Chapitre I

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La nuit naissante enveloppait le paysage d'un hiver délicat. Dans le ciel désormais teinté de cramoisi, un ballet harmonieux de chauves-souris exécutait sa partition d'adieu au soleil. Le froid glacial était aussi redoutable que les sarcasmes perçants de la demoiselle maniant avec adresse son « Lady Smith ». Les températures négatives obligeaient chaque passant à s'envelopper soigneusement dans une épaisse doudoune, leur donnant à tous l'air de bonshommes de neige dévalant les rues pour échapper à la chaleur qui les ferait fondre. L'asphalte, quant à lui, n'était pas en reste et se couvrait également d'un manteau immaculé. La neige, abondante sur les routes, éblouissait les yeux, mais rendait chaque pas glissant et incertain.


Ainsi, le ciel dévoilait fièrement une beauté inégalée, avec l'horizon étoilé de milliers de joyaux scintillants. Pendant ce temps, l'astre solaire s'éteignait doucement, offrant à la lune un magnifique relais dans sa descente flamboyante. L'astre nocturne prenait alors le devant de la scène, rond et pâle, dégageant une beauté insolente qui scrutait tous ceux qui osaient la contempler. Voilà à quoi ressemblait une nuit d'hiver dans les environs.


Cependant, à Blue Cove, le calme qui régnait n'augurait pas une tempête imminente, une situation rare depuis longtemps. La neige, d'abord timide, tombait sans relâche, les flocons, portés par une brise légère, venaient se heurter aux fenêtres d'une somptueuse demeure en pierre, dont la façade révélait une faible lueur intermittente. Il s'agissait sans doute des flammes dansant dans l'âtre d'une cheminée. À l'abri de la neige, dans sa véranda, mademoiselle Parker, bien emmitouflée dans une épaisse couverture, se délectait du doux spectacle qui s'offrait à ses yeux. La jeune femme avait délaissé la cigarette et la bouteille de whisky au profit d'une tasse fumante de chocolat chaud qu'elle tenait fermement entre ses mains. Cette petite habitude était devenue un rituel réconfortant, capable d'exorciser les affronts d'une dure journée passée au Centre.


En la regardant ainsi, il était impossible de ne pas remarquer les changements survenus au cours des dix dernières années de traque. Son régime alimentaire avait été le premier à évoluer. Finis les innombrables paquets de cigarettes fumées à la hâte. Terminés les verres d'alcool, de préférence forts, bus tout au long de la journée pour apaiser son impatience et calmer son stress. Les tenues provocantes, suscitant désir et jalousie, avaient également été reléguées au passé. Toutefois, une chose semblait demeurer inchangée : l'amour inébranlable de la demoiselle pour les talons hauts, qu'elle portait avec audace en toute situation.


Assise dans son fauteuil en rotin, le visage levé vers le ciel, la jeune femme savourait ces petits moments d'une simplicité désarmante, teintés de nostalgie, qui lui faisaient revivre, ne serait-ce qu'un court instant, les souvenirs de sa mère et de tous les moments précieux partagés ensemble. Mais ces souvenirs s'éloignaient inéluctablement chaque jour, rendant l'exercice de plus en plus difficile. La demoiselle sortit de ses pensées lorsqu'un courant d'air lui effleura la nuque, la faisant frissonner. Elle ajusta aussitôt la couverture qui reposait sur ses épaules, puis vida d'un trait presque fébrile la tasse de chocolat encore fumante, laissant apparaître un sourire radieux sur son visage doux. Elle contempla à nouveau le ciel, espérant y apercevoir le passage fugace d'une étoile filante, avant de fermer les yeux pour faire un vœu, comme elle le faisait autrefois avec sa mère, sur cette même véranda, il y a de cela des années.


La neige persistait à tomber avec force, tandis que le vent se faisait un peu plus discret. Les températures restaient néanmoins bien en dessous de zéro, décourageant toute tentative de sortie sans être enveloppé de la tête aux pieds. Pourtant, l'inconnu poursuivait sa marche, avançant avec difficulté sur le trottoir désert de Mountain Spring Drive. Il connaissait suffisamment les environs pour se faufiler dans cette banlieue chic, malgré l'obscurité. L'homme fit une courte pause, soufflant dans ses mains pour tenter de les réchauffer, avant de relever le col de son long manteau jusqu'au menton. Il regrettait de ne pas s'être mieux couvert, ayant été naïf de croire qu'il pourrait résister sans encombre aux températures hivernales qui perturbaient la fausse quiétude de Blue Cove.

Under a starry night (sous une nuit étoilée)Where stories live. Discover now