— Ne joues pas à la gamine, Evane. Tu vas bientôt avoir dix-huit-ans, les gamineries ont assez duré.

Pour ne pas dire quelque chose que je risque de regretter, je me tais. Quand je juge que je suis apte à parler comme une presque-adulte, je reprends la parole :

— Tu me manques. Tu sais que tu me manques ?

— Je le sais oui, et vous me manquez aussi. Mais je te promets de bientôt venir te voir.

Je lui raccroche au nez. Sans vraiment y réfléchir à vrai dire. Peut-être que j'ai besoin qu'il me montre qu'il tient à moi d'une autre manière qu'avec des tu me manques aussi. Et même s'ils sont vrais, ce n'est pas ce dont j'ai besoin. Il me faudrait ses bras autour de moi et ses lèvres dans mes cheveux. Un simple baiser sur le front suivi d'une de nos discussions plus que palpitantes. Je sais que je ne les ai pas et je ne peux les imaginer sans que son image se fasse de plus en plus floue à mesure que la sensation fait effet.

COLIN : Et même si des excuses ne suffisent pas, sache que je t'aime plus que tu ne le penses. Bientôt, tu seras dans mes bras. C'est une promesse que je te promets de tenir.

Je la note dans un coin de ma tête et de ma feuille, prête à lui faire remarquer à tout moment s'il ne la respecte pas.

☼ ☼ ☼

Le bruit de la tondeuse accompagnée des effluves de café qui virevoltent dans la maison me réveillent vers huit heures du matin. Il me faut un temps d'adaptation à la lumière du jour mais surtout au vacarme incessant que mon père a décidé de provoquer. Pourquoi faut-il toujours qu'il fasse ça ? Il est pourtant on ne peut plus conscient que, pour moi, le dimanche matin est sacré et qu'une bonne grasse matinée ne m'est pas de refus.

J'enfile un pull car malgré le printemps qui approche, les températures matinales se font encore fraiches. Pieds nus, comme à mon habitude, je descends les escaliers en trombe, consciente que mes protestations ne serviront à rien mais avec l'espoir qu'il veuille quand même les prendre en compte.

Ma mère est en train de regarder une émission à la télé. Je lui embrasse la joue droite puis part immédiatement dans le jardin. J'ouvre la baie vitrée, me rendant compte qu'elle couvre bien le bruit. Heureusement qu'elle est là, je pense.

La voute plantaire de mes pieds entre immédiatement en contact avec le bois de la terrasse puis avec l'herbe, me procurant un léger plaisir. J'aime cette sensation d'être en accord total avec la nature, d'une manière ou d'une autre.

Son casque sur les oreilles et sa veste spéciale jardinage sur les épaules, mon paternel sourit en me voyant plantée devant lui, les mains sur les hanches. Je lui fais signe d'enlever son truc mais il fait comme s'il ne comprenait pas, fronçant les sourcils. Alors je contourne la tondeuse sur laquelle il est assis et le lui enlève moi-même, le cachant derrière mon dos en signe de résistance et de contrariété.

— Tu le fais exprès, c'est ça ?

— Comment ça ? De passer la tondeuse ?

— Non, de le faire au moment où ta fille peut avoir un vrai moment de repos.

Il pouffe, s'enfonçant encore plus dans son siège.

— Ce n'est pas auprès de moi que tu devrais te plaindre, mais d'elle, se défend-il en me montrant la pelouse. C'est elle qui pousse, pousse et pousse jusqu'à avoir besoin qu'on la coupe.

— Ok, c'est bon. Tu as gagné. Mais tu ne me verras pas parler à l'herbe pour autant.

— Mince, moi qui comptais t'inscrire à des cours pour être en harmonie avec elle, se moque-t-il en penchant sa tête de côté, comme s'il était déçu.

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