Chapitre 4.

1.1K 172 96
                                    

Cassandra n'avait pas la moindre idée dans quoi elle s'engageait. Courant à moitié derrière l'homme, elle haletait.

— Moins vite ! râla-t-elle en trébuchant à cause de ses talons hauts.

Il lui jeta un bref regard, mais ne ralentit pas le pas pour autant. Oh le bougre s'amusait de la faire trotter derrière lui. Ça devait bien faire dix minutes qu'elle lui courait après, il avait quitté la ville et si le chemin de terre était encore en bon état, son instinct lui soufflait qu'il n'allait pas tarder à s'enfoncer dans la forêt. C'était un changelin, sans aucun doute possible, et elle avait des talons elle n'allait pas faire long feu au milieu des feuilles et de la terre. Elle était une putain de citadine, les forêts ce n'était pas pour elle.

Comme prévu, il tourna soudain et s'engagea dans un petit sentier pédestre plein de racines et de boue. Cassandra poussa une petite plainte, consciente qu'elle venait de signer la mort de ses chaussures.

— Je n'ai pas assez de cardio pour ça, murmura-t-elle.

Mais Nikolai l'entendit puisqu'il se retourna vers elle, il marchait si vite qu'il l'avait distancé de deux ou trois mètres, preuve que les changelins avaient une bonne ouïe. Il la dévisagea de haut en bas et Cassandra sentit le rouge lui monter aux joues lorsque son regard s'attarda sur ses jambes nues et ses chaussures. Mal à l'aise elle se balança d'un pied à l'autre avec une grande envie de tirer sur sa robe, comme si ça pouvait cacher ses mollets.

Nikolai revint vers elle et elle fit un pas en arrière, pas réflexe. Cet homme était impressionnant quand il s'avançait d'un pas de prédateur déterminé vers elle. Sans lui laisser le temps de protester, quoique ça n'aurait pas changé grand-chose, il l'attrapa par la taille et la jeta en sac à patate sur sa large épaule.

Cassandra accusa le choque avec un petit cri de surprise qui se mua en gémissement mortifier quand sa grande main se posa sur... oh non, elle n'arrivait même pas à le penser, elle rougit tellement qu'elle devait désormais avoir la même couleur que sa robe. Comment... comment osait-il poser sa main sûre... sur... ses chevilles ? Le goujat !

— que... que faites-vous ? Reposez-moi ! glapit-elle lorsqu'il se remit en marche.

Sa paume chaude et calleuse entourait entièrement sa cheville droite pour la maintenir sur son torse et Cassandra devait faire un effort pour garder la tête dans le bon sens. Son chignon s'était défait quand sa tête avait cogné contre son large dos et elle avait du mal à respirer à cause de la position, ou alors c'était parce qu'il tenait ses chevilles dans sa main pour l'empêcher de donner des coups de pied.

— Vos chaussures ne sont pas faites pour marcher dans la forêt.

— Je,-mais-c'est... vous... oui mais...

Elle ne savait plus quoi dire, il avait raison, mais c'était tellement inconvenant comme situation ! Et il ne semblait pas vouloir faire la conversation, ce qui rendit le moment long et gênant. Nikolai la portait sans mal comme si elle ne pesait rien et il se déplaçait avec agilité dans cette forêt au chemin quasiment invisible, pour un homme de sa corpulence.

Ils finirent par passer une clôture en bois et entrer dans ce qui semblait être un jardin pour quelque chose dans ce goût-là. Il y avait un coin avec des bûches et ce qui semblait être un feu régulièrement allumé même s'il était pour l'instant éteint, et il n'y avait presque pas d'arbres, en tout cas de ce que Cassandra pouvait voir.

Nikolai fini par s'arrêter et une voix masculine, qui n'était pas la sienne se fit entendre, achevant tout à fait la combustion déjà bien entamée de Cassandra.

— Tu as pensé à acheter des clous, quand tu étais en ville ? fit la voix, sans sembler s'émouvoir du fait que son interlocuteur avait une femme inconnue sur l'épaule.

— Oui, j'ai aussi commandé des planches, il faudra aller les chercher demain, répondit d'une voix grondante son kidnappeur.

Pouvait-on parler d'un kidnapping quand on avait suivi la personne de manière volontaire ? Probablement pas.

Cassandra s'agita, chercha à battre des pieds, mais sa prise était trop forte et fini par donner un coup de poing dans son immense dos.

— Pose-moi, espèce de rustre !

— Ah, merde, je l'avais oublié, elle, grommela l'homme en lui lâchant enfin les chevilles.

Comment ça, oublié ? Maintenant que ses jambes étaient libres, elle fit mine de vouloir descendre par elle-même, mais quand elle commença à glisser il l'attrapa par la taille pour la maintenir contre lui.

— Oulà, je suis plus haut que tu le penses, va pas te casser quelque chose, râla-t-il en l'aida à mettre pied à terre.

Et en effet, il était très grand. Et très musclé. Cassandra s'empressa de remettre sa robe en place en s'éloignant, les jambes mal assurées.

— Ne refaites jamais ça !

— Je vais y aller, moi...

L'interlocuteur de Nikolai lui fit les gros yeux, l'air amusé et s'en alla, la laissant seule avec son ravisseur.

— T'empêcher de te casser une cheville ? suggéra-t-il l'air saouler.

— N-non ! Me jeter sur votre dos comme un vulgaire sac à patate, je suis une dame, vous ne pouvez pas faire ça et ... et ne toucher plus mes chevilles ça ne se fait pas ! rougit-elle.

— Vos... chevilles ?

Il posa son regard sur ses jambes.

— O-oui, vous n'avez pas le droit de toucher mes chevilles ! C'est... c'est intime, c'est privé, c'est réservé aux époux, aux fiancés et... aux amants.

Elle avait l'impression qu'elle allait mourir, bon sang comment en était-elle arrivée là ? Le regard qu'il lui lançait lui prouva qu'il ne comprenait pas du tout. Évidemment, c'était un changelin, il ne devait pas avoir de telle préoccupation. Mais l'éducation de Cassandra avait toujours été très stricte et elle n'aurait jamais permis à un homme de la toucher de la sorte. Certes, elle s'était fourvoyée, une fois, mais elle était jeune ! Et elle l'avait bien payé. Elle avait renoncé depuis bien longtemps à un beau mariage et à une vie bien rangée, à tout ce qu'elle avait toujours désiré et qu'elle avait perdu pour le frisson du danger. Ça ne l'empêchait pas de garder bien ancrée son éducation, et elle n'aurait jamais permis à un homme de lui toucher les jambes, même si ça n'avait été par nécessité. Les regarder, oui, les toucher, hors de question.

Il fit un pas vers elle et elle recula, paniquée.

— Aux amants, répéta-t-il d'un air curieux.

— P-parfaitement !

Il fit un pas de plus et elle recula jusqu'à buter contre une barrière de bois. Elle était sur un porche, mais trop préoccupé par le prédateur à deux pas d'elle pour se soucier de la maison.

Il pencha la tête sur le côté comme s'il venait de flairer une proie. Elle.

— Les humaines sont tellement prudes, murmura-t-il de sa voix grondante.

Il s'approcha encore et elle réalisa qu'elle était bloquée. Coincé entre lui et la barrière du porche... en plein milieu d'une forêt, avec un inconnu deux fois plus grand et plus lourd qu'elle, plus fort, et personne ne savait qu'elle était là.

La terreur la prit à la gorge, la figeant sur place.

Proie & Prédateur - L'Humaine et l'OursWhere stories live. Discover now