Chapitre 4 - Noah

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— Mais tu serais pas Noah Johnson ? T'es trop canon putain ! dit-elle en hurlant, bourrée plus que de raison et tenant à peine sur ses jambes.

— Ah non, mais on m'a souvent dit que je lui ressemblais ! Mais regarde là-bas, c'est Adam Johnson !

— Oh mon dieu, mais oui !

Elle se précipite vers mon frère en titubant. Ce dernier est en train de parler avec deux femmes. Classique. L'une a déjà la main sur son épaule et l'autre lui parle à l'oreille. Comme à chaque soirée, il va rentrer avec l'une des deux. Ou les deux. C'est déjà arrivé. Près de la piscine, une énième fille me tend un verre que je fais la grave erreur de boire d'une traite sans même vérifier son contenu. Le bruit, les gens qui courent autour de moi, l'agitation, les cris, la musique. J'ai besoin de calme. Surtout après une journée en studio. Le comble pour une star ? Ne pas aimer les bains de foule. Si ma mémoire est bonne, Zac a un grand jardin et une fontaine au bout. Je pourrais m'y poser un peu. Malheureusement, en m'approchant, j'aperçois quelqu'un déjà assis sur le petit banc en face de cette foutue fontaine. Tant pis, il va falloir partager. Mieux vaut une seule personne qu'une centaine.

— Salut, dis-je.

— Oh, salut, répond l'inconnue surprise.

— Je... Peux ?

— Oui, bien sûr, me dit-elle en se décalant pour me laisser de la place sur le banc étroit.

Nous nous asseyons côte à côte, sans bruit pendant quelques instants, admirant la fontaine faiblement éclairée par la lueur de la demi-lune.

— Qu'est ce que tu fais ici ? finis-je par demander.

— J'avais besoin de calme. Pour être honnête, je suis venue à cette fête pour faire plaisir à mes amis. Et toi ?

— J'avais besoin de calme aussi. Et moi, je suis là pour faire plaisir à mon frère.

Je distingue très mal son visage dans le noir, mais je perçois un rictus. Visiblement, elle ne me reconnaît pas. Ou elle ne le fait pas remarquer. C'est plutôt agréable.

— Tu t'appelles comment ? tenté-je.

— On est vraiment obligés de faire ça ?

— De faire quoi ?

— Le schéma classique « tu t'appelles comment », « tu fais quoi dans la vie ».

Je ne m'attendais pas à cette réponse plutôt déstabilisante, mais ça me plaît. Tout comme elle, je n'ai pas envie de parler de moi, de dire mon prénom et encore moins mon nom ou ce que je fais dans la vie.

— Dis-moi un truc sur toi que personne ne sait, enchaîne-t-elle. C'est quoi ton plus grand secret ?

— Et pourquoi je dirais ça à une inconnue ?

— Justement parce que je suis une inconnue... On ne se reverra probablement jamais et je ne pourrais révéler ton secret à personne.

— Et si jamais on a envie de se revoir ?

— Alors on gâcherait tout, rit-elle.

Je laisse passer un instant de silence en réfléchissant à ce que je pourrais lui dire.

— J'ai perdu la personne la plus importante à mes yeux.

— Oh... J'en suis désolée.

Sans tourner sa tête, et hésitant une seconde, elle finit par poser sa main sur la mienne. C'est dur à dire, mais ça fait du bien de l'exprimer à voix haute pour la première fois. Je me rends compte qu'avec la tournure de ma phrase elle va penser qu'elle est morte. C'est peut-être le cas. Et ce peut-être me gâche la vie. Ne pas savoir, c'est pire que tout.

— Et toi ? Qu'est ce que personne ne sait sur toi ? ajouté-je pour dissiper le malaise que j'ai créé.

Elle déglutit et reste un moment silencieuse.

— J'ai un troisième téton, dit-elle très sérieusement.

Je ne réagis pas, laissant s'écouler quelques secondes. Percevant ma confusion, elle explose de rire. Un rire franc et bruyant, joyeux qui me rappelle d'ailleurs le rire de Maïlys.

— Excuse-moi, dit-elle encore hilare. Je voulais détendre l'atmosphère.

— Bah c'est réussi, réponds-je en joignant mon rire au sien.

— J'ai chaud, pouffe-t-elle en utilisant sa main comme un éventail tout en tentant de reprendre son souffle.

— On n'a qu'à se baigner.

— La piscine est blindée, on peut pas faire une brasse sans se prendre un sein siliconé dans la tronche.

Cette fois c'est moi qui ne peux m'empêcher de rire.

— Dans la fontaine, ajouté-je.

— Elle doit être gelée, t'es fou !

— Ah, on se dégonfle à ce que je vois ?

— Alors là, c'est mal me connaître.

Contre toute attente, elle se lève, enlève ses chaussures, déboutonne sa robe et la jette sur le banc. Je ne distingue que son ombre, mais je comprends très vite qu'elle attend que je fasse de même. L'obscurité et l'alcool aidant, je me lève à mon tour et retire ma chemise, puis mon pantalon. Nous nous approchons de la fontaine ensemble et montons sur le petit rebord, morts de rire, mais pas de froid. L'air de cette belle nuit d'été, chaud et doux, me pousse à faire des choses que je n'aurais pas faites en temps normal.

— Allez, à 3 on saute, dis-je perché sur le rebord de la fontaine, 1...2...

— ...3 ! finit-elle en me poussant dans l'eau.

La fontaine étant plus profonde que ce que je pensais, je suis trempé jusqu'aux hanches. J'aurais dû m'en douter.

— Traîtresse ! lancé-je en riant.

Elle se met à courir dans l'herbe à côté de la fontaine. Je la poursuis et manque de glisser à plusieurs reprises, mais finis tout de même par la rattraper. Tout en l'entendant me crier de ne pas faire ça, que je vais le regretter et tout le baratin habituel, je la mets sur mon épaule et saute à nouveau dans la fontaine avec elle. Trempés, un peu bourrés et hilares du ridicule de la situation, nous nous lançons dans une guerre aquatique à base de lancers d'eau, de glissades et de courses poursuites. L'eau est froide comme prévu, mais je m'amuse. Et tout comme danser et boire, ça faisait longtemps que ça ne m'était pas arrivé. Entre la pression que je me mets pour la sortie de mon nouvel album, les concerts, les différents évènements mondains, les rencontres avec mes fans, ces six derniers mois ont été plus qu'intenses. Malheureusement, la sonnerie de mon téléphone resté sur le banc vient interrompre ce précieux moment. Je sors de la fontaine à contrecœur, me sèche les mains avec ma chemise et décroche.

— Je suis désolé, dis-je à l'inconnue qui, entre-temps, est sortie de l'eau elle aussi. Je vais devoir te laisser, mon frère veut rentrer. Il s'est fait vomir dessus, pouffé-je.

Elle rit elle aussi et finit par me dire :

— Au revoir alors, bel inconnu.

J'hésite un instant à lui redemander son prénom, mais me ravise en devinant qu'elle trouverait forcément une parade pour éviter de me le donner. Elle restera l'inconnue de la fontaine. Et ça me va. Pour une raison qui m'échappe, j'embrasse sa joue mouillée et pars rejoindre mon frère, un peu triste de laisser derrière moi un si bon moment. 

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