Chapitre 1 - Point mort

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Pieds nus, je parcourus la plage à partir de laquelle un long ponton en bois avait été construit. Plusieurs voiliers patientaient, voguant en silence, amarrés à des pieux enfoncés dans le sable. Ceux-là étaient surtout utilisés pour pêcher aux alentours de l'île et pour se déplacer plus facilement vers nos agricultures. Un navire bien plus imposant se tenait à côté, traversé par des hommes qui descendaient des sacs d'or et des caissons de bouteilles invendues aux villes et villages avoisinants. Celui-là était utilisé pour commercer. Iridieu était réputé pour sa culture de l'alcool, particulièrement de rhum.

J'avançai à grands pas vers la grotte en partie immergée alors que le soleil se couchait. Cette caverne humide parsemée de mousse était devenue le point de rencontre régulier de Corail et moi.

Je me dirigeai vers le sac que j'avais caché dans la grotte depuis quelques temps. J'y laissai toujours de quoi grignoter car nos discussions duraient longtemps, surtout les soirs où je ne travaillais pas, comme aujourd'hui.

Courbée, j'avançai à petits pas en tâtonnant dans la pénombre jusqu'à toucher un tissu abîmé. Je m'installai sur le coussin qui couronnait le rocher normalement bien trop inconfortable pour mon fessier, face au plan d'eau salée devant moi. Le sol sablé de la grotte formait une pente douce qui terminait dans la mer. Les parois de ce trou marin étaient couvertes de roches aiguisées, mais elles semblaient à peine effleurer les écailles de Corail qui m'assurait ne rien sentir quand elle les heurtait.

J'attrapai un morceau de bois abandonné et tapotai avec un rythme précis : une fois sur un rocher sous l'eau, cinq fois à la surface, le tout répété quatre fois, en terminant par un coup sur une pierre. Il n'y avait plus qu'à attendre.

Je m'installai mieux sur mon coussin et m'adossai aux roches qui picotaient mon dos et mes bras dénudés parfois parcourus de frissons. Même si les soirées de juillet étaient chaudes, elles étaient loin d'être étouffantes, particulièrement lorsque l'on habitait près de la mer et de ses vents.

Cela faisait deux mois que j'avais rencontré Corail. Deux mois que je tentais de grappiller des informations à son sujet. Elle m'avait confié qu'elle s'était réveillée sous forme de sirène il y a deux, trois ans, environ. Alors, j'avais questionné autour de moi. Questionné si des personnes étaient mortes en mer, dans les parages... Bien sûr, les habitants me regardaient désormais avec méfiance. Mourir en mer ne faisait allusion qu'à une chose : les sirènes ! J'étais déjà un drôle d'oiseau à leurs yeux car je ne priais plus – pour ne pas dire que je n'y croyais plus – alors s'ils imaginaient que je m'intéressais à ces créatures marines... c'en était fini de moi.

À vrai dire, j'entendais des bribes de conversations. On demandait pourquoi je restais autant près de la mer. Si mon père était au courant. Pourquoi je disparaissais régulièrement du village. Pourquoi je ne priais plus. Pourquoi j'étais telle que j'étais.

Les Embruns de la Vérité [TERMINÉ]Where stories live. Discover now