Chapitre 36 - Chez Anna

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L'appartement d'Anna était comme camouflé derrière des haies d'aubépines, de telle sorte que, de la rue, on ne s'imaginait pas que quelqu'un vivait là.

- allez c'est bon ! On est tranquille ! On n'a pas été suivis ! J'ai fait des détours et j'ai couru ! Personne n'aurait pu nous filer !

- Anna tu parles comme une délinquante ou une reprise de justice ! C'est bluffant ! On y croirait vraiment !

- Ben c'est parce que j'ai lu tellement de romans policiers que je connais plein de trucs ! Mais ça se passe en vrai comme dans les livres tu sais ! Quand t'as des problèmes avec la justice et qu'ils te tiennent, ils te lâchent plus ! Comme pour toi ! C'est des chiens affamés les flics ! Quand ils ont un os, ils le rongent jusqu'au bout !

- Anna ? Y a quand même un truc qui, moi aussi, me ronge (si je puis dire !) ...l'agent il a parlé d'autres corps dans la cave ! Mais j'y étais moi dans cette cave ! C'est vrai qu'il y avait une forte odeur de moisi, d'humidité, de siure, mais surtout de vin rouge ! Ça sent quoi un cadavre ?

- ohh ! François ! J'allais te proposer de te faire un sandwich au jambon et tu me parles d'odeur de cadavre ! C'est pas vrai !

- ah désolé !

- non c'est pas grave ! Ben je sais pas moi ! Je bosse pas à la morgue ! (Elle commença à faire les sandwiches en même temps)...ça doit sentir le corps en décomposition, je sais pas, des lambeaux de chair putrefiée, (dit-elle en ouvrant le paquet de jambon et en montrant les tranches flasques et roses qu'elle mettait sur le pain de mie).

- plus très frais ? Ah oui c'est sûr !

- Non pas "plus très frais ! " mais "putrefié", pourri quoi ! Ça doit ressembler à l'odeur d'une vieille carcasse de chien écrasé après que les mouches aient pondus dedans. (Elle ouvrit le pot de mayonnaise). Ça doit puer plus fort que des pieds pourris par la gangrène ! (Elle mit de la moutarde et du ketchup sur le jambon). Ou ça doit puer plus fort encore qu'un escarre de vieux tout pourri où on voit l'os à vif et la peau nécrosée autour ! ? (Elle découpa des tranches de tomates). Tu vois le truc ? Ou plutôt tu sens le truc ?! Un truc ignoble qui te fait gerber dix fois de suite tu vois ? Et elle tendit un sandwich dégoulinant de jus rouge de tomate et de ketchup et de morceaux roses de jambon. François, lui, était devenu tout vert tellement il se sentait mal !

- je vois... bien..merci.. je vois ce que ça peut sentir maintenant .. merci ...oui...c'est où tes WC ?

- là au fond à droite !

- merci ! et François courut vomir au toilettes !

- oh la petite nature ! Je sais pas moi ! Tu me poses une question, ben j'essaie de te répondre avec précision et force détails tu vois ?! C'est vraiment pour aider ! Anna ria de son humour glauque comme un petit diable et demanda :

- Ça va ?

- Moui...ça vaaarghhh ! Et il repartit à vomir !

- Bon moi je file à la douche ! Je sens la petite fille pas propre ! Beurk !

Quand François sortit, il n'eut pas envie de manger le beau sandwich qu'Anna lui avait préparé dans des conditions aussi répugnantes. Il souria en pensant qu'elle avait fait exprès de le dégoûter à ce point, juste pour le taquiner ! Il ne lui en voulait pas. Et en même temps qu'il pensait à elle, il découvrait avec curiosité ses affaires, son intérieur, son petit monde : une mini cuisine, un seul petit lit, un bureau recouvert de notes, de papiers, de feuilles, de stylos et des surligneurs de toutes les couleurs, mais surtout une tonne de livres ! Encore plus que chez lui ou que chez GéGé ! Une véritable mini librairie ! Beaucoup de bouquins étaient ouverts, et remplis de marque-pages.
Il vit aussi des livres qui étaient manuscrits, à demi corrigés, griffonés, annotés. Il fut très intéressé par eux. Ils formaient une pile à part, bien distincte du reste des autres.

C'était là son travail de bêta lectrice, de correctrice ! C'était comme ça qu'elle gagnait sa vie ! se dit-il intérieurement.

Quelle ne fut pas sa surprise quand il tomba sur ses deux ouvrages à lui ! Ses propres œuvres étaient passées entre ses mains expertes, au crible de sa correction rigoureuse et avaient été lues par ses jolis yeux. Il ne put s'empêcher de regarder. Il voulait savoir ce qu'elle avait noté, ajouté ou barré. Il prit sa première œuvre qui fut publiée sous le nom d'Émile. "Quel voleur celui là !" Se dit-il. Il vit dans son manuscrit plein de petits ❤ à différents endroits qui devaient lui avoir plus; des "wow" ou des "yes" griffonnés par moments, des morceaux entiers de textes entourés en rouge avec un smiley 🙂!
Et il pensa :

- Elle l'avait aimé ! Et plein de lecteurs aussi puisqu'il s'était bien vendu ! Mais personne n'a jamais su qu'il était de moi ce livre ! Quel dommage ! Le mérite est revenu à cet usurpateur ! Bien fait pour lui !
Mais comment faire comprendre au public que c'était moi l'auteur, le vrai ! Quel bazar !

Il fut intrigué par des questions écrites en marge au crayon au crayon :

de Emile ? Vraiment ?
Style encore changé !
Quelqu'un d'autre ?
Quel écrivain incroyable celui- ci !
Top ! A garder !
Ok pour publier !
OK éditeur
futur Best seller !

Et il vit son deuxième manuscrit, celui qui contenait les fameux messages codés, les poèmes en forme de S.O.S. Il l'ouvrit et retrouva les mêmes annotations d'affection pour l'œuvre que dans le premier, mais il vit plein de points d'interrogation et d'exclamation autour de ses messages qui étaient entourés de plein de traits rouges ! Beaucoup de questions étaient griffonnées dans la marge :

pourquoi est-il enchaîné ?
Qui est-il ?
Qui peut écrire des si belles choses ?
Il est incroyable !
Il faut le sauver des griffes de GéGé !

Mais surtout, et là il eut le souffle coupé, il tomba sur cette note qu'elle s'était faite pour elle-même, et que personne d'autre n'aurait dû lire :

Il faut le sauver !
LUI !
Il est pas comme les autres ! LUI !
Ne le laisses pas mourir !
LUI !
Pas celui-là !
NON !!!!

Montez !Where stories live. Discover now