Chapitre I

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- "Léore ! Viens aider ta mère à rapporter du bois s'il te plait, tu joueras avec ta poupée plus tard."

Monsieur Field n'eut pas le temps de demander une réponse de sa fille que celle-ci déboulait dans le salon, enfilant ses chaussures et attachant ses cheveux à toute vitesse pour rejoindre sa mère. Elle prit sur son chemin son panier en osier favori, fit une bise à son père et couru à travers les poules du jardin jusqu'à sa mère. L'attitude de sa fille faisait toujours sourire le bon Monsieur Field. Il repensait à ses premiers pas, encore très maladroits, à son premier vélo sans les petites roues, aux poules qui terrifiaient sa fille quelques années auparavant et qu'elle enjambait aujourd'hui avec une facilité déconcertante. Il se souvenait Ô combien il avait été heureux à la découverte de ce nouveau né déposé devant sa porte ce soir-là. C'était une de ces journées froides en hiver, celles où l'on se presse de rentrer à la maison pour se réchauffer près du poêle. Ils avaient, sa femme et lui, passé la journée à s'occuper de leurs bêtes et de leur ferme pour subsister à cet hiver qui s'annonçait glacial. Depuis l'arrivée de ce nouveau programme de naissance, les habitants du coin se sentaient quelque peu délaissés par le gouvernement. Tout comme tous les habitants du pays qui ne possédaient ni maison sur la côte, ni placements en bourse, ni voitures de luxe. C'était un petit peu comme ça que Monsieur Field voyait les gens qui avaient décidé de participer à cette lugubre expérience. Il ne comprenait pas non plus le choix de ses anciens voisins, d'avoir vendu leurs bêtes, leur maison et leurs terres pour aller s'entasser dans ces nouveaux quartiers et cette "nouvelle vie" qu'on nous vendait paradisiaque mais dont on ne savait rien. Certes la vie n'était pas facile ici, mais pour Monsieur Field, le travail des terres et la fierté de sa famille était le plus important. "Je mourrai près de ma femme et de mes vaches, et j'essuierai la sueur de mon front avec leur argent" disait-il lorsque la soirée était un peu trop arrosée. Appuyé sur le divan, la larme qui coulait le long de sa joue le fit sortir de son rêve, il mit alors ses bottes, pris sa hache, et alla rejoindre sa petite famille dans le jardin.

Monsieur et Madame Field avaient toujours rêvé de fonder une famille, mais ils n'en eurent jamais été capables. Après plusieurs années d'essai sans succès, les résultats des analyses étaient tombés. Madame Field, atteinte d'endométriose, ne pourrait jamais avoir d'enfants. Ses ovaires, attaqués par la maladie, n'étaient pas en mesure de créer des ovules viables. Cela avait été un véritable désastre pour le couple, un coup de poignard porté à leur rêve. Madame Field, d'un naturel très pudique, avait toujours dissimulé sa peine, souhaitant protéger son mari, qui se sentait complètement impuissant face à la situation. Puis il y avait cette colère qu'ils ressentaient tous les deux, une colère contre la maladie qui leur ôtait ce qu'il y avait de plus beau pour sceller leur amour. Ils ne s'en étaient jamais vraiment remis. La douleur était grande mais il fallait s'occuper de leurs bêtes, là était peut-être la seule famille qu'ils n'auraient jamais. Mais ce soir-là, ce fut comme une apparition, comme un miracle. Les cris de cet enfant, les pleurs de Madame Field quand elle ouvrit la porte et qu'elle le découvrit. C'était un signe des dieux. Après toutes ces années de souffrance silencieuse à se demander pourquoi elle n'avait pas le droit de goûter à la maternité, on pansait ses blessures en lui offrant le plus beau cadeau du monde. Voici comment Léore fut accueillie par ses parents. Comblés d'une joie retrouvée et d'un amour plus fort que jamais, Monsieur et Madame Field s'étaient tout de même demandé d'où pouvait venir cet enfant abandonné. Mais les temps étaient si durs et les famines tellement nombreuses qu'ils avaient pensé que sa famille génétique n'était peut-être pas en mesure de répondre à ses besoins.

Une fois arrivé dans le jardin, Monsieur Field aida sa femme et sa fille à porter les bûches jusqu'à la maison.

- Alors Léore, qu'est-ce qui te ferait plaisir pour ton anniversaire ? Dans quelques semaines tu auras 8 ans, tu es une grande fille à présent.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 26, 2023 ⏰

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