- Tu peux fermer tes yeux de mâle s'il te plaît ?

Après avoir terminé, je m'affale sur mon lit et ferme les yeux.

Quelques secondes plus tard, je sens un nouveau corps s'affaler sur le matelas. Je n'ai pas besoin d'ouvrir les yeux pour le reconnaître, son parfum le trahit déjà.

Oui, j'ai retenu son odeur..

Le silence me pèse alors, je décide de le briser. Histoire de faire la discussion.

- Pourquoi avoir déménagé ?

Je lui demande en ouvrant les yeux. 

Soudain, je sens son regard posé sur moi. Mon cœur bat un peu plus fort et cogne dans ma poitrine mais je laisse mes yeux fixés sur le plafond, pour ne pas perdre tous mes moyens.

- Mes parents se sont séparés il y a quelques temps et mon père avait besoin d'un nouveau départ. Là-bas, il y avait trop de souvenirs.

- C'est toi qui a choisi de vivre avec ton père ?

- Non, c'est l'assistante sociale qui a choisi. J'ai compris sa décision car, à cette époque ma mère avait quelques soucis de santé et elle n'aurait pas pu m'éduquer. De toute façon, j'ai toujours été plus proche avec mon père.

Je hoche la tête et Gabriel s'exprime une nouvelle fois.

- Ça lui fait du bien de rencontrer de nouvelles personnes dont ta mère avec qui, il a l'air de bien s'entendre.

- Oui j'ai remarqué ça aussi. Je sens que ça fait plaisir à ma mère, elle qui est de nature plutôt timide normalement, avec ton père elle a l'air plutôt à l'aise.

Pendant plusieurs minutes, personne ne dit rien mais ce n'est pas pesant.

- Et toi ? Tu habites ici depuis que t'es née ? me demande t-il.

- Et oui mais la ville commence à m'ennuyer quand tu vois toujours le même paysage depuis ta naissance.. Moi, le jour où je pourrai partir, j'hésiterai pas une seule seconde et je m'en irai.

- Et t'irais où ?

- Il y a tellement d'endroits qui m'envient et qui me fascinent. Je pense que je commencerais par la Grèce, ça a l'air fabuleux, je lui réponds en tournant à mon tour, mon regard vers lui.

C'est l'une des seules fois où je me sens vraiment écouté. C'est dingue hein ?

Mais c'est la réalité, chaque fois que je parle à ma mère, elle fait semblant de m'écouter. Je le sens et crois que je ne le vois pas. Ce que j'aimerais, c'est que des fois, elle pose ce qu'elle est en train de faire, qu'elle pose son portable ou qu'elle arrête de lire ce qu'elle pourrait lire plus tard, pour m'écouter. Que je la sente captivée par ce que je dis et qu'elle me réponde en me posant des questions ou en m'encourageant sur ce que je suis en train de faire. J'aimerais qu'elle me montre qu'elle est là. Je sais que ça n'a pas été facile pour elle lorsque mon père a quitté ce monde, qu'elle a dû endosser les deux rôles. Mais je ne lui demande pas de faire les deux, je veux seulement qu'elle agisse comme une vraie mère.

Il n'y a pas une seule fois où son regard ne m'a rien procuré. Je plonge dedans à chaque fois et c'est difficile de s'en détacher. Ses yeux bleus sont si intenses.

Soudain, sans que je prenne le temps de réfléchir, des mots sortent de ma bouche.

- J'ai toujours eu des vieux en face de moi alors, l'ennui était vraiment là. Mais depuis que t'es arrivé, tu as comblé cet ennui et, ça fait du bien.

Je vois de la surprise dans ses yeux qui disparaît dans la seconde d'après, laissant place à de la douceur et un sourire. Je ferme les yeux et le sommeil m'emporte. J'essaie de ne penser à rien en sachant que je regretterai le lendemain les paroles que j'ai prononcé.


Je me réveille en sursaut, je me tourne vers mon réveil.

4:55

Je soupire et quand je me retourne, je suis étonnée de voir qu'il est toujours là, à mes côtés.

Comment se fait-il qu'il soit toujours là ?

Pendant une minute, je m'accorde le droit de le regarder. Ses yeux sont décoiffés, sa bouche entrouverte, son tee-shirt est légèrement relevé laissant apercevoir le bas de son ventre bronzé.

La dernière chose que je remarque, c'est sa main posée sur ma jambe.

Son contact ne me dérange pas. Je me sens en sécurité à ses côtés même si ça ne fait que quelques mois que je le connaît. 

J'arrive à retrouver le sommeil, un sourire aux lèvres. Que je fais disparaître dans la seconde d'après, repensant à ma meilleure amie. Elle qui a l'air de l'aimer beaucoup.

Cependant, je décide de laisser sa main posée sur ma jambe.

AnnaWhere stories live. Discover now