Chapitre 11 - Solitude

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   Ce navire qui était si loin que je ne voyais qu'un point à l'œil nu

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   Ce navire qui était si loin que je ne voyais qu'un point à l'œil nu... était-ce celui qui avait terrorisé Corail ? Pour l'instant, rien n'indiquait qu'il s'agissait de Chasseurs de Sirènes. Ce n'était peut-être qu'un bateau qui travaillait pour le Gardien des Eaux, titre confié au chef des Nelistes. Quoi que soit ce navire, mon amie avait bien fait de se cacher : le moins on la voyait, le mieux c'était, d'autant plus s'il s'agissait de croyants.

Je me redressai, me rattrapai de justesse au mât, et me déplaçai prudemment jusqu'à la poupe. Reprenant la barre, je reprenais aussi mon rôle de navigatrice. Histoire de paraître crédible.

Je saisis la longue-vue et jetai un œil vers le navire, situé à l'Est. Ils étaient loin, avec leur brick, mais ils avançaient assurément plus vite que mon petit voilier. J'espérais que les vents me permettraient de dépasser rapidement leur position. Après tout, ils semblaient dévier légèrement de ma direction, sans doute pour se rendre à Isda, la capitale.

Les mots de Neven me revinrent à l'esprit.

« Couvre-toi dès que tu peux. Plus tu te fais petite, mieux c'est. En tant que femmes, on n'a pas le choix pour être laissées tranquilles. »

Je réajustai la capuche pour couvrir entièrement mon visage. Elle avait terriblement raison. Les gens se permettaient des choses avec une femme qu'ils n'oseraient même pas penser avec un homme. Une femme était considérée comme plus faible, mais aussi plus fragile. Si elle était à protéger, elle était aussi facilement destructible – bien sûr, selon ce que les hommes, et uniquement les hommes, tonnaient. Une femme pouvait devenir une sirène à sa mort, alors, mieux valait l'instruire le moins possible. La plus bête elle était, la plus facile elle serait, le cas échant, à attraper. Une femme devait donc se contenter de s'occuper de ses proches, de sa maison. Après tout, il fallait bien lui trouver une quelconque utilité. Mais bien sûr, rien de trop glorieux. Imaginez que la femme se sente... honorable. Et qu'à sa mort, en sirène, elle veuille se venger de tous ceux qui étaient contre elle ! Imaginez qu'elle garde une rancœur contre les hommes !

J'avais toujours trouvé cette façon de penser ridicule. Plutôt que de nous tirer vers le haut pour réduire les possibilités de nous venger, ils essayaient plutôt de nous dominer. Je ne souhaitais la mort de personne, surtout depuis que je l'avais approchée de si près... mais si des hommes mourraient de la main de sirènes, je savais pertinemment que tous n'étaient pas innocents.

De ce fait, me faire discrète, notamment en mer, un endroit sensible pour une femme, était primordial. S'il le fallait, j'apprendrais à parler avec une grosse voix sans jamais montrer mon visage. Si je devais renier qui j'étais pour pouvoir vivre normalement, je le ferais.

Je ne pus m'empêcher de penser que Neven était courageuse. Elle, elle ne cherchait pas à se cacher. Au contraire, elle jouissait de sa vie en tant que femme, et elle ne se planquait derrière personne. Elle avait beau être une pirate, elle était sans aucun doute un bel exemple d'émancipation pour les femmes comme nous.

Le vent mugit dans mon dos et les voiles gonflèrent. Je rejetai un œil avec ma longue-vue. Ce navire déviait, il ne me cherchait pas. J'étais sauvée.

Tout en continuant ma traversée, je récupérai ma longue-vue pour observer le navire qui passait derrière mon humble voilier. Plusieurs hommes se trouvaient à bord, j'en comptais au moins trois. Ils étaient vêtus de vêtements chauds, sans doute pour leur survie en mer, toujours avec le symbole neliste. Des sacs informes étaient entassés et soigneusement ficelés dans un coin. Je ne parvenais pas à voir grand-chose d'autre, et je ne voulais pas paraître suspicieuse en me levant.

Je plissai les yeux pour essayer de percevoir quelques détails intéressants, mais rien ne sortait de l'ordinaire. Non, définitivement rien. Dans tous les cas, ils n'avaient pas remarqué Corail, sinon j'aurais déjà été poursuivie et chassée, tout en étant traitée d'hérétique.

Vivement qu'ils soient suffisamment loin pour que mon amie reparaisse. Comme nous n'avions aucun moyen de communication et que je ne pouvais pas sonder les eaux au vu de ma qualité d'humaine, je me demandais toujours si elle rencontrait des problèmes sous l'eau. Si c'était le cas, elle ne m'en avait jamais parlé – je n'avais, par exemple, pas l'impression que des prédateurs tels que les requins l'ennuyaient.

Néanmoins, les dernières révélations de Corail à propos des Chasseurs nelistes étaient inquiétantes. Elle avait pu lutter à la tentation de les rejoindre la première fois mais était-ce un simple coup de chance ou de volonté ? En tout cas, n'ayant aucun moyen de savoir où elle se trouvait, j'avais toujours peur qu'elle disparaisse à jamais dans les profondeurs. J'avais surtout eu ces sensations lors des premières semaines à ses côtés. Quand elle était en retard de quelques heures voire jours, je pensais qu'elle m'avait abandonnée ou qu'elle avait trouvé une humaine plus apte à l'aider.

D'ailleurs, je ne savais pas exactement comment l'aider. C'était étrange de demander si une jeune femme était morte en mer il y a quelques années. Surtout si c'était moi, une femme, qui posais la question.

Corail et moi avions supposé qu'elle avait péri non loin de la Fosse des Tourments étant donné qu'elle s'était réveillée à côté. À moins que la zone où une femme mourrait n'avait aucune importance ? Puis, j'avais songé à d'autres possibilités : et si son corps avait été hué par les vagues pendant un moment avant de se transformer en sirène ? Dans ce cas-là, elle aurait pu mourir plus ou moins n'importe où, et connaître le lieu où elle s'était réveillée ne nous aidait définitivement pas.

La journée se déroula lentement. Cela faisait plusieurs heures qu'il n'y avait rien à l'horizon, mais Corail n'était toujours pas revenue. Ce n'était pas dans ses habitudes. Puis, j'avouais que me retrouver toute seule d'un coup m'effrayait. Je m'étais conditionnée à l'idée que je serais accompagnée par mon amie durant la traversée... alors cette solitude imprévue m'angoissait.

J'avais tenté de taper mon navire avec notre signal habituel, mais pas un signe. Je l'avais même appelée, criant des « Corail » face au large et aux vagues, mais le souffle timide du venet me répondit à peine. Lui était-il arrivé quelque chose de grave ? Pouvais-je l'aider d'une quelconque façon ? J'étais ignorante de sa situation et impuissante en tant qu'humaine. Cela me frustrait, mais je n'y pouvais rien. Je ne pouvais qu'espérer qu'elle reparaisse bientôt.

Le soir, je luttais contre la fatigue qui pesait sur mes paupières tout en tenant la barre. J'avais trop peur de m'endormir et de rencontrer des problèmes : courant, tourbillon, écueil... sirène.

Je devais rester éveillée coûte que coûte... mais comment pourrais-je me reposer, à ce rythme ? Fallait-il dormir au risque de me réveiller dans l'eau ? Ou bien faire la sieste, mais je n'avais personne pour me réveiller... enfin, je n'avais plus personne, plutôt... Comment faire ?

 Comment faire ?

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Les Embruns de la Vérité [TERMINÉ]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora