CINQ ACTES

Chapitre 20- Joshua.

Nora : Ensuite, si tu veux me parler de quelque chose que je ne dois pas dire à Sammy, c'est que ça le concerne

Nora : Et pour finir, ça crève les yeux

Nora : J'suis contente que t'aies enfin compris

Nora : Qu'est-ce que je peux faire pour t'aider ?

Je flirte avec lui ? Depuis quand ?

Moi : Je ne sais pas trop, en fait

Nora : Tu veux des conseils pour gérer Sammy ?

Cette fille me terrifie.

Moi : Non, pas besoin

Moi : J'ai juste peur de l'embrasser tout à l'heure

Nora : Mdrrr vous êtes deux à flipper du coup

Nora : Ça va bien se passer t'inquiète

Nora : Mets pas la langue pour pas le trauma stp

Nora : Mais on va au cinéma après, ça va être trop chouette

Elle aussi, elle change rapidement de sujet. Ce n'est pas pour rien que je les surnomme intérieurement "les jumeaux".

***

Il est quatorze heures dix-neuf. Ils vont arriver dans les dix minutes, et je stresse vraiment beaucoup.

La sonnette de la porte d'entrée manque même de me faire sursauter, je me lève de mon lit et descend lentement les escaliers. J'ouvre la porte pour découvrir Sam, seul.

— Nora arrive dans cinq minutes, me rassure-t-il immédiatement.

Je l'invite à entrer et referme la porte derrière lui. Il fait exactement la même taille que moi, je crois que je n'avais jamais fais attention à ça.

— Stresse pas trop, ça va aller. On est pas notés là, tout va bien, tenté-je.

Un faible sourire apparaît sur son visage.

— Je peux te poser une question ?

— Bien sûr, réponds-je en l'invitant à s'asseoir sur le canapé.

— Pourquoi tu souries jamais vraiment ?

Ouch.

— Parce que je complexe sur mes dents. Elles ne sont vraiment pas blanches et elles sont de travers.

— Montre, réclame-t-il doucement.

J'esquisse un sourire extrêmement maladroit.

Ce qui crée un véritable sourire sur son visage.

Il s'apprête à parler, mais la sonnette nous interrompt. Retenant un soupir, je me lève du canapé et vais ouvrir. Nora est là, ça veut dire que Sam et moi, on va vraiment s'embrasser. Que je vais l'embrasser.

Nora rejoint rapidement son meilleur ami qui ne semble pas dans un meilleur état que moi. Lui le montre, alors que moi je panique intérieurement, ne tenant pas trop à leur montrer ce que je pense actuellement.

Je les invite à monter dans ma chambre, - au cas où ma grand-mère décide d'abandonner ses amies de scrabble plus tôt que prévu - Nora me lance un sourire suggestif en s'asseyant sur mon lit, son téléphone dans la main.

— Faites pas attention à moi, je suis juste là pour que vous soyez pas trop gênés, lance-t-elle en mettant ses écouteurs.

OK. On est tous seuls maintenant.

J'attrape mon texte sur le bureau derrière moi et lui tends. Moi, je connais cette scène par cœur, car je l'ai relue au moins dix fois en les attendant, mais je ne sais pas si lui la connaît.

— Prend une grande inspiration, ça va aller, essayé-je avant de fermer les yeux pour me mettre dans mon rôle.

Il fait ce que je lui ai dit et baisse les yeux vers le texte pour lire la première réplique d'une voix mal assurée :

— Veux-tu vraiment prendre la fuite avec moi, Ambroise ?

— Avec qui d'autre voudrais-tu que je prenne la fuite ? Partons ensemble.

Je fais un premier pas hésitant vers lui, j'ai l'impression que mes jambes ont de moins en moins de force. Sam ferme les yeux quand mes mains se posent délicatement sur ses joues.

— Deux secondes maximum, c'est promis, chuchoté-je.

— D'accord...

Pour ne pas me laisser le temps de flipper plus longtemps, j'incline la tête sur le côté et je pose mes lèvres contre les siennes. Ses joues sous mes paumes chauffent délicatement, mes jambes flageolent, je plisse les paupières pour fermer davantage mes yeux.

Et je recule, une fois les deux secondes passées. Mes bras retombent le long de mon corps, je mets quelques secondes de plus à rouvrir les yeux.

— Comment tu te sens ? murmuré-je.

— Je crois que ça va...et toi ?

On s'est embrassés. Putain.

— Je crois aussi que ça va.

On s'est embrassés. Et ce n'était même pas réel.

— Nora, s'exclame-t-il en se précipitant vers elle.

Elle retire ses écouteurs et lui tapote doucement l'épaule. Je m'éclipse de la chambre, ressentant le besoin de m'isoler un instant, et me glisse dans la salle de bains. Mes joues sont rougies, je passe mon pouce sur mes lèvres.

Je fixe mon reflet dans le miroir et ressort de la salle de bains. Sam semble à nouveau normal, et j'espère que moi aussi.

— On va au cinéma du coup ?

Ma propre voix me paraît différente et anormale.

— Ouais, on devrait y aller, il y a quand même quinze minutes de route, réplique Nora. Ça va être trop chouette, j'ai hâte !

Heureusement qu'elle est là pour détendre l'atmosphère, elle va nous sauver la vie cet après-midi. Elle me lance un clin d'œil en profitant du fait que Sam ne la voit pas, je hausse les épaules, ne trouvant rien d'intelligent à rétorquer.