1er avril, Saké et Fleurs De Cerisiers.

Où l'oeuf trouve enfin une utilisation farfelue

C'était une belle soirée de printemps, avec une lune pleine et ronde illuminant la nuit, et un vent tiède qui amenait les fleurs de cerisiers jusqu'à la terrasse où ils étaient alanguis. Watanuki avait sorti le kimono de Yuuko, celui qu'elle portait le premier jour de leur rencontre, et il buvait silencieusement à sa mémoire en ce premier avril. Domeki savait qu'il n'arriverait pas à le distraire suffisamment pour qu'il puisse profiter pleinement de son anniversaire, aussi se contentait-il de boire son saké en admirant la vue. Watanuki arborait cette expression devenue si familière, et que Domeki détestait intérieurement, cet air mélancolique et lointain, qui le faisait paraître à des milliers de kilomètres de lui. Cela faisait maintenant quelques années qu'ils se connaissaient tous les deux, partageant plus qu'ils n'auraient crû possible de l'être pour deux lycéens aux caractères si opposés.
Domeki pensait au passé, ressassant tout ce qu'ils avaient vécu ensemble depuis qu'il était devenu le binôme de ce crétin, incapable de se débrouiller sans finir blessé car impliqué dans des bourbiers avec les yokais. Il en voulait toujours à Yuuko d'avoir abandonné son « ami » en disparaissant soudainement, et qu'il ait choisi de l'attendre, en reprenant son rôle si dangereux. Combien de fois avait-il eu peur de rentrer du travail et de trouver Watanuki mort ou presque, à cause d'un vœu mal formulé ou du paiement qu'il n'avait pas su réclamer correctement... Une centaine, si ce n'est plus ! Watanuki savait qu'il s'en faisait pour lui, et il essayait de le rassurer à sa façon, en balayant ses craintes d'un geste et lui cachant toutes ses blessures, que Domeki voyait pourtant au premier regard. Il avait appris à lire ses moindres gestes, ses mimiques et à décrypter son regard fuyant lorsqu'il savait qu'il souffrait mais ne voulait pas l'avouer. Sans Yuuko pour le morigéner, Domeki se sentait impuissant, ne pouvant que l'aider à panser ses plaies après qu'il ait fait des conneries dangereuses en souriant et disant que « c'est pas grave, ne t'inquiètes pas idiot ! ». Bien sûr qu'il s'inquiétait enfin !!
Domeki se redressa et vida la coupe cul sec, agacé par ses propres pensées. Il jeta un coup d'œil à Watanuki qui était toujours plongé dans ses idées malheureuses et l'envie de le tourmenter lui vint. Il en avait assez de se faire du souci pour lui constamment, il était temps de l'emmerder un peu afin qu'il paye pour toutes ses frayeurs ! Il tendit la main et prit la bouteille de saké pour s'en resservir, avant de boire à nouveau toute la coupe. Watanuki l'observa, intrigué.

- Qu'est ce que tu fabriques ?

- Je bois, tu ne vois pas ?

- Bien sûr que si, mais pourquoi autant ? D'habitude tu prends plus ton temps. On dirait un alcoolique à te voir ingurgiter si vite !

- Et toi, tu ne profites pas assez du fait que c'est ton PUTAIN D'ANNIVERSAIRE AUJOURD'HUI ! Alors, fais moi plaisir et bois, arrête de faire la tronche pour une fois !

Watanuki sursauta devant l'éclat de voix de son compagnon de beuverie, qui n'était jamais au grand jamais déstabilisé. Le voir en colère pour trois fois rien l'étonnait, et il se demanda ce qui clochait exactement chez lui. Domeki était censé rester calme en toutes circonstances, contrairement à lui qui s'agitait pour rien, même si depuis qu'il avait repris le rôle de Yuko, il s'était assagi. Il y avait anguille sous roche, et Domeki cachait quelque chose sous cette mauvaise humeur, il en était sûr !

- Je bois, regarde.

Watanuki attrapa la bouteille d'un geste un peu maladroit, emmêlant ses doigts avec ceux de Domeki, contact légèrement gênant qu'il mit sur le compte de l'alcool. Il se resservit pourtant, car il commençait enfin à apprécier la sensation de lâcher prise qui se diffusait dans son corps fatigué. Il se sentait nerveux et agité, et avait besoin de se détendre mais rien ne marchait, à part vider une bonne bouteille en mauvaise compagnie. Domeki l'observait intensément, un peu trop, ce qui l'agaça :
- Quoi encore ?