Une page se tourne

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Je voudrais t'écrire encore quelques mots

Peut-être parce que c'est un soir de chute libre

Peut-être parce que c'est le premier

Qui depuis longtemps ne t'es pas dédié.

Ce sera sûrement le dernier où je pense à toi

Je nous ai assez pleuré, sans savoir si tu faisais de même.


Commençons.


Je ne brûle que de Poésie.

Je ne vis que pour l'ivresse de quelques vers

Jetés sur le papier lors de ces nuits folles où le ciel tout entier me dévore.

Ma raison à l'abandon se noie dans la féérie qui vacille lentement

Et si je métaphore, c'est que le monde au grand complet se tort

Se prélasse dans le noir et dans l'incomplet qui surgit

Et si tout reste à inventer, tout reste surtout à écrire.

Je ne vis que pour l'inconstant qui pétille sous mes doigts à mesure que j'écris

Pour cette immensité qui se déploie et se rétracte

Je ne vis que pour saisir un jour son nom

Et me taire.


Mettons-nous d'accord.


Tout cela n'existe pas aux yeux des autres

Tout cela se meurt dans mes regards si je renie la plume

Tout cela n'a de sens que lorsque les étoiles percent la toile du monde

Tombent en pluie fine en pleine après-midi

Ornent les êtres humains que je chéris

Et ravage le monde,

La banalité qui m'écorche

Et l'hideuse vérité de certains cœurs que j'avais cru bon d'aimer,

Il fut un temps.


Admettons-le.


Tu n'étais pas des cœurs qui me révulsent.

Tu n'étais pas des cœurs que j'ai eu tort de chérir.

Tu n'étais pas des cœurs qui se noie dans l'inessentiel.


Mais tu n'étais pas de ceux qui voient l'étincelle.

Qui contemplent le brasier du monde

Et qui aiment à s'y brûler

Pour mieux écrire le soir venu.


Tu n'étais pas de ceux qui aiment le danger de la Poésie.

Tu n'étais même pas de ceux qui pouvaient l'apercevoir

Encore moins de ceux qui pouvaient en comprendre le paradoxe fascinant.


Et tout ce qui m'électrifie depuis tant d'années

Tu ne pouvais même pas l'appréhender.


Je te l'avais écrit pourtant

"La poésie, je ne l'écris pas, je la vis"

Ou peut-être que je meurs à chaque instant où elle s'empare de moi

Tout cela n'a jamais été qu'un vaste étourdissement de tous les sens

Le plus beau et le plus improbable des amours

Le plus essentiel et le plus intangible des événements

Et peut-être même

Ma raison la plus immarcescible de vivre.


Et même si je suis prête à admettre que tout cela déraille dans mon esprit

Qui est bien trop sensible à l'invisible et au tremblant.

Et même si je suis prête à admettre qu'il m'arrive d'être profondément irrationnelle

Que tout ce que je perçois n'existe pas en dehors de moi

Et que la poésie n'est finalement qu'un égarement

J'ai profondément besoin de déraisonner.


Je ne vis que de cette absurdité

Je ne vis que de tout ce que tu aurais été incapable de percevoir ne serait-ce qu'un instant.

Je ne vis au fond que pour ce que nous n'aurions jamais pu partager.

Et qu'il vaut mieux que j'apprenne à préserver

Avant de m'aventurer à aimer aussi fort que la collision de deux astres

Car crois-moi

Le plus vaillant des désastres

Serait que j'oublie ce que j'ai le don de chérir à la nuit tombée.


Ainsi s'achève ce qui a pu compté,

Moi, qui voulais te faire entendre le rire des étoiles

Et le bruit du monde quand la poésie vagabonde

Tant de choses qui ne portent aucun noms

Et qui ne prennent vie qu'après maintes contemplations.

Et toi, qui voulais compter bien plus que tout ce que je voulais tant te partager,

Sans comprendre que cela n'aurait jamais pu être la vision de l'amour que j'avais.


Je n'oublierai jamais,

J'ai juste décidé que j'avais autre chose à écrire

Qu'à présent, je serai à nouveau capable de chérir.


Je ne suis perle qu'en feu.









Poésie brumeuseTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon