Chapitre 1 - Andréa

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Je déteste le jeudi soir.

Pourquoi tant de haine me diriez-vous ? Rien qu'à cause de cette fichue solitude.

Je scroll Instagram et me mange en pleine face la vie trépidante des milliers d'étudiants de l'UCF (Université Centrale de Floride). Rabattant la couette sur ma tête je lâche un grognement de frustration. Non pas que je ne puisse pas m'y rendre, on n'a pas vraiment besoin d'invitation pour entrer dans ce genre de soirée, le problème étant plutôt que je ne veux pas.

Bon, alors, de quoi je me plains ? D'autres diront que j'ai choisi ma vie d'asociale. Pour autant la douce FOMO (Fear Of Missing Out) ne me lâche pas la grappe.

J'ai toujours été plus ou moins casanière. Préférant la compagnie de mes livres à celle des êtres humains. Mais après deux ans de vie étudiante, la pression sociale se fait de plus en plus ressentir. Non pas que la face de cadavre du vendredi matin dont me gratifient la plupart des élèves toutes les semaines me donne envie.

Je me libère de mes draps, les envoyant presque par terre, et pose mes pieds sur la moquette élimée de ma chambre étudiante. Mon regard sur pose sur le lit défait de ma colocataire répondant au doux nom de Victoria Torres. Une paire d'escarpins gît sur un tapis à la couleur douteuse et je compte au moins 5 tenues étalées sur le matelas. Je grimace de dégoût en entendant la sonnerie de mon téléphone. Pour sûr, j'ai invoqué le démon. Je me saisis du rectangle des horreurs et ouvre le snap de Tori.

Une quantité astronomique de quésadilla, nachos et autres spécialités mexicaines jonchent une table assez longue pour accueillir une bonne douzaine de personnes. Je soupire en lisant le commentaire inscrit sur la photo :


« Il est encore temps de ramener tes jolies fesses et de t'enfiler tout le guacamole de tante Rosa. »


Je lève les yeux au ciel et ouvre le chat pour lui taper ma réponse :


« Arrête de parler de mes fesses en plein milieu du repas. »


Elle commence à écrire avant même que j'appuie sur le bouton envoyer.


« Sans rire Andy, ça fait deux ans que je te saoule avec mes repas de famille, tout le monde aimerait te rencontrer en vrai. »

« Laisse tomber Torres, pas moyen que je m'inscrive dans votre secte. »

« Primo, j'ai ton postérieur en visu chaque matin depuis 777 jours je peux donc très objectivement t'affirmer qu'il est splendide. Deusio le repas n'a pas encore commencé, je t'envoie une voiture dans moins de dix minutes alors remue ton popotin suprême et habille-toi. »


Je sais que ça ne sert à rien de répondre, autant qu'elle sait que je ne mettrai pas un seul orteil à l'extérieur de ma chambre ce soir.

Je reprends place entre mes cousins moelleux et fait défiler les stories Instagram trop vite pour en voir le contenu. C'est la même chose toutes les semaines depuis deux ans, des gens qui dansent, boivent et sourient pour les caméras. Je me demande combien d'entre eux sont réellement heureux de vivre cette vie-là. En tout cas, même si bon nombre semble le regretter le lendemain matin, cela ne les empêche pas de recommencer la semaine suivante. Peut-être est-ce le fait que ça soit interdit à moins d'avoir atteint l'âge magistral de 21 ans qui suscite autant d'engouement. Allez savoir.

Je jette un coup d'œil à l'horloge murale en forme de chat qui siège au-dessus de notre porte. Si je ne me trompe pas, Jase devrait venir tambouriner à ma porte d'ici deux minutes et quarante-sept secondes, je lui refilerai un paquet de car en sac que je planque sous mon lit et il repartira aussi sec sans demander son reste. La routine.

When it rainsWhere stories live. Discover now