Chapitre 55

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Luzraël était un garçon vraiment bizarre. Il cachait des choses très sombres, j'en vais parfaitement conscience. Et je comptais bien découvrir tous ses secrets...

Je me levai à l'aube. Je n'avais que très peu dormi, mais une fois que j'étais réveillé, il était impossible que je me rendorme.

Trù grogna lorsque je le secouai.

- Debout, lui dis-je. Debout, Trù !

Il ne se leva pas et, dans une attitude provocante, cala un peu mieux son menton sur ses énormes pattes.

Je poussai un long soupir, puis haussai les épaules.

- A ta guise.

Et je sortis dehors, hors de la tente étouffante. Dehors, il faisait aussi sombre qu'en pleine nuit. Portant, je savais qu'il était l'heure de se lever.

Je jetai un coup d'œil de l'autre côté du feu qui se consumait. La tente de Rosessa et Luzraël était encore là. Bien. Très bien.

Luzraël ne pourrait pas me laisser ici. Il était obligé de m'emmener avec eux.

Ils n'étaient pas encore réveillés. J'avais si mal dormi que je les aurais entendus, s'ils s'étaient levés. Et puis, le petit Lulu avait veillé tard, hier soir. Il avait besoin de repos.

Je m'assis sur une pierre et attendis. J'attendis longtemps, longtemps... Je finis par compter les cailloux sur le sol, tête baissée.

Puis, sans que je m'y attende, une voix s'éleva :

- Déjà debout ?

Je levai les yeux vers Luzraël.

- Il semblerait, oui.

Et je rebaissais la tête pour compter les cailloux. Je sentis son regard sur moi.

- Tu fais quoi ?

- Rien qui te concerne, répondis-je sèchement.

Un silence s'installa. Je relevai la tête pour l'observer.  Il avait les mains dans les poches. Je remarquai que j'avais souvent pris cette posture, au lycée. Pour être décontractée, l'air je-m'en-fiche-de-tout.

- Quand part-on d'ici ?

Il s'assit face à moi, lentement.

- Quand je l'aurais décidé.

- Et tout le monde t'obéit toujours, en général, quand tu donnes des ordres ?

Une froideur prit place dans son regard, lorsqu'il me regarda plus attentivement.

- Quand j'ordonne, on exécute, dit-il.

J'acquiesçai lentement, avant de ricaner, la tête renversée en arrière.

- Un jour, tu trouveras quelqu'un qui te résisteras, grand Lulu...

Il serra brusquement les poings.

- Ce n'est jamais arrivé. Et crois-moi, si quelqu'un ose me résister, ne serait-ce qu'une seule seconde, il le payera de sa vie.

Je l'applaudis lentement, très lentement. Il me jeta un regard noir.

- Tu ne gagneras jamais contre moi, Luzraël, déclarai-je.

- Je te demande pardon ?

- J'ai dit : tu ne gagneras jamais contre moi, répété-je, en prenant soin d'articuler chaque mot.

- Alors je te tuerai, prononça-t-il.

Je me levai, incapable de rester en place alors qu'il parlait de ma mort potentielle.

- Le problème, Lulu, c'est que tu ne pourras pas mettre tes menaces à exécution. Car, comme tu l'as toi-même dit, tu ne peux pas me tuer.

Il se leva à son tour, me faisant face.

- Quel âge as-tu réellement, Luzraël ?

- Pourquoi me poses-tu cette question ? contra-t-il.

- Tu es un tueur, et pourtant, tu parais avoir mon âge...

- Il n'y a pas d'âge pour tuer, ricana-t-il.

Je serrai les dents.

- Quel âge ?

Il croisa les bras.

- J'ai 18 ans moins 184 jours.

- Et tu as déjà tué...

- Effectivement, oui.

Je le dévisageai avec horreur.

- Et tu n'as aucun remord ?

Il esquissa un sourire narquois.

- Aucun. J'aime tuer, comme certains aiment lire. C'est une activité tout à fait plaisante et...

- Tu me dégoûtes profondément.

- Oh, pauvre petit ! Tu es choqué, Éthéas ?

- En effet, je suis choqué. Quel âge avais-tu quand tu as commis ton premier meurtre ? Et c'était pour quelle raison ?

Il leva la tête vers le haut, ses yeux noirs fouillant le ciel noir.

- Je devais avoir une dizaine d'années, peut-être un peu moins. Quelqu'un m'avait bousculé. Et je n'aime pas ça du tout. La deuxième personne, c'était quelques jours après ça, parce qu'on m'avait manqué de respect. Ensuite, c'était...

- Ta liste de meurtres ne m'intéresse pas le moins du monde, l'interrompis-je brusquement, en levant une main entre nous, telle une barrière qui me protégerait des horreurs de ce garçon qui avait le même âge que moi.

Je m'avançai vers Luzraël, et me plantai devant lui.

- Et qui est le prochain sur la liste ?

Son sourire s'élargit.

- Tu es lent à comprendre, Éthéas. Le prochain, bien sûr, c'est toi.

Le Monde Interdit T1 [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant