives infructueuses d'y échapper.

Tout au long de mon monologue, il m'écoute avec une attention accrue, sans s'étonner ni m'interrompre une seule fois et lorsque mon récit se termine enfin, je réalise, le souffle court, que j'avais pratiquement arrêté de respirer. Largement soulagée d'avoir vidé mon sac, ma poitrine se dilate, permettant ainsi à mes poumons de reprendre pleinement leur place.

Pensif, il m'étudie avec minutie, le regard insondable. À quoi peut-il bien penser ? Est-il encore plus furieux qu'il ne l'était déjà tout à l'heure, maintenant qu'il sait qui je suis réellement ? Anxieuse, je sens mon cœur se soulever dans l'attente, incertain de savoir à quelle sauce il va être cuisiné.

— Léandre est-il au courant ?

Sa question tombe finalement comme un couperet, me rappelant brutalement la réalité de ma relation avec son frère. Non, il n'en sait rien et pour des motifs déjà évoqués, je tiens à ce que ça le reste. Va-t-il exiger de moi que je le lui dise ?  

— Non, bien sûr que non et je préférais qu'il ne le sache pas.

— Pour quelle raison ? s'étonne-t-il en plissant le front. Je pensais que les jeunes de votre âge se disaient tout.

— Je ne veux pas le mêler à toute cette histoire, me justifié-je en tirant machinalement sur l'ourlet de ma robe. La situation est déjà suffisamment humiliante comme ça...

Instinctivement, ses yeux suivent mon geste et finissent par atterrir sur le haut de mes cuisses nues, puis sur le reste de mes jambes, les détaillant avec un attrait furtif mais appuyé qui enflamme aussitôt ma peau. Étourdie par cette soudaine démonstration d'intérêt, j'incline doucement ma tête sur le côté, pitoyablement excitée par l'idée qu'il puisse aimer ce qu'il a sous le nez. 

— Et pourtant, vous êtes venue vous cacher ici, chez lui. Décision plutôt risquée, vous ne trouvez pas ?

Stupéfaite par l'assertivité de sa question, je redresse vivement la tête. Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire ? Croit-il sincèrement que tout était prémédité depuis le départ ? Dans quel but ? Piquée par ses insinuations injustes aux accents d'accusations, je me raidis, braquée et dans un souffle exaspéré, je riposte :  

— Ce n'était pas calculé si c'est ce que vous entendez et puis, comment aurais-je pu imaginer qu'ils réussiraient à me retrouver dans ce trou paumé ?

Prise par la fougue de mon irritation, mes mots se bousculent sur mes lèvres avec un mépris qui me surprend moi-même. Cependant, s'il est blessé par ma réflexion, il n'en montre rien. Comme d'habitude.

— Allons, Elsa, ne soyez pas si naïve, me sermonne-t-il avec une certaine suffisance. Quand on pactise avec le diable, il faut s'attendre à tout. Qu'espériez-vous trouver ici ? Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais en Sologne, l'argent ne pousse pas dans les champs.

— Je vous remercie pour la leçon de morale, Monsieur Je-sais-tout, mais je n'avais pas vraiment le choix ! objecté-je en levant les mains et les yeux au ciel. C'était soit accepter l'invitation de Léandre, soit finir au fond d'un trou. Et, au cas où vous vous inquièteriez encore pour votre argenterie, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles, je suis peut-être naïve mais je ne suis pas encore une voleuse.

Nos Nuits de JuilletWhere stories live. Discover now