Prologue

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Alors ça y est. Il avait senti venir cette conversation depuis plusieurs mois sans pour autant vouloir la provoquer, au contraire. Ce n'était pas qu'il avait envie que cette situation perdure ou que cette situation lui convenait, il avait simplement manqué de courage et avait préféré marcher sur des œufs plutôt que de se retrouver dans cette situation tout en sachant qu'il ne pouvait que faire reculer l'inévitable. Il observa Alice se déchirer sous ses yeux, passant des cris aux larmes d'une seconde à l'autre, il la connaissait assez bien pour dire qu'elle était simplement fatiguée. Epuisée de notre quotidien. Son manque de réaction ne devait pas non plus être étranger à ses réactions extrêmes. Il restait là, prononçant parfois quelques mots sans qu'ils ne soient les bons. Il avait conscience que son manque de réaction était blessant mais il n'arrivait pas à agir autrement, malgré tous ses efforts il ne pouvait qu'observer cette scène de loin, comme s'il n'était pas concerné, comme si son esprit avait quitté son corps pour observer la situation à distance. Et puis, finalement, les derniers mots qui pendaient aux lèvres des deux individus.

C'est terminé.

C'est terminé. Le temps s'arrêta, Alice le regardait, attendant une réaction, une question qui lui demanderait qui allait garder le chat ou même une revendication qui la suppliait de rester mais rien. Il la dévisagea longuement, enregistrant le moindre détail de son visage, le grain de beauté au-dessus de ses lèvres, ses yeux noisette. Les voir si rouge lui brisa le cœur mais il resta l'étranger qu'il avait été pendant toute cette conversation et resta immobile le temps qu'elle se décide à quitter leur appartement, le temps que le soleil se couche, le temps que la nuit s'installe. Et puis soudainement il se réveilla dans son lit avec les mêmes vêtements que la veille sans se souvenir de comment est-ce qu'il s'était déplacé jusque dans la chambre, sans savoir quand est-ce que son esprit avait repris possession de son corps. Il resta allongé sans bouger, son regard oscillant entre le vide et les branches de l'arbre qui frappaient contre la fenêtre, son cerveau alternant entre bons et mauvais souvenirs. Il reconnaissait volontiers ne pas avoir été le petit-ami attentif dont elle avait besoin et, sans le lui reprocher, il ne pouvait pas non plus dire qu'elle avait été la petite-amie compréhensive dont il avait besoin.

Lorsqu'ils s'étaient rencontrés au lycée, ils formaient pourtant un tout et bien qu'ils avaient mis plus d'une année à se trouver, ils n'avaient été ensuite plus question de se lâcher. Les années étudiantes avaient été encore plus intenses. Ils avaient bien essayé au début d'expérimenter la vie solitaire dans leurs studios mais ils avaient rapidement ressenti le besoin vital d'être collé l'un à l'autre. A quel moment ça a déconné ? Le début de leur vie active avait été similaire à leur quotidien d'étudiant excepté leur appartement plus grand et l'adoption de Kat un peu plus tard. Quel nom stupide, d'ailleurs où est-il ? Il observa autour de lui mais il n'y avait aucun chat dans la pièce, il se concentra sur les sons de l'appartement mais rien non plus. Elle l'a déjà embarqué ? Il adorait son chat et bien qu'il fût profondément attaché à lui, Alice avait, lui semblait-t-il, toujours insisté pour dire à quel point il la préférait. Est-ce que ça a commencé à cause du chat ? Ridicule, je ne vais pas mettre ça sur son dos. C'était quand même tentant. Tout décharger sur ce pauvre animal, ne tenir personne pour responsable, ne pas se détester, ne pas s'entretuer. Se dire simplement qu'il n'y avait plus d'amour et que tous les efforts du monde n'y auraient rien changé. Ils étaient autrefois des âmes sœurs, ils avaient grandi et puis sans prévenir ils étaient devenus des êtres qui ne se correspondaient plus. C'est aussi simple que ça. Simple mais douloureux.

Il entendit la porte s'ouvrir mais ne bougea pas pour autant, les branches de l'arbre frappaient toujours à sa fenêtre. Des bruits de pas firent le tour de l'appartement, allèrent jusqu'à la fenêtre de la chambre, maintenant on entendait le vent fouetter les feuilles. Il s'installa à même le sol pour pouvoir faire face à son ami.

Farewell, AliceWhere stories live. Discover now