Prologue

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THEY FACED DEATH AS AN ADVENTURE

Les mêmes chiffres se pourchassent depuis deux heures dans ma tête, tournant en boucle sans jamais s'arrêter.

334... 334... 334...

Déjà 334 jours que je me lamente sur mon sort... 334 jours que je n'ai pas eu une seule pensée positive, autant de jours où je n'ai pas souris.

Je ne connais plus les valeurs du temps, de la douleur et de la solitude. C'est juste un tout, une seule et même souffrance, de laquelle je ne peux séparer les éléments.

Et lorsque j'arriverai au chiffre C, ce fameux 365, alors cela fera un an, un an  tout pile que mon cœur n'aura plus trouvé une seule bonne raison de battre et de continuer à me maintenir en vie dans un monde que je déteste. Un an occupé à attendre patiemment que je passe de l'autre côté, du côté sombre, à mon tour.

Je suis comme un fantôme. J'erre dans mon corps devenu trop grand pour moi. Je tourne en rond, je m'ennuie, je déprime. Je ne porte plus que du noir, au dedans comme au dehors. Mes yeux sont sombres, dénudés de sensations. Ils ont perdus leur éclat ce jour-là. Et ils ne le retrouveront jamais. Ce sera trop tard lorsque j'oublierais cette souffrance qui me poignarde le cœur à chaque mouvement.

Les gens se moquent sans cesse, rigolent de ma personne, de mon chagrin, mais une barrière bloque les mots, comme une fenêtre bloquerait la pluie. Je ne fais même pas attention. Moi aussi je me moquerais de moi, si je pouvais me voir. Moi aussi je me dénigrerais et chuchoterais au passage de cette affreuse personne que je fais. On a tous forcément été la personne que l'on déteste.

Je me fiche de ce qui m'arrive. J'en suis responsable, après tout, je me laisse aller. Mais parfois, c'est épuisant, de ce dire que l'on attend un jour qui n'est symbolique que pour nous. C'est fatiguant, d'attendre alors qu'on pourrait juste en finir maintenant, et que personne ne s'en rendrait compte.

Mais le plus éprouvant là-dedans, c'est de ne pas pouvoir faire une nuit complète de sommeil. Je me réveille en pleine nuit. Jamais désorientée, jamais perdue, puisque ma vie n'est plus qu'un trou noir sans importance, et je dois m'en débarrasser au plus vite.

« Je n'ai pas peur de mourir. » Beaucoup de gens disent cela, mais sincèrement, très peu le pense. Moi, je le pense. Je suis très sérieuse sur ce sujet.  C'est peut-être fou, et ça peut sembler exagéré. Mais c'est simplement que je n'attache pas tant d'importance que ça au petit cœur fébrile qui bat au fond de ma poitrine.

Je suis découragée.

On a cherché à s'excuser, à me dire qu'on était désolé pour tout ce qui était arrivé. Mais qu'est-il réellement arrivé ? La réponse est simple. Il a disparu. Du jour au lendemain. Il m'a abandonnée dans ce monde de fou auquel je déteste appartenir.

Vous savez ce qu'est la liberté ? C'est penser, faire, vouloir, vivre comme l'on veut, où l'on veut, et avec qui l'on veut.

Mais en vérité, nous ne sommes jamais libres.

J'étais bien avec lui. Je me sentais vivante. C'était la seule personne à m'aimer réellement. Pas la seule à me  le dire, mais la seule à le penser  pour de vrai. Entre nous, il n'y avait jamais de malentendu. C'était comme un frère, mais j'étais plus proche de lui que cela, maintenant je le sais. Ce n'est qu'une fois que les personnes vous lâches que vous vous rendez compte à quel point elles vous maintenaient en vie.

Sur mon corps, il y a des marques. Je n'en ai pas honte. J'ai arrêté de faire ça. Ca fait trop mal, et soyons clair, ça ne change rien. Pourtant, cela restera toujours un peu. Comme un mot, une souffrance, une douleur, gravée là, dans ma chair tendre comme dans une pancarte en bois, indiquant simplement au premier passant : "tuez-moi, je n'attends que ça".

334...

Plus que 31 jours. Dans 31 jours, je meurs à nouveau, mais cette fois, c'est pour toujours, pour de vrai.

Il voulait que je vive pour lui, je l'ai fait, j'ai essayé. J'y ai mis toutes mes forces, toute mon énergie. Mais j'en ai plus qu'assez. Peut-être que je ne suis pas faite  pour ça, simplement.

Mais maintenant, sortez-moi de là, aidez-moi, je vous en supplie.

Dans 31 jours, je pars pour le rejoindre. Peut-être qu'il m'attend, peut-être pas. Peut-être qu'il m'a oublié, et si c'est le cas, j'ose dire tant mieux. Je sais qu'il me déteste, et que s'il m'entend penser, il me détestera encore plus. Il  m'a fait promettre de ne pas mourir pour lui, il disait que personne ne mérite de mourir pour quelqu'un d'autre.  Mais qu'est-ce que j'y peux, moi ? Et surtout, n'est-ce pas ce qu'il a fait ?

Peu importe, je suis seule maintenant. Les gens ont cessés de faire attention à moi en tant qu'humaine. Je suis juste un souffre-douleur, qui a d'ailleurs déjà bien souffert.

Je ne suis rien de mieux qu'un fantôme. Les gens passent à mes côtés sans me voir – sauf lorsqu'ils se moquent, ils regardent à travers mon corps, comme si le fait d'être rongée par les remords suffisait à me tuer aux yeux des autres.

Aujourd'hui, c'est la rentrée. Mais ça n'a pas grande importance. En fait, c'est une journée grise et lisse, comme toutes les autres.

Je n'ai pas de résolution, je veux juste encore tenir 31 jours, même si je rêve intérieurement de me faire renverser par un camion d'ici là, ou bien de tomber de la fenêtre. Mais chacun ces souhaits.

Je vais changer totalement de camarades de classe, et avec les chances que j'ai, je vais me retrouver à coup sûr dans la classe d'un de ces abrutis sans cervelle, uniquement capable de critiquer tout ce qui ne lui ressemble pas.

Je suis au fond d'une salle de classe, seule dans la pièce. J'ai presque un quart d'heure d'avance et alors ?

Mes cheveux noirs tombent devant mon visage et alors ? Je les ai teints parce que le blond était trop joyeux, trop pétillant, et alors ? On ne voit plus mes yeux, on ne sait jamais comment je vais, ni qui je suis réellement et alors ? Je pense que la vie est un jeu, et alors ?

C'est vrai, après tout. C'est comme un Monopoly. Tout le monde joue pour gagner, mais si tu triches, tu vas en prison, et les gens t'oublie, te renie, et tu cesses de prêter attention au jeu. Et puis si tu gagnes, tu es heureux. Ou bien tu perds, et tu ne l'es plus.

Ce n'est pas dur de se représenter la vie ainsi, c'est juste impensable pour vous.

Je veux juste être quelque part d'autre, peu importe où. Ce ne sera jamais pire qu'ici.

334...

365 Jours avant la Mort - [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant