Arriva le jour où sa mère contracta la maladie. Elle la voyait alors dépérir et sut bientôt que rien n'y ferait. Sa mort la dévasta. Elle n'eut d'autre choix que de quitter la ville, moralement inapte à exercer ses fonctions. Quelques jours de marche lui suffirent à regagner son village. Le désespoir qui y régnait à son arrivée la déchira plus encore. Plus de la moitié de ses habitants avaient péri, et elle apprit que son père et son frère avaient pris les armes pour défendre le Royaume de France face aux invasions anglaises. Elle regagnait le domicile familial et s'y cloitrait quelques temps. On ne tarda pas à frapper à sa porte, le retour d'un médecin ne passait pas inaperçu en ces temps difficiles. Elle refusa d'abord de répondre aux demandes de soin, de plus en plus nombreuses. Puis son sens du devoir finit par reprendre le dessus. Elle exerça de nouveau quelques années encore et, apprenant la mort de ses derniers proches au front, cessa son activité pour de bon.

Dès lors, elle se consacra à la seule confection de médicaments et élixirs. Pour se faire, elle revendit le domaine familial et s'installa à l'écart du village dans une modeste demeure. Elle y avait aménagé un laboratoire complexe qui occupait un tiers de la maison. La proximité de la forêt était idéale pour amasser quelques ingrédients, elle achetait tout le reste. Jouissant de sa réputation, les affaires allaient bon train et elle descendait régulièrement au village pour écouler ses marchandises. Les cas de peste se raréfiaient mais les maux de l'Homme ne disparaissaient pas pour autant.

*

De violents coups résonnaient dans la bâtisse. Une main gantée de fer martelait la porte en bois qui tremblait sur ses gonds. Une voix s'éleva de l'extérieur.

"Malenia Mire, nous savons que vous êtes là, ouvrez cette porte immédiatement ! Par ordre de Monseigneur de Maine-et-Loire Hugues le Juste !"

Réveillée en sursaut, Malenia quitta sa couche le cœur battant et enfila prestement un manteau pour couvrir sa semi-nudité. Elle actionna les loquets et tourna la clé sans toutefois retirer la chaine de sécurité : une femme seule n'était jamais trop prudente. Par l'entrebâillement elle distingua à la lumière de leurs torches deux chevaliers montés, ainsi qu'un émissaire descendu de son cheval.

"Madame, vous êtes priée de nous suivre immédiatement, vous monterez à mes côtés. Nous chevaucherons toute la nuit et arriverons dès l'aube."

Il lui présenta le document faisant acte de cette décision sur lequel paraissait le sceau officiel du Seigneur le Juste.

"Puis-je savoir de quoi il en retourne ?" répondit-elle, hébétée.

"Monseigneur est gravement malade, le médecin officiel est en déplacement, vous êtes la personne... compétente la plus proche. En effet, vos années de travail à Angers vous ont conféré une certaine renommée dans la région. Nous prions pour que Monseigneur guérisse mais son état ne fait qu'empirer et ses symptômes nous font penser à... "

"La peste n'est-ce pas ?" compléta-t-elle.

"Effectivement, nous sommes informés de votre cessation d'activité, néanmoins, cela ne vous enlève pas votre savoir" conclut l'émissaire.

Malenia demanda quelques minutes pour préparer un sac de premiers secours et ce faisant nota pour elle-même "Comment diable puis-je guérir cet homme s'il est atteint d'une maladie incurable ?".

*

La chevauchée nocturne fut éprouvante. Parvenus dans l'enceinte du Château de Châteaubriant, on la conduisit dans les appartements seigneuriaux dès qu'elle mit pied à terre. Les servants qu'elle croisait avaient l'air inquiet. Elle n'eut pas besoin qu'on lui indique la chambre, une odeur de putréfaction émanait de la pièce au bout du couloir. L'émissaire la laissa là et lui souhaita bien du courage.

Malenia (Nouvelle)Where stories live. Discover now